Marguerite d'Anjou

Marguerite d'Anjou ; mélodrame en trois actes, en prose, à grand spectacle, de Guilbert  de Pixerécourt, musique de Gérardin-Lacour, ballet de Hullin, 11 janvier 1810.

Théâtre de la Gaieté.

Almanach des Muses 1811.

Sur la page de titre de la brochure,Paris, Barba, 1810 :

Marguerite d'Anjou, mélodrame historique en trois actes, en prose, et à grand spectacle ; Par R. C. Guilbert-Pixerécourt. Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le théâtre de la Gaîté, le 11 janvier 1810. Musique de M. Gérardin-Lacour. Seconde édition.

Journal de l’Empire, 14 janvier 1810, p. 4 :

[Quelques considérations sur Marguerite d’Anjou, sur sa biographie par l’abbé Prévost, sur l’intérêt de faire de l’histoire au théâtre, sur le respect de l’histoire, mais il s’agit seulement d’annoncer la pièce : un article plus ample viendra...]

Théâtre de la gaieté.

Première représentation de Marguerite d'Anjou mélodrame historique en trois actes à grand spectacle.

C'est un ouvrage du grand faiseur en ce genre, de M. Pixérécourt, le Corneille et le Racine du mélodrame. Marguerite d'Anjou auroit pu être le sujet d'une tragédie : Cahusac en a fait une sous ce titre, qui est tombée ; La Harpe a placé cette fameuse reine d'Angleterre dans sa tragédie de Warwick. Le courage extraordinaire de Marguerite, ses succès, ses:malheurs, son caractère toujours supérieur à sa fortune sont faits pour intéresser, soit dans une histoire, soit dans une tragédie, soit dans un mélodrame.

L'abbé Prevost a composé la Vie de Marguerite d'Anjou : on l'accuse d'être un peu romanesque ; elle est du moins fort amusante : on fera bien de la lire pour se préparer à la représentation du mélodrame. C'est ainsi qu'en allant à la Gaielé on peut faire un cours d’histoire, non que l'histoire soit fidèlement conservée sur ce théâtre et sur les autres, mais parce que le théâtre est un motif d'étudier l’histoire pour voir en quoi le poète l'a falsifiée : on peut aussi être sûr d'engager efficacement les jeunes gens à lire un beau morceau d'histoire en le leur présentant comme une préparation à la représentation d'une pièce de théâtre.

L'auteur de Marguerite d'Anjou a profité fort habilement des scènes que l'histoire lui fournissoit : il en a imaginé qui ne sont pas moins intéressantes. Les premières représentations promettoient un grand' succès. Je parlerai plus amplement de cet ouvrage, que je ne fais qu'annoncer aujourd’hui.

Journal de l’Empire, 18 janvier 1810, p. 3-4 :

[L’article promis le 14 janvier. Il s’ouvre curieusement par un assez beau hors-sujet : c’est de concerts qu’il s’agit, pour annoncer qu’il feront l’objet d’un article ultérieur  priorité au mélodrame, eu égard au personnage qu’il montre, et surtout à la supériorité d’un « mélodrame pathétique et à grand spectacle, un mélodrame qui charme le cœur et les yeux » sur des concerts (le critique est-il sérieux ? à chacun d’en décider !). Le compte rendu arrive à la pièce, abordée comme une pièce historique. Il comporte un court exposé historique pour présenter la reine Marguerite, dont l’histoire est liée à Nancy, la ville d’origine de Pixérécourt, l’auteur du texte, avant d’entreprendre de résumer l’intrigue fort complexe de la pièce. Et on s’aperçoit que l’on est bien dans un mélodrame, un peu historique (mais Carle est-il vraiment un personnage historique, ou un personnage de fiction ? et l’attaque de la chaumière par le duc de Glocester a-t-elle eu lieu, ou est-elle pure imagination ?). Qu’il y ait un arrière-plan historique ou non, on retrouve dans la pièce tous les ingrédients du mélodrame, à coup d’incidents, de combats, de retournements de situation. On a la présence d’un enfant, toujours très attendrissante. Et on a une fin conforme à la morale : le méchant est puni, les Anglais, ennemis héréditaires des Français, sont taillés en pièce. On ne sait pas si Glocester meurt, mais il a tout de même perdu. Le jugement porté sur la pièce souligne l’abondance des éléments dramatiques, puis se limite à juger très brièvement les acteurs et les rôles qu’ils interprètent, en alternant éloges et blâmes. Curieusement, c’est un rôle secondaire qui est le plus mis en valeur, celui de l’indispensable contrepoint comique dans une galerie de personnages tragiques. Curieusement encore, dans cette liste des interprètes, pas de jugement porté sur deux personnages essentiels, Marguerite et Carle. L’article s’achève sur l’affirmation que l’enthousiasme manifesté par le public fait penser que la pièce est promise à un bel avenir.]

Théâtre de la Gaieté.

Marguerite d’Anjou.

J'ai à rendre compte de deux concerts qui se sont donnée dimanche et lundi dans la Salle Olympique, lieu bien chois! pour des concerts célestes. Le violon de M. BailIot, et le violoncelle de M Lamarre, ont été entendus le dimanche et le piano de M. Bomtempo a brillé le lundi, quoique ce ne fût pas le piano des frères Erard, comme on l’avoit promis. J’en dirai davantage la première fois : j'ai cru devoir à la reine d'Angleterre la préférence sur trois musiciens de Paris ; et même sans avoir égard à la dignité de Marguerite, je crois qu’un mélodrame pathétique et à grand spectacle, un mélodrame qui charme le cœur et les yeux, doit passer avant deux concerts, quelqu'harmonieux qu'on les suppose.

