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Madame de Sévigné

Ninon chez Mme de Sévigné, comédie en un acte et en vers, mêlée de chants, paroles de M. Dupaty, musique de M. Berton ; 27 septembre 1808.

Théâtre de l'Opéra-Comique.

Titre :

Ninon chez Mme de Sévigné

Genre

comédie mêlée de chants

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en vers

Musique :

oui

Date de création :

27 septembre 1808

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

Dupaty

Compositeur(s) :

Berton

Almanach des Muses 1809.

Mme de Sévigné a le dessein de marier son fils à une riche et jolie veuve de Bretagne ; mais le jeune marquis, amoureux de la belle Ninon, ne paraît pas disposé à seconder les vues que sa mere a sur lui. Ninon, instruite des dispositions de son amant, se présente chez Mme de Sévigné sous le nom de la veuve de Bretagne. Elle gagne tous les cœurs, convertit le marquis et le rend à ses devoirs. Mme de Sévigné, charmée de ce généreux procédé, se jette dans les bras de Ninon.

De l'esprit, de la grace et de la maniere ; tels sont les agréments et les défauts de cette petite comédie, qui, toutefois, a obtenu un succès assez éclatant, auquel la musique de M. Berton n'a pas peu contribué.

 

Courrier des spectacles, n° 3034 du 18 prairial an 13 [7 juin 1805], p. 2-3 :

[Deux pages entières pour une pièce qui n’a pas vraiment convaincu le critique, ni le public. La première question, c’est la possibilité de faire une comédie avec un épisode réel ou inventé de l’illustre madame de Sévigné. On ne saura d’ailleurs pas si l’anecdote mise sur le théâtre est « d’invention » ou pas. Ce qui rend la réussite possible, c’est bien sûr que l’auteur est un homme expérimenté, fin connaisseur des règles du théâtre, sachant combiner les surprises et les détails pour créer une pièce à partir d’un fonds assez mince. Après ces préliminaires, le critique se lance dans le résumé d’une intrigue touffue, fort riche en détails. On se perd un peu dans cette histoire peu glorieuse de tentative de corruption d’une jeune fille (mais cette corruption n’a pas lieu) et d’argent perdu au jeu, qu’il faut absolument retrouver (et on y arrive, grâce à celui dont on voulait corrompre la fiancée). Le jugement porté ensuite est mitigé : le succès n’a pas été complet, parce qu’il y a trop de « détails oisifs », que le premier acte est trop long, que la pièce est trop bavarde, et que la multiplicité des incidents ralentit trop l’action. D’autres critiques encore : « quelques phrases d’un style recherché et à prétention », une action déshonorante prêtée au jeune Sévigné (mais il ne s’agit pas de sa tentative de séduire la jeune fiancée du jardinier de sa mère !). Plus grave, la pièce a une double intrigue, ce qui est nuisible à l’attention des spectateurs. Il y a bien sûr aussi des éléments positifs (et en particulier de l’esprit), mais il y a surtout beaucoup à retrancher, dont plusieurs personnages. Et la lecture d’une longue lettre par madame de Sévigné est bien ennuyeuse. Par contre, les interprètes ont droit à une série de compliments. « Si la pièce n’a pas obtenu un triomphe complet, rien n’a manqué à celui des acteurs. »]

Théâtre Français.

Mad. de Sévigné.

Que faire de Madame de Sévigné au théâtre ? disoient la plupart de ceux à qui l’on annonçoit que l’on devoit jouer bientôt une comédie sous le nom de cette femme célèbre ; quel trait de sa vie peut fournir le sujet d’une comédie ? Seroit-ce une série d’anecdotes, une suite d’agréables conversations que l’on prétendroit. nous donner sous le titre de comédie ? Seroit-ce un sujet de pure invention ? Mais la vie de Mad. de Sévigné est si bien connue, toutes ses relations ont eu, par ses lettres, une telle publicité, qu’il seroit bien difficile d’inventer un sujet sans choquer la vraisemblance.

Tandis qu’on faisoit ces réflexions, M. Bouilly poursuivoit son dessein, et essayoit un succès. On convient en général que peu de nos auteurs modernes connoissent mieux les ressources du théâtre, qu’il sait en calculer les effets avec une singulière pénétration, qu’il a le talent d’animer chaque scène d’un intérêt particulier qui se répand sur l’action générale, qu’il sait mieux que beaucoup d’autres distraire son auditeur, multiplier ses surprises, détourner son attention, et attacher ses succès aux détails quand le fonds ne lui paroît pas assez riche.

