Monsieur de Bièvre, ou l'Abus de l'esprit

M. de Bièvre, ou l'Abus de l'esprit, calembourg en un acte et en vaudeville, par les C.ens C...., 6 prairial An VII (25 mai 1799).

Les auteurs sont nombreux : Dupaty, Luce, Salverte, Coriolis, Creuzé, Gassicourt, Legouvé, Monvel fils, Longperrier, Alexandre (c'est-à dire Ségur jeune et Auguste de Forbin) et Chazet

Théâtre des Troubadours.

Titre :

Monsieur de Bièvre, ou l’Abus de l’esprit

Genre

calembour

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

6 prairial an 7 (25 mai 1799)

Théâtre :

Théâtre des Troubadours

Auteur(s) des paroles :

Duoaty, Luce, Salverte, Coriolis, Creuzé, Gassicourt, Legouvé, Monvel fils, Longperrier, Alexandre (c'est-à-dire Ségur jeune et Auguste de Forbin) et Chazet

Pièce annoncée dans l'Almanach des Muses sous le titre de Le Marquis de Bièvre, ou l'Abus de l'Esprit, avec un court résumé. Ce titre fait bien sûr référence au personnage historique dont le pièce s’inspire.

François-Georges Maréchal, marquis de Bièvre; né en 1747, mort en 1789 ou 1792, est resté célèbre par son goût pour les rébus, les jeux de mots, les calembours qu’il disait à la Cour et dans les salons et dont il a publié de nombreux exemples. La fameuse tragédie Vercingentorixe est son œuvre.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Huet, chez Charon, an VIII (seconde édition) :

M. de Bièvre, ou l'Abus de l'esprit, calembourg en un acte et en vaudeville ; Par les C.ens C.... Suivie de Vercingentorixe, tragédie.

La brochure s’achève par une série de calembours, présentés comme un réservoir à utiliser pour rendre à la pièce son piquant, dont on sait qu’il tend à s’user. Puis on trouve l’étonnant Vercingentorixe [sic], tragédie, oeuvre posthume du sieur de Bois-Flotté, étudiant en droit-fil. Elle est en un acte et sept scènes, et contient force calembours, qui sont signalés par l’emploi de l’italique.

La pièce est précédée d'un Avis de l'éditeur :

AVIS DE L’ÉDITEUR.

C'est en dînant ensemble, que les Auteurs de cette pièce en conçurent le plan et l'exécutèrent. Les saillies et les calembourgs que faisait naître le vin de Champagne, rappelèrent M. de Bievre, l'auteur de Vercingentorixe, de la lettre de l'abbé-vue à la Contesse-tation, de l'histoire du bacha Bilboquet, et de tant d'autres folies si bien effacées par le Séducteur 1. On cita ses bons mots, ses pointes ; on en rima quelques-unes, on les mit en situation ; les scènes se formèrent, et bientôt la pièce se trouva faite, sans que personne eût la prétention de s'en dire auteur.

On l'annonça au public par ce couplet :

De Bievre en se moquant de tout
Du calembourg fit trop usage ;
Nos auteurs ont pris son langage
Pour fronder un si mauvais goût.
Ce soir de leurs muses badines,
Les pointes sont les seuls tributs :
Que pourraient-ils offrir de plus ?
Ils sont encor sur les épines.

Le public reçut l'ouvrage en riant, et voulut en connaître les auteurs ; on lui répondit par cet autre couplet.

Air : En quatre mots....

L'ouvrage que vous avez applaudi
    Citoyens, est de
Dupaty,
        Aidé par ses amis ;
    En voici la liste ouverte,
    D'abord
Luce avec Salvestre,
        Et
Coriolis ;
        De plus,
Creuzé,
    
Gassicourt, Légouvé,
    Monvel et Longperier....
    Je crois en oublier.
Ah ! vraiment oui, citoyens, c'est
    
Alexandre et Chazet.

