Le Mariage Supposé

Le Mariage Supposé, comédie en trois actes, en vers, par le citoyen Lourdet de Santerre. 21 frimaire an 9 [12 décembre 1800].

Théâtre français de la République

Titre :

Mariage supposé (le)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

vers

Musique :

non

Date de création :

21 frimaire an 9 (12 décembre 1800)

Théâtre :

Théâtre Français de la République

Auteur(s) des paroles :

M. Lourdet de Santerre

Almanach des Muses 1802

Fond qui ressemble beaucoup à celui de la Feinte par amour, quelques vers agréablement tournés ; des plaisanteries de bonne compagnie, mais peu d'action. Demi-succès.

Courrier des spectacles, n° 1384 du 22 frimaire an 9 [13 décembre 1800], p. 2-3 :

[Compte rendu sévère d’une pièce qui a beaucoup de défauts (la liste habituelle : ni intérêt, ni intrigue, aucune surprise, ni exposition, ni nœud, ni dénouement, « des entrées et des sorties continuelles, sans motifs, sans besoin », on ajoutera à la fin que la pièce est « toute en conversations ») et trois qualités (« beaucoup d’esprit , un style fleuri, des vers agréables »), mais « qui ne peuvent remplacer le talent dramatique ». De l'esprit dans une comédie, c’est indispensable, mais on ne doit pas qu’on l’aperçoive. Après ce début tonitruant, le critique résume la pièce : une intrigue amoureuse avec jeune veuve, futur mari possible qui vient avec sa sœur qu’il fait passer pour sa nouvelle conquête, de l’imbroglio, mais tout finit par s’arranger :le critique préfère ne pas commenter. Visiblement, il n’est pas convaincu de la valeur d’une telle pièce.]

Théâtre Français de la République.

La pièce donnée hier pour la première fois à ce théâtre, ayant pour titre le Mariage supposé, a été applaudie, mais non pas généralement.

L’auteur a été demandé et nommé ; c’est le citoyen Lourdet de Santerre.

Malgré les appauvrissement qui ont accueilli cet ouvrage , nous ne pouvons dissimuler qu’il n’a rien de ce qui constitue une comédie, ni intérêt, ni intrigue ; car on prévoit tout avant même de connoitre tous les personnages. Point d’exposition, point de nœud, par conséquent point de dénouement ; des entrées et des sorties continuelles, sans motifs, sans besoin ; beaucoup d’esprit , un style fleuri, des vers agréables, trois sortes de mérite qui ont sans doute contribué au succès de l’ouvrage, mais qui ne peuvent remplacer le talent dramatique auquel elles sont absolument étrangères. Car s’il est vrai qu’il faut de l’esprit pour faire une bonne pièce de théâtre, il n’est pas moins certain que pour qu’une comédie soit bonne il ne faut pas que l’on y apperçoive de l’esprit. Celle-ci en montre beaucoup trop.

Madame Clairville, jeune veuve, n’a pas eu à se féliciter de son premier mariage, et répugne à s’engager de nouveau sous les lois de l’hymen.

St.-Far seul auroit pu lui faire perdre sa ré solution ; elle ne le voyoit pas sans intérêt ; mais un refus l’a éloigné : elle s’en croit délivrée pour toujours, et vit chez son oncle, au milieu d’un grand nombre d’adorateurs dont elle sent qu’elle n’a rien à craindre. Elle s’amuse même de l’un d’eux, nommé Célicourt , jaune homme léger et aussi peu capable d’intéresser que de se fixer lui-même.

Cependant, St-Far revient, accompagné de madame St-Ange, sa sœur , qu’il fait passer pour un nouvel objet de son amour qu’il est sûr le point d’épouser.

L’amour de madame de Clairville se réveille, elle veut jouer l’indifférence, mais souvent elle se trahit. Enfin voyant Célicourt aux pieds de sa rivale elle veut détromper St-Far. Celui-ci, convaincu qu’il est aimé, en arrache l’aveu, découvre son stratagème, obtient la main de madame de Clairville, et sa sœur épouse Célicour.

Tel est le sujet de cette pièce, qui se passe toute en conversations.

Réimpression de la Gazette nationale ou le Moniteur universel, volume 23, n° 83, 23 frimaire an 9, p. 332 :

Théâtre Français.

On vient de donner à ce théâtre une comédie nouvelle en trois actes et en vers, intitulée : Le Mariage supposé. Elle a eu peu de succès ; l'auteur cependant a été nommé ; c'est le citoyen Lourdet de Santerre. Voici quel en est le sujet.