Que Mad. de Sévigné, retirée au château de Livry après la séparation de Mad. de Grignan, s’occupe du mariage de son jardinier avec une jeune fille douce et ingénue qu’elle a élevée et dotée, voilà un sujet fort simple, et qui ne paroît pas susceptible de développemens bien intéressans. Mais que le jeune Sévigné entreprenne de troubler ce mariage, et que réduit, par une étourderie, à une position fort difficile, ce soient précisément ces jeunes gens dont il veut corrompre le bonheur, qui lui rendent le service le plus signalé ; que Mad. de Sévigné conduise toute cette affaire, en mère aussi tendre que sage, adroite et spirituelle, on conçoit déjà que ce sujet peut offrir des incidens variés et nombreux, et produire des situations intéressantes.

Il y a un charme attaché à certaines personnes. Tout ce qui se rapporte à elles est sûr d’exciter l’attention. Mad. de Sévigné est sur-tout de ce nombre ; on l’aime parce qu’elle a aimé beaucoup. On ne lui envie pas sa renommée, parce qu’elle l’a obtenue sans la chercher ; on ne lui conteste point ses heureuses qualités, parce qu’elle ne s’en prévaut pas, et qu’elle sait ménager l’amour-propre de tout le monde. Enfin on se sent disposé à accueillir tout ce qui rappelle la mémoire d’une femme qui, par les grâces de son esprit, le charme de sa société et de ses lettres, a été l’un des plus beaux ornemens du siècle de Louis-le-Grand.

M. Bouilly ne pouvoit guères choisir plus heureusement sou principal personnage. Les autres ne manquent point d’intérêt, et les traits dont il a revêtu jusqu’à ses moindres acteurs, ont dû lui promettre les succès qu’il a obtenus en partie.

Mad. de Sévigné séparée pour la première fois de Mad. de Grignan sa fille, habite le château abbatial de Livry situé entre Paris et Meaux ; ses occupations se partagent entre le bon Abbé de Coulanges son oncle, dont elle soigne la viellesse, le jeune Sévigné son fils, dont elle dirige la jeunesse, et Madame de Grignan sa fille, dont l’absence nous a valu ce chef-d’œuvre épistolaire, monument inimitable de négligence et de soin, de grâces et d’abandon, de simplicité et de finesse.

Sa société est composée de la Maréchale de Villars, de la Comtesse de St. Géran, et d’un gentilhomme Breton nommé Pomenars, qui se fait poursuivre tous les jours par le gouvernement pour ses bons mots, et qui, sous l’appa rence de la légèreté et de l’étourderie, cache les qualités les plus heureuses et les plus sûres.

Comme l’affection de Mad. de Sévigné a besoin de s’étendre, elle s’occupe encore du mariage d’une jeune fille, nommée Marie. C’est la fille du jardinier, mort il y a quelques années, c’est la filleule de Mad de Sévigné. L’époux qu’on lui destine est Pilois, garçon franc et loyal, né en Bretagne, comme Mons. de Pomenars.

Quoiqu’engagé dans les liens de Mlle. de l’Enclos, le jeune Sévigné ne peut voir les grâces simples et naïves de Marie sans en être touché. Enlever cette petite fille, la veille même de son mariage, lui paroît un tour de jeune homme délicieux. Il parle à Marie de la capitale, lui en vante les beautés ; et enfin lui persuade qu’il veut, avant son mariage, lui procurer le plaisir de voir cette belle ville, et y acheter avec elle ses habits de noce ; Marie, qui ne pressent rien d’allarmant dans ce projet, est prête à y consentir. Pomenars découvre la trahison, en prévient Mad. de Sévigné, et s’unit à elle pour le faire échouer. On sonne l’allarme, on donne des inquiétudes a Pilois, sans s’expliquer ouvertement. Le bon Breton qui juge des hommes sur l’extérieur, ne manque pas de soupçonner Pomenars, et s’explique assez rudement, Pomenars n’en poursuit pas moins son dessein, et en faisant accélérer le contrat de mariage, sauve Pilois el Marie.