1 Comédie, par M. de Bièvre, représentée, pour la première fois, le 8 novembre 1783.

Courrier des spectacles, n° 825 du 8 prairial an 7 [27 mai 1799], p. 2 :

[La première de Monsieur de Bièvres a attiré beaucoup de monde et a eu du succès, malgré la difficulté de mettre au théâtre un personnage dont il fallait montrer « la vivacité de son esprit » tout en préservant « le décorum du rang qu’il tenoit ». Essai réussi : les auteurs ont été nommés, et ils sont quatorze, dont le critique ne donne qu’une liste incomplète (il n’a pas eu accès au couplet qui les énumère sous forme de calembours). Il s’abstient de donner des exemples de calembours, dont il affirme combien ils sont sujets à des jugements différents. L’intrigue est présentée comme « fort peu de chose », et elle est vite résumée (même si le critique oublie de raconter le dénouement). La pièce comporte de « jolis couplets » (joli n’étant pas un adjectif usuel pour des couplets : on emploie plutôt « saillant »), et le critique en donne un exemple exprimant la haine du calembour éprouvé par le personnage féminin.]

Théâtre des Troubadours, rue Martin.

Le vaudeville donné hier pour la première fois sous le titre de M. de Bievre, ou l’Abus de l'Esprit, avoit attiré beaucoup de monde à ce théâtre, et a eu un plein succès. La réputation que de Bievre s'est acquise par ses nombreux calembourgs, le rendoit d'autant plus difficile à présenter sur la scene qu’il falloit, en rappellent la vivacité de son esprit, ne pas oublier le décorum du rang qu’il tenoit. L’une et l’autre de ces obligations ont été parfaitement remplies.

Les auteurs ont été demandés. L’acteur chargé de répondre au public a chanté un couplet qui contenoit, dit-on, quatorze noms, parmi lesquels nous avons retenu ceux des citoyens Légouvé, Cadet Gassicourt, Em. Dupaty et Chazet.

Comme nous pensons que tel calembourg, qui sera jugé bon pour une personne, peut déplaire à une autre, nous n’en citons aucun, persuadés qu’on s’empressera d’aller voir ce petit ouvrage qui est vraiment fait pour exciter la curiosité.

On s’imagine bien que l'intrigue est fort peu de chose. Julie aime M. Dechambre, mais son oncle favorise un autre amant, c est M. de Bievre. Il a pour lui son esprit, sa fortune et son valet, et contre lui les vœux de sa maîtresse, un rival aimé et une certaine soubrette, qui comme l’on sait, n’est pas la moins à craindre en pareil cas.

Julie déclare à de Bievre que pour avoir sa main il faut qu’il renonce aux calembourgs. Il le promet ; mais on se doute bien qu'il ne tient pas parole. Son invincible habitude de faire des calembourgs sur tout, lui attire un duel avec son rival, et lui fait perdre un procès, parce que son défenseur n’a pu rien comprendre à la lettre qu’il lui a adressée.

Parmi plusieurs jolis couplets qu’on a applaudis dans cette pièce, nous avons distingué le suivant dans la bouche de Julie :

Air : Femmes voulez-vous éprouver.

Je hais ce jargon pointilleux
Par qui le faux esprit circule,
Art où le plus ingénieux
Est toujours le plus ridicule.
Pour plaire, un amant, un auteur,
Doit-il se donner la torture ?
Amans, consultez votre cœur,
Auteurs,consultez la nature.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts 5e année, 1799, tome II, p. 123-124 :

[Le compte rendu s’ouvre par l’annonce du succès de la pièce, puis se limite à en faire l’analsye, sans jugement. Il insiste principalement sur l’idée des calembours, dont le personnage fait trop grand usage. La longue liste des auteurs est annoncée par la reproduction du couplet dont on s’est servi pour donner leur nom. Elle comporte 11 noms.

M. de Bièvre, ou l'Abus de l'Esprit, Calembourg en un acte.

Cette petite pièce a obtenu le plus brillant succès au théâtre des Troubadours , le 6 prairial.

