Le Mari trompé, battu et content

Le Mari trompé, battu et content, comédie en un acte et en vers, de Charles Maurice [Descombes], 28 juillet 1814.

Théâtre de l'Odéon.

Titre :

Mari trompé, battu et content (le)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ?

en vers

Musique :

non

Date de création :

28 juillet 1814

Théâtre :

théâtre de l’Odéon

Auteur(s) des paroles :

Charles Maurice [Descombes]

Almanach des Muses 1815.

C'est, s'il eût triomphé, qu'il pourrait vous en croire,
Et demeurer oisif au sein de la victoire.

M. Maurice n'avait point réussi en donnant Stanislas1, et au moment où je venais d'écrire les lignes ci-dessus, j'ai vu que, dans son Mari trompé, battu et content, il avait obtenu un plein succès ; je lui dis encore : Courage !

1 Stanislas, ou la Partie de chasse, jouée sans succès au même théâtre, le même mois de juillet 1814.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VII, juillet 1814, p. 280-282 :

[Nouvelle pièce de Charles Maurice, peu après la Partie de chasse, qui n’a pas réussi. Mais aussi nouvelle pièce inspirée d’un conte libertin de Boccace. Voilà qui pose de sérieux problèmes au théâtre : impossible d’appeler les choses par leur nom, sur la scène, et de nommer le sort de ce pauvre marii (on pouvait encore le faire à l’époque de Molière). Il a donc fallu que l’auteur réussisse à « en épurer la morale sans en détruire la beauté »; ce qu’il a fait « avec assez d'esprit et de goût ». Assez, mais pas trop : le bilan s’arrête à « quelques scènes plaisantes et un assez grand nombre de vers piquans et facilement tournés », qui permettent de croire à des succès futurs, à condition de choisir un sujet qui ne soit pas « au-dessus de ses forces » (ce serait déjà le cas de ce sujet, qui n’est pourtant pas d’une grande ambition !).]

THÉÂTRE DE L'ODÉON.

Le Mari trompé, battu et content, comédie en un acte et en vers, de M. Charles Maurice.

La seconde représentation de cette petite pièce a pleinement, confirmé le succès qu'avait obtenu la première. Le sujet était scabreux : le théâtre impose des lois bien plus sévères que le conte, et la délicate susceptibilité des spectateurs eût fait un crime à M. Maurice des libertés dont les lecteurs savent bon gré à Bocace et à La Fontaine. Dans le titre même de la pièce on sent déjà la gêne de la réserve prescrite à l'auteur dramatique ; il a été obligé d'employer deux mots au lieu d'un ; ce mot que Molière et les auteurs de son temps écrivaient sans scrupule et que nos ancêtres entendaient sans scandale, révolte aujourd'hui la pruderie de nos oreilles, quoique la chose qu'il exprime ne soit pas moins commune qu'autrefois.

Cette singulière maladie, dont personne ne meurt et plusieurs vivent, à ce que disait Piron, cette disgrâce qui excite le rire et jamais la pitié, a fourni le sujet de la plupart des contes de Bocace et de son élégant imitateur. La Fontaine laisse regretter, dans le plaisant récit de l'aventure du Mari...., battu et content, quelques circonstances qu'il a sacrifiées sans doute à la précision nécessaire au récit qui devient languissant quand il ne court pas au dénouement, semper ad eventum festina. Mais il a bien dédommagé le conteur italien par les graces qu'il a prêtées à sa gaillarde nouvelle.

Il fallait, en la mettant au théâtre, en épurer la morale sans en détruire la gaîté, et c'est ce qu'a fait M. Maurice avec assez d'esprit et de goût. La femme, loin de récompenser un tendre amant aux dépens d'un mari injuste et bourru, trouve le moyen de donner à-la-fois une leçon à un jaloux et à un fat qui outragent également la vertu des femmes, l'un par ses soupçons, l'autre par sa présomptueuse confiance.

Si la leçon que reçoit le mari est un peu plus rude, c'est qu'il est en effet le plus coupable : soupçonner sa femme est un crime moins pardonnable que faire la cour à celle d'un antre.

Quelques scènes plaisantes et un assez grand nombre de vers piquans et facilement tournés prouvent que M. Maurice obtiendra des succès au théâtre quand il ne voudra pas se charger de sujets au-dessus de ses forces.

Sumite materiam vestris qui scribitis æquam,
Viribus, et versate diù quid ferent recusent,
Quid va.leant humeri.

[La citation finale est bien sûr empruntée à l’Art poétique d’Horace, v. 38-40. Elle comporte une variante : on trouve usuellement « ferre » à la place de « ferent ». Une traduction dans le style du temps (traduction de Bon le Camus, 1841) : « Qu’un auteur réfléchisse au sujet qu’il veut prendre, et qu’il pèse long-temps ce qu’il peut entreprendre et ce qu’il doit laisser ».]

Le Spectateur, ou variétés historiques, littéraires, critiques, politique et morales, tome second (juillet, août et septembre 1814), n° 14, p. 172-173 :

Le Mari Trompé , Battu Et Content, comédie en un acte et en vers , par M. Ch. Maurice.

Dans son éternelle Partie de Chasse, M. Maurice avoit déployé une si grande parcimonie de gaieté, qu'on pouvoit, sans injustice, soupçonner sa muse d'être encore une de ces Thalies pleureuses qui, en dépit de Molière, et à la barbe de Regnard, font de si fréquentes irruptions sur notre scène. Un remords de conscience s'est sans doute emparé de ce jeune poëte : il n'a point fallu trois représentations de sa pièce, pour lui faire voir, sur toutes les physionomies impartiales, certaine convulsion musculaire qui n'annonçoit rien moins que du plaisir. Jaloux d'expier son erreur, il vient de lancer subitement un petit ouvrage, qu'on pourroit aussi nommer une partie de chasse ; car on y décoche bon nombre de traits.... contre les dames.

C'est encore aux dépens de ce pauvre hymen, que M. Maurice vient d'aiguiser l'épigramme destinée à réveiller le public de l'Odéon.

I1 a trouvé dans les contes du bon homme,

Des malices du sexe, immortelles archives !

à peu près le titre et tout le sujet de son Mari trompé, battu et content.

Comme, sous tous les rapports, et particulièrement celui des mœurs, nous sommes infiniment supérieurs aux contemporains de Molière et de La Fontaine, on devine sans peine que, dans la pièce de M. Maurice, la décence ne se trouve jamais compromise par certaines expressions si familières à ces deux auteurs. Celle de Mari trompé, par exemple, ce foible mais délicat équivalent qui se lit sur l'affiche, doit rassurer les consciences timorées. Elles le seront complètement, en apprenant que le conte si gai de La Fontaine devient moral sous la plume de M. Maurice. Corriger un jaloux, éconduire un galant, et conserver sa vertu, voilà ce que fait la femme de Sganarelle ; et d'après cela, sauf les coups de bâton qu'elle fait distribuer à son époux, quel mari ne seroit charmé de trouver une Simone dans sa moitié ? Cette petite pièce est facilement versifiée ; mademoiselle Délia et Talon sont agréables dans leurs rôles ; Thénard n'est qu'utile dans celui de l'amant déguisé en valet.

Le Mari trompé (qui, par parenthèse, ne l'est point, puisque sa femme lui a été fidèle) fera plaisir après une pièce quelconque ; mais il paroîtra charmant après la Partie de chasse, qu'il soutient ordinairement ; c'est une petite coquette, qui brille à la fois et des charmes qu'elle possède , et de ceux qui manquent à sa vieille et triste sœur.

 

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