Mais voici un autre tort bien plus sérieux ; le jeune Sévigné vient de passer à Paris trois jours avec le jeune St.-Amand, fils unique du receveur des tailles de Meanx. Ce jeune homme est chargé par son père de remettre vingt-deux mille francs à la recette générale. Sévigné, qui s’engage dans une partie de jeu, perd, sur sa parole d’honneur, une somme assez considérable. Le jeune S .-Arnaud s’em presse de venir à son secours cl prend la somme sur le dépôt dont il est chargé, persuadé que le jour même il retrouvera cet argent chez un ami de son père ; l’ami est absent ; le jeune homme perd la tête, il court à une maison de jeu, dans 1’espoir d’y gagner la somme dont il a besoin ; il perd le reste des vingt-deux mille francs, et Sévigné n’a d’autre ressource que de le ramener sans argent chez sa mère, au château de Livrv. Il expose l’aventure à Mad, de Sévigné. Cette mère, aussi fidèle à l’honneur qu’à la tendresse maternelle, n’hésite point ; elle n’a pas d’argent ; mais elle remet à son fils l’écrin qu’elle a reçu de M. de Sévigné, le jour même de la naissance de ce fils : « Allez le vendre à Paris, mon fils, et hâtez-vous de réparer les suites funestes de la faute grave que vous avez commise. »

Les jeunes gens se disposent à partir ; mais voilà tout-à-coup M. d’Armenpière, receveur général, qui, inquiet de ne pas voir arriver le versement du receveur de Meaux, son parent, s’est décidé à partir lui-même pour éclaircir ce délai. Il ne veut s’arrêter que le tems nécessaire pour relayer à la poste. Dès ce moment la vente de l’écrin devient impraticable, si l’on ne trouve le moyen de retarder M. Darmenpière ; et le receveur de Meaux est destitué. Dans cette nécessité, Mad. de Sévigné fait usage de tout son esprit pour arrêter M. d’Armenpière, et le faire rester a dîner. Pomenars la seconde de son mieux ; on court dans l’intervalle chez le receveur de l’abbaye de Livry, on s’adresse à toutes les personnes qui peuvent disposer de quelques fonds ; tous les efforts sont inutiles, on ne peut parvenir qu’a recueillir une partie de la somme ; mais il manque prés d’un quart, pour lequel on reste sans ressources. Sévigné, désolé, est sur le point d’aller tout dévoiler à d’Armenpière, lorsque Pilois , qui a deviné que son jeune maître se trouvoit dans un embarras pressant, se hâte de venir lui offrir deux mille ecus, dont Mad. de Sévigné lui avoit précédemment fait présent pour son mariage. Cet acte de générosité pénètre Sévigné de reconnoissance, et lui rappelle la faute horrible dont il vouioit se rendre coupable en troublant le bonheur de son honnête jardinier. On trouve un prétexte auprès de M. d’Armenpière pour excuser le délai : la somme est remise et le mariage conclu.

Cet ouvrage n’a pas eu un succès complet. On l’a trouvé avec raison surchargé de détails oisifs ; le premier acte a paru d’une pro portion beaucoup trop longue ; les conversations, les anecdotes retardent la marche de l’action et refroidissant l’intérêt. On a blâmé aussi quelques phrases d’un style recherché et à prétention ; on a été fâché que l’auteur ait avili le jeune Sévigné, en lui prêtant une ac tion peu honnête, celle d'avoir fait couper une réserve de bois à sa mère, et de s’en être approprié le produit. La double intrigue du mariage de Pilois, et de la sottise du jeune Sévigné, qui, en perdant au jeu, compromet la fortune et la réputation de son ami, a également partagé l’attention, et les deux intérêts se sont nui réciproquement ; mais aussi on a vivement applaudi plusieurs scènes composées avec beaucoup d’habileté, des traits d’esprit, et des mots heureux. Il y a beaucoup à retrancher et beaucoup à conserver. Les rôles de Mad. de Villars et de Mad. de St.Géran sont tout-a fait inutiles, et celui de Beaulieu est de peu d’effet. La lettre que lit Mad. de Sévigné est remplie de traits agréables, mais son étendue nuit à son succès, c’est en général le mouvement qui manque dans cet ouvrage.

