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Le Mari jaloux

Le Mari jaloux, comédie en 5 actes en vers, de Desforges. 12 pluviôse an 5 [31 janvier 1797].

Théâtre de la République

Almanach des Muses 1798.

Pièce de l'auteur de la Femme jalouse : elle n'a pas autant réussi.

Constance, femme de Tersange, élève un enfant dans le plus grand mystère : le mari est furieux ; mais cet enfant est le fruit de sa propre infidélité ; Constance l'a recueilli, et a promis de lui servir de mère. Le jaloux est confondu.

La Femme jalouse est une comédie en cinq actes et en vers de Desforges, créée en 1785.

Courrier des spectacles, n° 26 du 13 pluviôse an 5 [1er février 1797], p. 3-4 :

[Avant d’entrer dans le vif du sujet, le critique inflige à ses pauvres lecteurs des généralités sur la jalousie, sentiment « généralement improuvé », à la fois ridiculisé au théâtre et finalement excusable, voire flatteur pour qui l’inspire. Il tient encore à souligner la multitude de pièces dont le titre contient « jaloux » ou « jalouse », mais ne compare la pièce nouvelle qu’à des exemples récents, ce qui l’amène à souligner que la pièce nouvelle paraît bien en être inspirée. Après ces préliminaires qui ne sont pas tous à la gloire de la pièce de Desforges, il entreprend de résumer l’intrigue, une histoire de jalousie compliquée à souhait, le mari jaloux (qui a pourtant un enfant d’une ancienne maîtresse) soupçonnant sa femme, tout comme le mari de la nourrice soupçonne la sienne quand il la voit un enfant dans les bras, tout comme aussi la sœur du mari jaloux soupçonne celui qui pourrait bien devenir son fiancé. Cascade de jalousies donc, encore amplifiée par les rebondissements qui poussent le mari à redoubler de jalousie à plusieurs reprises. Mais bien sûr, le jaloux finit par être confondu (mais le critique ne dit pas en quoi consiste le dénouement). Le jugement porté sur la pièce est sévère : elle est ennuyeuse, pleine de longueurs. Un seul rôle est « fait pour plaire », celui de la femme du jaloux, « supérieurement joué par Mlle Vanhove ». On ne sait s’il s’agit d’un drame ou d’une comédie très larmoyante, et elle aurait pu (ou dû) s’achever au troisième acte, avant l’arrivée du mari de la nourrice (question d’unité d’action ?). Et le geste du mari arrachant l’enfant « des bras de la nourrice » a beaucoup choqué.]

Théâtre de la République.

Nous ne connoissons pas de sujet qui ait été mis plus souvent sur la scène que la jalousie. On peut compter vingt-trois pièces portant les titres de Jaloux ou Jalouse, outre celle donnée hier au théâtre de la République. Il faut convenir aussi que nul sentiment n’est plus généralement improuvé ; nous oserions même avancer qu’il est peu de gens de bonne foi qui pourroient s’en prétendre exempts. En supposant ce principe vrai, il est peut-être étonnant qu’on ait si souvent tourné en ridicule un sentiment involontaire, quelquefois, il est vrai, cruel dans ses suites, mais rarement tout-à-fait con damnable, puisqu’il est certain qu’il est un degré auquel on est même flatté de l’inspirer. Ce ne sont donc, selon nous, que les situations comiques et théatrales que fournit le personnage d’un jaloux, qui ont pu engager si souvent à le représenter sur la scène. L’auteur de la nouvelle comédie de ce titre, outre les difficultés d’une comédie de caractère en cinq actes, avoit à craindre la comparaison de deux pièces du même sujet fréquemment jouées par les premiers acteurs du théâtre Feydeau, et de rentrer dans toutes celles déjà faites sur le même caractère. Sans examiner si la sienne ressemble à toutes celles qui ne se jouent plus aujourd’hui, nous nous bornerons à remarquer que l’épouse du jaloux a le même rôle, et exprime quelquefois les mêmes pensées que la comtesse dans le Jaloux sans amour, d’Imbert. Le rôle de la jeune d’Orson de la même pièce paroît également suivi dans celui de Céline dans la pièce nouvelle, dont le dénouement est semblable à celui de Pauline ou la Fille naturelle.

