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Marcel, ou l'Héritier supposé

Marcel, ou l'Héritier supposé, opéra en un acte et en prose, de Guilbert-Pixerécourt, musique de Persuis, 23 pluviôse an 9 [12 février 1801].

Théâtre de l'Opéra Comique National (Théâtre Favart)

Almanach des Muses 1802

Un intendant fripon, que M. de Merval a gratifié de cinquante mille francs, à condition qu'il marierait son jeune parent Marcel à sa cousine, se trouve très-embarrassé par la mort imprévue de ce jeune homme. Pour ne pas perdre les cinquante mille francs, il veut faire passer pour le défunt un jeune paysan du même nom. Celui-ci, par ses scrupules et sa délicatesse, alarme beaucoup l'intendant. Il a même fini par renoncer à de grands avantages qu'il ne devrait qu'à une ruse coupable. Les parens de la jeune personne, touchés du caractère vertueux de cet autre Marcel, lui donnent la main de celle qu'il aime, et dont il est aimé, et l'intendant fripon perd ses cinquante mille francs. Ouvrage sérieux et froid ; musique insignifiante. Point de succès.

Courrier des spectacles, n° 1446 du 24 pluviôse an 9 [13 février 1801], p. 2 :

[La pièce nouvelle, un drame lyrique, n’a pas réussi, même s’il a « été écouté avec assez de ferveur » jusqu’au dénouement, qui a paru peu motivé et sans grand intérêt après une intrigue qui en comportait bien peu. Et le fait que les caractères étaient tous « des caractères sérieux » a aussi nui à la pièce : au théâtre, les caractères sérieux doivent contraster avec d’autres caractères. L’intrigue résumée ensuite est une classique histoire de père partant outre-mer et confiant à son intendant un fils, charge à lui de le marier à sa cousine, tout en obtenant une belle récompense s’il y parvient. Mais le père et le fils meurent, et l’intendant, pour ne pas perdre sa récompense, substitue un autre jeune homme au prétendant naturel. L’affaire échoue, parce que le jeune homme choisi, simple fils de fermier, a des scrupules de se marier ainsi au prix d’« une aussi basse supercherie », et qu’il est encouragé par sa propre mère, qui « applaudit à ces sentimens vertueux ». Le mariage a lieu cependant, la mère de la jeune fille veut récompenser le jeune homme, et chasse l’intendant. Le jugement porté sur la musique est tout sauf flatteur : sa principale qualité est d’être vraiment originale (pas de réminiscences), mais presque tous les morceaux laissent à désirer, selon la formule du temps. Et le critique énumère ces morceaux déficients, chacun avec une raison particulière.]

Théâtre Favart.

Le drame lyrique représenté hier pour la première fois à ce théâtre, sous le titre de Marcel, ou l’Héritier supposé, n’a pas obtenu un accueil décidément flatteur, quoi qu’en général il ait été écouté avec assez de faveur jusques aux scènes qui constituent le dénouement : celles-ci, peu motivées, ne parurent pas présenter un intérêt qui devoit croître d’autant plus, que le sujet en lui-même en comportoit peu. Mais le principal défaut de l’ouvrage est de n'offrir que des caractères sérieux, qui réussissent toujours difficilement au théâtre, s’ils n’ont pas leurs contrastes. Voici le sujet :

M. Demenneval, en partant pour l’Amérique, a laissé en France, et confié aux soins de son intendant Remi, un fils nommé Marcel. Peu de tems après son arrivée aux Indes il meurt, et Remi reçoit un testament, dont un article lui assure 50,000 livres, s’il parvient à marier le jeune Marcel avec Victorine Dercourt sa cousine, afin que ses biens ne sortent point de sa famille.

Une maladie a enlevé le jeune Menneval, et Remi, dans la crainte de perdre le legs de 50,000 livres, cache cette mort à madame Dercourt , et introduit auprès de sa fille le fils d’un fermier de M. Demenneval, qui offre dans sa personne beaucoup de ressemblance avec le fils de ce dernier, qui, comme lui, porte le nom de Marcel, et qu'il fait passer pour le véritable héritier. Remi avoit préparé de longue main ce projet, en formant l'éducation du nouveau Marcel.