Mais ce qui ne lui manque point, ce sont des acteurs habiles et pleins de talens. Il est difficile de jouer les rôles principaux mieux que ne l’ont fait Mlle Contat, Mlle. Mars, Fleury, Michot. Mlle. Contat, par les grâces de son esprit, l’habitude et le ton de la meilleure compagnie, étoit appelée au rôle de Mad. de Sévigné, et elle l’a rendu avec une admirable perfection. L'ingénuité de Mlle. Mars est charmante. La rondeur de Michot convient parfaitement au rôle de jardinier dont il est chargé ; et si la pièce n’a pas obtenu un triomphe complet, rien n’a manqué à celui des acteurs.

L'Esprit des journaux français et étrangers, 1808, tome X, octobre 1808 p. 266-270 :

[Encore une pièce sur une anecdote mettant en scène des gens plus ou moins illustres, et qui permet aux auteurs de construire des intrigues, généralement amoureuses. Ici, on met aux prises la marquise de Sévigné, son fils, qui est un garçon peu sérieux, et la belle Ninon de Lenclos. Tout le monde est censé connaître cette intrigue. La marquise veut marier son fils, et doit donc le libérer des liens sentimentaux qui l’unissent à Ninon. Ninon ne fait pas obstacle, mais c’est le jeune homme qu’il faut convaincre, et elle participe à cette opération d’une manière aussi romanesque qu’efficace, en se faisant passer pour celle qu’on faire épouser au jeune étourdi. La pièce a eu du succès, même si on peut en critiquer plus d’un aspect (et le critique prête à des gens délicats fictifs toute une série de griefs). C’est qu’elle est riche de « traits brillans », qu’elle est du « bon ton », d’un style élégant, bien versifié. Et cette « agrément de la versification » est présenté comme un mérite supérieur au « talent de nouer et de débrouiller une pénible intrigue ». La musique est jugée favorablement, et le critique insiste sur la qualité de l’interprétation des chanteuses. « Voilà donc bien des causes de succès pour cet ouvrage : un poëme spirituel, une musique agréable, les charmes de Mme. Belmont », sans oublier le charme qui est lié à tout ce qui touche « le siècle de Louis XIV ».]

Ninon chez Mme. de Sévigné, comédie en un acte et en vers, mêlée de chants, de M. Dupaty, musique de M. Berton.

L'intrigue de cette pièce est fort simple. Tout le monde sait que le jeune .marquis de Sévigné fut aimé de Ninon, et quitté par elle ; mais les détails de cette rupture ne sont pas connus. C'était une lacune à remplir dans les Mémoires historiques du grand siècle, et M. Dupaty s'en est acquitté avec beaucoup de succès. Il suppose que Mme. de Sévigné écrit à Ninon pour l'engager à lui rendre le fils qu'elle égare, et s'adresse à la Châtre pour faire parvenir la lettre à sa destination. Elle conjure l'ami de son fils de ne rien épargner pour le dégager des fers de Ninon; et la Châtre est assez généreux pour consentir à se mettre à la place.de l'esclave dont on veut obtenir la liberté. L'intention de Mme de Sévigné et de l'abbé de Coulanges son oncle, est de marier le jeune marquis à une riche veuve bretonne, et il n'y a pas de temps à perdre, car elle doit arriver incessamment à Paris.