Julie est aimée par M. de Bièvre, mais elle lui préfère M. de Chambre : de Bièvre a trop d'esprit pour elle, et elle ne consent à lui donner la préférence que dans le cas où il renonceroit à ses calembourgs : l'habitude l'emporte, et Julie tient sa parole en épousant M. de Chambre. Le faiseur de calembourgs s'attire, par cette manie, un duel avec son rival, et la perte d'un procès très-considérable, parce qu'ayant écrit à son rapporteur d'une manière inintelligible pour un homme qui n'entend que la chicane, celui-ci n'a pu comprendre la lettre, et a fait le rapport tout de travers.

Les auteurs ont été demandés ; le C. Léger est venu les annoncer par le couplet suivant :

Air : En quatre mots.

L'ouvrage que vous avez applaudi,
Citoyens, est de
Dupaty,
        Aidé par ses amis.
    En voici la liste ouverte :
    D'abord,
Luce, avec Salverte,
        Puis,
Coriolis,
        De plus,
Creuzé,
    
Gassicourt, Legouvé,
    
Monvel fils, Longperrier ;
    Je crois en oublier !...
Ah, oui vraiment ! citoyens, c'est
    
Alexandre et Chazet.

Paris pendant l'année 1799, volume XXII (Londres, 1799), n° CLXXXIII (30 Juin 1799), p. 404-406 :

[Article repris dans L’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-huitième année, tome X, messidor an 7 [juin 1799], p. 203-204, à moins que ce ne soit l’inverse. Une œuvre très collective, quil faut juger pour ce qu’elle est. On aurait souhaité plus de mouvement, plus de légèreté. Quelques exemples des calembours contenus dans la pièce donne une idée (pas nécessairement positive) de cet esprit remarquable.]

Piis a dit plaisamment que le Pégase du Vaudeville, ainsi que le coursier des fils Aymon, pouvait quelquefois porter quatre auteurs à-la-fois ; mais on ne s'était pas encore avisé de lui en faire porter onze, ainsi que cela vient d'arriver. On trouvera même que c'est une chose assez curieuse de voir l'assemblage de ces onze écuyers, dont quelques-uns sont plus accoutumés à manier le poignard de Melpomene que la marotte de Momus, entrer en triomphe au Théâtre des Troubadours. Il s'agit de la piece de Monsieur de Bievres, ou l'Abus de l'esprit.

Parmi ces noms, tous contenus dans un couplet chanté à la fin de la piece, il n'est personne qui ne soit sans doute surpris de voir celui de Chazet figurer avec celui de Legouvé ; mais pour faire pyramider un groupe semblable, il fallait bien admettra des dégradations de lumiere & de taille.

Il ne faut pas juger une plaisanterie de cette nature comme un autre ouvrage ; tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il atteint son but, & qu'il fait rire forcément les personnes les moins disposées à goûter cette espece de plaisanterie. Les auteurs ont rassemblé dans un fort petit espace la plupart des calembourgs qui circulent sous le nom de M. de Bievres ; mais en peignant l'esprit faux, ils ont montré qu'ils savaient apprécier le véritable, par un mot d'éloges donné à la jolie comédie du Séducteur.

Pent-être leur reprochera-t-on de n'avoir pas jetté assez de mouvement & de légéreté dans leur Vaudeville, & de n'avoir pas mis de Bievres dans des situations assez variées pour y bien déployer sa manie : son libraire, les comédiens qui ont représenté ses ouvrages, ses amis, de vieilles dames de la cour, auraient pu être mis en scene avec lui, & il en serait résulté plus de gaîté encore. Il est surprenant aussi qu'il ne soit pas question dans cette piece, de la tragédie de Vercingetorix, de M. de Bievres, écrite toute entiere en vers du style de ceux-ci :

Nous mangions des chevaux tous crus (sur leur parole),
Des souris (gracieux) & des rats (de Saint-Maur).
Secours vains (de Bourgogne) aux portes de la mort !
Avant que l'ennemi puisse monter (en graine)
Sur nos murs ébranlés qui subsistent à peine, &c.