Tersange, c’est le nom du jaloux, a obtenu la main de Constance, qui l’a préféré à Dargicourt. Celui ci voulant du moins entrer dans la famille de son amante, a demandé la main de sa sœur qui lui a été promise. Il est parti pour l’armée. Constance, peu de temps après son mariage, a reçu une lettre d’une demoiselle Adèle de Saint-Elment, qui avoit été la maîtresse de Tersange, et qui, se voyant près de mourir, avoit désiré confier à ses soins un enfant qu’elle avoit eu de son amant. Constance s’est chargée de l’enfant et l’a mis en nourrice. Dargicourt revient, et ne trouvant pas Constance, il laisse une lettre pour elle, et rencontre en sortant Tersange qui ne le connoît pas, mais dont la jalousie s’allume en voyant sortir un officier de chez sa femme. Il saisit la lettre qu’on a laissée pour elle, et se livre à la plus grande fureur après l’avoir lue. Il écrit lui-même à son épouse pour lui dire de rester chez sa mère où elle est allée, qu’il ne veut plus la voir. La scène change au 2.e acte, et représente un jardin. Tersange y arrive au moment où Dargicourt ayant prié Constance de l’aider à gagner le cœur de Céline sa sœur, Constance lui répond :

De seconder vos vœux je me fais une loi,
Et vous pouvez, Monsieur, tout attendre de moi.

La fureur du jaloux est à son comble. Il sort sans être vu ; sa femme reçoit la lettre qu’il lui a envoyée. Quoiqu’innocente, sa douleur la fait évanouir. Un instant après son mari la fait demander ; elle retourne vers lui. Il lui montre la lettre de Dargicourt, qu’elle ne comprend pas. Céline, qui est elle-même jalouse que Dargicourt ait écrit à sa sœur, force celui-ci de donner une explication qui confond le jaloux qui promet de se corriger ; mais bientôt arrive Thibaudé, mari de la nourrice, qui non moins jaloux que Tersange, n’a pas vu sans effroi chez lui, en revenant d’un voyage, un enfant dans les bras de sa femme. Cette dernière a été obligée de lui avouer que l’enfant appartenoit à M. de Tersange. Thibaudé, pour s’assurer de la vérité, est venu trou ver Tersange dont la jalousie se réveille de nouveau ; il court chez la nourrice avec Thibaudé, et malgré les cris de cette malheureuse femme, il lui enlève l’enfant de force et emmène ce dernier chez lui ; il enferme le père nourricier avec l’enfant, et va rejoindre la compagnie. Constance entre avec une partie de la société. On entend crier Thibaudé ; Tersange revient, fait de nouveaux reproches à sa femme ; la nourrice accourt pour réclamer l’enfant qu’on lui a ravi. Tersange demande à sa femme à qui appartient cet enfant ; elle déclare en être la mère. Nouvelle fureur de Tersange qui est de nouveau confondu, lorsque Constance lui prouve que c’est lui qui est le père de cet enfant.

Cette pièce que le public a eu la patience d’entendre jusqu’à la fin, est pleine de longueurs on ne peut plus ennuyeuses. Le rôle de Constance, supérieurement joué par Mlle Vanhove, est le seul qui soit fait pour plaire. Tantôt elle dit à son mari, avec une aimable douceur :

Vous ai-je donné lieu de vous plaindre de moi ?
Involontairement cela pourroit bien être.

Tantôt avec une noblesse qui sied à la vertu :

Vous conviendrez qu'il faut être bien innocente
Pour soutenir en paix cette attaque insultante.

Cet ouvrage qui n’est qu’un drame ou comédie très-larmoyante, sembloit fini au troisième acte avant l’arrivée de Thibaudé, et le quatrième a généralement révolté, lorsque l’on a vu Tersange se permettre d’arracher de force un enfant des bras de sa nourrice.

La base César ne connaît pas de Mari jaloux de Desforges en 1797. Pourtant, si elle est bien du même auteur que la Femme jalouse, créée en 1785 et abondamment jouée jusqu'à la fin du siècle au moins, c'est bien Pierre-Jean-Baptiste Choudard dit Desforges (15 septembre 1746 - 13 août 1806) qui en est l'auteur... Encore un oubli de César !

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