Une veuve, très-jeune encore, aimable et belle, a refusé par coquetterie de s'unir à st.-Phar, jeune homme doué des qualités les plus distinguées ; cet amant s'est éloigné, et la coquette le regrette en secret ; un oncle, près duquel elle s'est fixée, la presse inutilement de songer à d'autres nœuds. La fuite de St.-Phar n'était cependant qu'une ruse d'amour ; une autre ruse le ramène près de la jeune veuve ; il feint d'être sur le point de se marier, et se présente accompagné de sa sœur, qu'il fait passer aux yeux de son amante, pour son épouse future. Mad. de Clairville, c'est le nom de la veuve, reçoit St.-Phar avec dépit, et sa rivale prétendue avec une jalousie qu'elle a de la peine à dissimuler. Deux entretiens facilités à ces amans les rapproche ; la coquetterie fait place à un sentiment plus doux. St.-Phar retrouve ses droits en avouant sa ruse, et la jeune veuve le bonheur, en perdant de nouveau sa liberté.

Cette analyse suffit pour faire reconnaître que le fond de la comédie nouvelle se trouve dans la Coquette corrigée, les Fausses infidélités, la Feinte par amour, etc. etc. Quoique la situation principale ne soit pas précisément neuve, elle pouvait amener des scenes comiques, et nous reprocherons au citoyen Lourdet de n'en avoir pas tiré tout le parti possible. Son premier acte promettait un peu d'action et d'intrigue. Les deux derniers démentent complettement cette promesse : on n'y trouve que des entrées et des sorties, sans but, sans motif, sans nécessité. Les deux entretiens dont nous avons parlé, sont amenés de la maniere la plus invraisemblable : une situation dont on a tant abusé au théâtre, celle d'un homme surpris aux genoux d'une femme, s'y trouve deux fois employee. L'auteur a cru trouver un contraste ; c'est une répétition qu'il s'est permise, l'exposition est languissante et le dénouement prévu dès le premier acte.

Deux personnages accessoires, celui de Célicourt, jeune fat, et celui de la sœur de Saint-Phar, ne produisent aucune situation comique, aucune opposition piquante. Le rôle de l'oncle est à peu près inutile, celui de la tante l'est tout-à-fait, celui du valet est nul. Celui de Saint-Phar est tracé avec sagesse, mais il est d'un effet peu saillant : c est une faible imitation du Clitandre de Lanoue.

Le rôle de la Coquette est conçu plus habilement que les autres, et est écrit avec plus de grâces et de soins ; mais comme elle parle beaucoup et n'agit nullement, il en résulte que sa conversation a quelques agrémens, sans plaire, sans que sa conduite attache, sans que son sort intéresse.

Le défaut principal de l'ouvrage est son extrême froideur ; le second acte surtout est d'un vuide absolu ; il n'y a que deux scenes essentielles dans la totalité de cette comédie, et elles sont trop peu développées ; la seconde a cependant fait quelque plaisir.

Le style est en général négligé, très-peu harmonieux, rarement naturel ; le madrigal y domine : ce ton refroidirait un ouvrage dont les situations auraient du comique. On peut juger de son effet sur des scenes qui sont totalement dépourvues de cette rare qualité.

Au surplus , c'est avoir à la fois et mal choisi son tems, et peu connu le goût du public, que de lui offrir aujourd'hui une production à la maniere de Dorat où de Marivaux. Quoiqu'on puisse penser de la décadence prétendue des lettres et du goût, nous devons dire que le public repousse aujourd'hui ces productions sans force et sans couleur : miniatures pointillées, si l'on peut s'exprimer ainsi, que l'on offrait à la scene quelques années avant la révolution. Le public veut aujourd'hui des ressorts plus vigoureux, des traits plus mâles, plus prononcés, des scenes attachantes, ou des situations comiques. Ce n'est plus assez pour lui que d'être élégant et superficiel, il faut être énergique et vrai ; j'en appelle au Philinte, aux Précepteurs, à l'Ecole des Peres, au vieux Célibataire, ouvrages dont chaque jour voit s'accroître le succès, tandis que chaque jour acheve de détruire l'enthousiasme éphémere, l'enjouement frivole qu'ont inspiré certaines productions prétendues dramatiques, dont l'éclat factice ne fut dû qu’aux caprices de la mode et au talent de quelques auteurs.              S. t..

La Décade philosophique, littéraire et politique, an 9, 1er trimestre, n° 9 (30 frimaire), p. 556 :

[Une pièce très insuffisante : « sans fonds, sans action et sans intérêt », dont la « conduite dramatique » est insuffisante. Et en plus, sans originalité : une «  nouvelle contre-épreuve de La Feinte par Amour ».]

Théâtre-Français de la République.

Le Mariage supposé, comédie en 3 actes et en vers.