Et ailleurs:

Princesse, il fut un tems où les Grâces (d'état)
Les Ris (de veaux) jouaient autour de ma couronne.
Les Jeux (de mains) alors embellissaient mon trône ;
Il plut (à verse) aux Dieux de m'enlever ces biens.
Hélas ! sans eux (brouillés) que peuvent les humains !
Vous, soldats, avancez la table (des matieres), &c.

On conviendra que ce chef-d'œuvre méritait d'obtenir une mention honorable dans un vaudeville-calembourg.

Autre Analyse de M. de Bievre, ou L'abus de l'Esprit, Calemhourg en un acte et en Vaudevilles.

COUPLET D'ANNONCE.

Air: Du Vaudeville des Visitandines.

Bievre fit beaucoup trop usage,
Du bel esprit, du calen.bourg.
Nos auteurs ont pris son langage,
Pour fronder le jargon du jour.
Ce soir, de leurs muses badines,
Des pointes sont les seuls tributs ;
Que pourraient-ils offrir de plus ?
Ils sont encor sur les épines.

Tout le monde sait que M. de Bievre, à qui nous devons la jolie comédie du Séducteur, était sur tout renommé par ses nombreux & saillans calembourgs. Cet homme aimable, qui savait allier le meilleur ton à une très-grande vivacité d'esprit, vient d'être mis en scene dans un charmant vaudeville, représenté avec le plus brillant succès.

Les calembourgs & les jeux de mots font seuls le mérite de cette production, dont le sujet, quant au fonds, est très-peu de chose.

M. de Bievre aime une jeune demoiselle, nommé Julie ; mais cette derniere lui préfere M. de Chambre, jeune homme, aussi froid & sensé, que M. de Bievre est gai & pétillant d'esprit. Aussi le refus qu'elle fait de l'épouser, la perte d'un procès, un duel même avec son rival, le tout occasionné par ses plaisanteries fréquentes, ne lui ôtent rien de sa gaîté naturelle ; & les dernieres paroles qu'il adresse aux nouveaux époux, en se retirant, se ressentent toujours de son goût invincible pour les calembourgs.

Nous ne répéterons ici aucuns des nombreux jeux de mots, dont cette piece est remplie : nous invitons seulement nos lecteurs à assister à une des représentations, & nous leur promettons, d'avance, plaisir & agrément. Nous délions même le censeur le plus sévere, traitât-il de mauvais goût ce genre d'esprit difficile, de ne point sentir dérider sa figure, dès les premieres scenes de cet ouvrage.

Il a été parfaitement joué par Léger, Belfort & Frédéric, & les citoyennes Hélene & Auger.

Les auteurs ont été demandés à grands cris, & le citoyen Frédéric, dans la crainte de rencontrer sa mémoire en défaut, est venu lire, au public, les noms des onze auteurs de ce Vaudeville, dans le couplet suivant, que le public a redemandé bis.

Air: En quatre mois, je vais vous conter ça.

L'ouvrage que vous avez applaudi,
    Citoyens, est de Dupaty,
    Aidé par ses amis.
    En voici la liste ouverte :
    D'abord Luce avec Salverte,
        
Puis Coriolis.
        
De plus Creuzé,
        Gassicourt, Légouvé,
        Monvel fils, Longperrier....
        
Je crois en oublier !
Oh! oui, vraiment, citoyens, c'est
        Alexandre & Chazet.

La base César, qui attribue un seul auteur à la pièce (le seul Chazet), connaît 14 représentations de la pièce, 5 au théâtre des Jeunes Artistes, du 26 mai au 1er juin 1799, et 9 au théâtre des Troubadours, du 25 août au 21 septembre 1799. Et après 1799?

1 Comédie, par M. de Bièvre, représentée, pour la première fois, le 8 novembre 1783.

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