Les jeunes gens s’aiment ; l’adroit intendant fait faire promettre à madame Dercourt de les unir le lendemain. Il a été forcé, pour vaincre la délicatesse de Marcel, de lui révéler son secret : le jeune homme annonce le plus grand éloignement pour un mariage qu’il contracteroit à la faveur d’une telle perfidie. L’amour dont il brûle pour Victorine a pu seul paraliser sa langue lorsqu’il devoit articuler un refus ; mais l’arrivée de la mère de ce prétendu héritier, va servir à déjouer le projet de Remi. En vain cet intendant fait ce qu’il peut pour soustraire Marcel â la vue de sa mère Nicole ; cette brave fermière pénètre dans le sallon au moment où l’on présentoit aux amans leur contrat de mariage ; elle est témoin de l’aversion que son fils manifeste pour s’enrichir par une aussi basse supercherie ; elle applaudit à ces sentimens vertueux, sur la nature desquels on éclaire à la fin madame Dercourt, qui les récompense en unissant Marcel à Victorine, et en chassant avec ignominie l’intendant fripon.

La musique n’est pas dénuée de mérite ; elle a sur-tout celui d’appartenir bien à la plume qui l’a écrite ; mais à l'exception d’un rondeau charmant et d'une romance très-délicatement composée, chaque morceau laisse à desirer : l’ou verture pour l’ensemble et l’unité de caractère, un Duo pour la netteté d'accord d’une partie avec l’autre, et quelques accompagnemens pour l'énergie, la suite et la chaleur.

B * * *          

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, VIe année, tome cinquième, an IX (1801), p. 544 :

Marcel, ou l'Héritier supposé.

On peut intituler drame lyrique ce petit opéra, joué le 23 pluviose.

Le peu d'intérêt de l'ouvrage, et le sérieux du caractère de tous les personnages, convenoient peu à un genre où la gaieté tient lieu d'intrigue et de situation ; aussi cette pièce n'a-t elle pas eu de succès. La musique n'offre rien de saillant ; ce peut être la faute du poème.

Les auteurs n'ont pas été demandés.

                                                 L'Emporté.          

Annales dramatiques, ou Dictionnaire général des théâtres, tome sixième (Paris, 1810), p. 62-63 :

MARCEL, ou L'héritier Supposé, opéra en un acte, par M. Guilbert-Pixérécourt, musique de M. Persuis, à Feydeau, 1800.

Un intendant, nommé Remi, doit recevoir une forte somme s'il parvient à marier Marcel, fils de feu Derneval, son ancien maître, avec Victorine Dercour, cousine du jeune homme ; mais ce jeune homme meurt peu de tems après son père. Alors Remi cache cet événement à la famille, et profite de la ressemblance qui a existé entre le défunt et un jeune paysan, aussi nommé Marcel, pour faire passer ce dernier pour Marcel Derneval. Elevé avec soin par Remi, le villageois se défait bientôt de sa rusticité ; il aime Victorine, et, de plus, s'en fait aimer ; mais, la seule idée de devoir à une perfidie la possession de son amante, blesse sa délicatesse, et il ne peut se résoudre à seconder les vues criminelles de son bienfaiteur. Cependant, la crainte de voir passer celle qu'il aime dans les bras d'un rival heureux, l'empêche de trahir le mystère, et le jette dans une cruelle indécision.Quoiqu'il en soit, un notaire est mandé par Remi, et déjà tout s'apprête pour la noce. Dans cet instant, la mère de Marcel survient : Nicole, c'est le nom de cette bonne paysanne, veut revoir et embrasser son cher enfant. Remi, contrarié par sa présence inattendue, l'éloigne momentanément ; mais, inquiète de ce qui se trame, elle reparaît précisément à l'instant où Martel, aveuglé par l'amour, va signer le contrat. La vue de Nicole ranime aussitôt la force d'ame de ce bon fils qui déclare toute la vérité. L'intendant est ignominieusement chassé par la mère de Victorine, et les deux jeunes amans, qui cessent d'être unis par les liens de la parenté, le sont par ceux du mariage, grâce au noble désintéressement de madame Dercour.

Ce petit ouvrage, qui ne ressemble nullement à un opéra-comique, offre l'ébauche de quelques situations dramatiques ; mais il n'a point assez de développemens. Le dénouement, trop facile à prévoir, n'est point ménagé avec assez d'art ; mais il y règne un bon ton de morale.

Dans la chronologie de ses œuvres que Pixerécourt a dressée, Marcel, ou l'Héritier supposé est crédité d'une unique représentation parisienne.

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