Ninon est. instruite de tous ces projets, mais elle est loin de vouloir s'y opposer. La perte du marquis de Sévigné ne peut l'affliger, car elle n'est ni constante, ni intéressée. Ce n'est donc que de la part de son amant que les obstacles pourraient naître; il est éperduement amoureux, reçoit fort mal les représentations de l'abbé de Coulanges, quoiqu'accompagnées de la menace de le déshériter ; mais la généreuse Ninon se charge de rendre le marquis plus docile. Depuis long temps elle était curieuse de connaître Mme. de Sévigné, chez qui, comme on le pense bien, elle n'était pas reçue, et elle croit en avoir trouvé l'occasion. Elle se fait annoncer chez elle sous le nom de la veuve bretonne qu'on attend. Sa beauté, son esprit, l'élégance de ses manières, surprennent extrêmement l'oncle et la mère du marquis, et relèvent leurs espérances. Mme. de Sévigné imagine d'écrire à son fils et de lui faire remettre la lettre par la belle veuve ; elle passe avec l'abbé dans son cabinet, et Ninon reçoit bientôt dans le salon l'amant qu'elle veut congédier. On peut juger qu'il ne s'attendait nullement à une pareille rencontre ; mais son étonnement est bien plus grand encore, lorsque la morale de son oncle lui est de nouveau, prêchée par Ninon ; il se jette à ses pieds pour la fléchir, et il est surpris dans cette attitude par. l'abbé de Coulanges et Mme. de Sévigné. Comme Ninon passe toujours à leurs yeux pour la marquise d'Armentières, ils croient le jeune homme converti, et il en résulte un petit imbroglio, pendant lequel on prie la fausse veuve de chanter des couplets fort touchans sur l'amour maternel et sur les devoirs d'un bon fils envers sa mère. Le marquis ne comprend point ce que tout cela veut dire ; mais enfin de questions en questions, Ninon est amenée à se faire connaître. En changeant de rôle vis-à-vis de l'oncle et de la mère, elle ne change point de langage avec le fils : Sévigné se rend ; l'heureux la Châtre obtient la place que sa soumission laisse vacante, et Ninon lui en assure même la possession par un billet.

Malgré le succès complet et mérité qu'a obtenu cet ouvrage, il pourra donner lieu à plus d'une observation. On dira peut-être, par exemple , que Ninon s'étant donné la peine de s'introduire sous un faux nom chez Mme. de Sévigné, on pourrait s'attendre à de plus grands résultats de cette démarche hardie, qui semblait devoir nouer l'intrigue un peu plus fortement. Les gens délicats sur la fidélité historique et sur les bienséances, pourront chicaner l'auteur sur cette démarche même, et malgré la légèreté bien connue de Ninon, ils penseront que ce n'était pas sous les yeux de Mme. de Sévigné qu'elle aurait signé à la Châtre le fameux billet. D'autres s'étonneront que, dans une pièce où Mme. de Sévigné joue un si grand rôle, il ne soit pas question de Mme. de Grignan. Des gens plus difficiles encore, trouveront fort singulier que Ninon lise Platon et sur-tout Epicure, dont tous les ouvrages sont perdus. Mais les spectateurs, qui aiment mieux jouir que critiquer (et, Dieu merci, ils sont encore en assez grand nombre), trouveront comme nous , que le succès de cet ouvrage est plus que justifié par les traits brillans dont il étincelle, par le bon ton qui y régne généralement, par l'élégance du style et l'agrément de la versification, mérite qui devient tous les jours plus rare, et qui, aux yeux des gens de goût, l'emportera toujours sur le talent de nouer et de débrouiller une pénible intrigue. Les caractères, sans rien offrir de très-neuf, sont bien soutenus; le plus piquant est celui de l'abbé de Coulanges : nous ne répondrions pas de sa .fidélité, mais il est d'une gaîté très-originale, et fourmille de traits aussi plaisans que spirituels.

Il nous reste à parler de la musique : elle est de M. Berton, et ce nom est déjà d'un favorable augure qu'elle n'a pas démenti. L'ouverture est pleine de traits agréables. Les couplets que chante Mme. Crétu sont bien dans sa voix et ont beaucoup d'expression, Nous aimons mieux cependant ceux de Julien, qui, nous ont paru avoir plus d'originalité. Mais il nous semble que le talent du compositeur s'est encore mieux développé dans les deux morceaux d'ensemble. Le premier s'ouvre par des couplets d'une facture très-piquante, que chante Moreau dans un petit rôle de valet. Au moment où il achève le dernier, Ninon paraît sous le nom de la veuve bretonne, et aux couplets succède une espèce de finale qui a été fort applaudi, mais qu'on appréciera mieux à une seconde représentation. Il en sera de même de l'autre morceau, au milieu duquel Mme. Belmont chante à son tour des couplets en s'accompagnant de la lyre, dans une attitude très-propre à faire ressortir ses avantages personnels. Voilà donc bien des causes de succès pour cet ouvrage : un poëme spirituel, une musique agréable, les charmes de Mme. Belmont, et joint à tout cela l'attrait de tous les sujets pris dans le siècle de Louis XIV ; c'est plus qu'il ne faut pour faire oublier la faiblesse de l'intrigue et les légers défauts que nous avons relevés.             G.

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