Tout le monde sait qu'après la Coquette corrigée, de La Noue, pièce du second ordre, le Théâtre français fut inondé, pendant quelques années, de comédies du même genre, dont la moins médiocre est sans contredit La Feinte par Amour, de Dorat. Toutes ces petites intrigues de boudoir, dûrent une sorte de succès à la peinture plus ou moins fidelle du ton qu'on était, à cette époque, convenu d'appeler le ton de la bonne compagnie. Ce n'était pourtant, à le bien prendre, qu'un marivaudage dégénéré : et tous ces ouvrages sans caractère, sans but moral, et sans effet, n'empruntèrent long-tems une sorte de charme que du jeu spirituel ou gracieux des comédiens.

C'est apparemment sur l'espoir d'être servi de même, par le talent aimable de Mme Petit-Vanhove, que le C. Lourdet de Saterre [sic] s'est hasardé à risquer cette nouvelle contre-épreuve de La Feinte par Amour ; et, à cet égard, son espérance n'aurait pas été trompée : mais la mode de ces froides conversations, de ses scènes de persiflage, de ces petites peintures de l'amour-propre féminin, ont perdu beaucoup de leur effet sur un peuple devenu, quoi qu'on en dise, moins léger, et qui s'est accoutumé à des émotions plus fortes. Quelques vers spirituellement tournés, quelques madrigaux ingénieux , quelques plaisanteries fines et délicates, ne suffisent plus pour faire réussir un ouvrage sans fonds, sans action et sans intérêt, et dont l'auteur n'a pas même assez soigné la conduite dramatique.                    L. C.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 6e année, 1800, tome IV, p. 551-552 :

[De gros défauts, entrées et sorties trop peu motivées, dénouement sans surprise. Il suffirait de réduite les trois actes à un seul...]

THÉATRE FRANÇAIS DE LA RÉPUBLIQUE.

Le Mariage supposé.

Cette comédie, en trois actes, et en vers, a été jouée le 21 frimaire.

M.me de Clairville, jeune veuve, est tellement dégoûtée du mariage, qu'elle se retire chez son oncle, et que, malgré son amour pour S. Phar, elle refuse de l'épouser. Celui-ci vient chez l'oncle, accompagné de M.lle S. Phar, sa sœur, qu'il fait passer pour sa future. La jalousie fait sur elle ce que l'amour n'avoit pu faire ; et elle est sur le point de se brouiller avec S. Phar, lorsqu'il avoue sa supercherie. Il l'épouse et donne sa sœur à Célicour, jeune étourdi qui lui étoit destiné, et qui avoit aussi été dupe du prétendu mariage.

Cet ouvrage est agréable, mais non pas sans défauts. Le dénouement est prévu depuis la première scène ; les entrées et sorties sont trop fréquentes et rarement motivées. Les vers sont bien tournés, mais le style lâche et rempli de madrigaux. Cependant, réduit en un acte, il peut être vu avec plaisir.

L'auteur est le C. Lourdet de Santerre.

Annales dramatiques, ou Dictionnaire général des théâtres, tome sixième (Paris, 1810), p. 100-101 :

MARIAGE SUPPOSÉ (le), comédie en trois actes et en vers, par M. Lourdet de Santerre, au théâtre Français, 1800.

Madame de Clairville, jeune veuve, retirée chez un de ses oncles, est tellement dégoûtée du mariage, qu'elle rejette les vœux de Saint-Phar, quoiqu'elle ait conçu de l'amour pour lui. Désespéré, le jeune homme s'éloigne de la cruelle ; mais bientôt, feignant de l'avoir oubliée, il annonce qu'il a fait un autre choix, et il revient chez l'oncle de madame de Clairville, accompagné de mademoiselle Saint-Phar, sa sœur, qu'il fait passer pour sa future. Le maître de la maison, trompé par l'apparence, invite ces deux fiancés à se marier chez lui; mais madame de Clairville ne peut voir cet hymen sans regret ni sans jalousie, et l'on pense bien qu'elle ne fait pas un bon accueil à sa prétendue rivale. Deux entretiens particuliers qu'elle a avec Saint-Phar, achèvent de la désoler ; et elle est sur le point d'éclater en reproches, lorsque cet amant fidèle lui avoue la supercherie. Non-seulement Saint-Phar et madame de Clairville sont unis, mais encore on marie leur sœur à Célicourt, jeune étourdi qui lui était destiné, et qui, ayant vu sa jolie future prête à épouser un autre homme, avait aussi été dupe pour son propre compte.

Tel est le sujet de cette comédie, qui fut représentée sur le théâtre Français, avec toutes les apparences d'un succès. On y remarqua plusieurs défauts choquans ; les entrées, les sorties, y sont trop multipliées et trop faiblement motivées; la conduite de Saint-Phar envers sa sœur, qu'il doit traiter comme sa femme, est trop mal-adroite pour tromper long-tems madame de Clairville ; d'ailleurs le dénouement, prévu dès l'exposition, fait trouver beaucoup trop long l'intervalle qui sépare la première scène de la dernière.

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