Le sujet du mélodrame est le rétablissement momentané de Marguerite et de son fils Edouard sur le trône d'Angleterre ; mais quelle suite de dangers et d'infortunes précède ce rétabtissement ! Ici le roman prête à l’histoire son intérêt et l'histoire prête au roman sa dignité. Marguerite, fille de René roi de Sicile, de Naples et de Jérusalem, épousa Henri VI, toi d'Angleterre : elle étoit pauvre ; mais elle étoit belle. Son père avoit trois royaumes où il ne possédoit pas un pouce de terre : il vendit sa fille à un jeune roi amoureux, pour le duché d'Anjou et le comté du Maine. Ses noces furent célébrées à Nancy, en Lorraine. M. Pixérécourt. qui est de Nancy, avoit un intérêt particulier à, mettre sur la scène un sujet pour lui national.

Il nous montre cette reine détrônée réfugiée à Exham, sur les frontière [sic] de l’Ecosse, avec son fils Edouard âgé de onze ans. Le duc de Glocester a poignardé son époux, et marche contr'elle : elle n'a qu'une armée assez faible, avec quinze cents Français qui lui ont été amenés par le duc de Varenne, riche seigneur chevalier galant et intrépide, amant de marguerite; quoique marié à la belle Isaure, qui, déguisée en homme, court après lui. Glocester surprend Marguerite ; mais un de ses espions, surpris lui-même par les gens de la reine révèle le dessein formé par l’ennemi de faire sauter le pont quand son armée auroit passé.. On exécute ce dessein, avec la différence qu'on fait sauter le pont quand il est couvert d’Anglais. Cette explosion termine le premier acte de la manière la plus brillante : le second est plein d'incidens merveilleux et d'aventures touchantes. La reine se retire dans la forêt d'Exham, pleine de voleurs déguisés en bûcherons et qui sont vendus au duc de Glocester.. Une reine avec son fils dans une forêt remplie de brigands, cela est bien romanesque, bien bon pour un mélodrame, et cependant cela est historique. La reine, voyant un de ces brigands s’avancer sur elle lui présente son fils en criant : Sauve ton roi ! Le brigand tombe à ses pieds : la yoix de Marguerite désarme ce scélérat, comme autrefois la voix de Marius désarma un esclave cimbre. Cette situation est plus intéressante que toutes les féeires, et c’est l’histoire qui la fournit. La vie de Marguerite est un amas de matériaux pour un mélodrame. Carle, ce brigand attendri par Marguerite est devenu son protecteur, fait exécuter parles bûcherons des danses joyeuses dont l’objet est d'attirer l’attention et de cacher Marguerite ; ces danses, de ta composition de M. Hullin sont pittoresques et originales ; il y danse lui-m&me avec beaucoup de légèreté et de précision.

Enfin, Carle désespérant de pouyoir dérober la reine à ses nombreux ennemis lui offre un asile dans sa chaumière ; mais Glocester vient lui-même dans la chaumière du brigand : il veut y mettre le feu, ainsi qu'à toutes les chaumières de la forêt ; on tremble à chaque instant pour Marguerite. Elle est découverte par indiscrétion de son fils ; mais le brigand protecteur saisit Glocester, l’attache à un arbre, fait évader la reine. Ce n'est qu'un secours passager : Glocester se dégage de ses liens, appelle ses soldats. Marguerite est-prise ; elle brave le tyran, qui est sur le point de la faire massacrer, lorsque les quinze cents Français conduits par la Varenne, fondent sur les Anglais, et les taillent en pièces.

Il y a dans ce mélodrame une grande variété d’incidens et d’aventures qui se succèdent sans confusion, beaucoup de situation et de coups de théâtre d’un grand effet. L'enfant est très-intéressant ; le rôle d’Isaure est à-peu-près nul ; Marty joue avec noblesse celui de la Varenne ; Lafargue, qui représente Glocester, grossit sa voix d'une manière désagréable. Le drame est égayé par un certain Michel Morin, chirurgien gascon fort comique, et très-bien joué par Dumesnis. Les appaudissemens, les marques d’étonnement et de joie, les éclats de rire qui accompagnent la représentation, annoncent que ce mélodrame amusera long-temps le public.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1810, tome I (janvier 1810), p. 383 :

THÉATRE DE LA GAIETÉ.

Marguerite d'Anjou, mélodrame de M. Pixerecourt, continue d'avoir beaucoup de succès. Une Reine confiant le sort de son fils à un Brigand, offre une situation vraiment dramatique. Le rôle de Michel Morin est fort comique et égaye la pièce.

Le Théâtre choisi de G. de Pixerécourt, tome deuxième (Paris et Nancy, 1841), p. 590-591, reproduit, avant le texte de la pièce, des extraits d'articles de presse de l'année 1810 :

Journal des Spectacles. 12 Janvier 1810.

Plusieurs auteurs ont introduit Marguerite d'Anjou sur la scène tragique ; cette reine altière et malheureuse joue un grand rôle dans les tragédies monstrueuses, mais éminemment terribles et théâtrales de Henri VI et de Richard III, par l'anglais Shakespeare.

Suit l'analyse :

Il n'y a d'historique en tout cela que les noms de Marguerite, de son fils et de Glocester ; mais les faits y sont représentés avec art, et produisent de nombreuses situations dramatiques et théâtrales. Cette pièce, pleine de mouvements et de tableaux variés, théâtrals [sic], et de situations touchantes, se fait aussi remarquer, par des décorations pittoresques et des costumes riches et brillants. Les événements sont adroitement amenés, surtout dans la scène où Isaure retrouve son mari, qui ne la reconnaît pas. Il y a dans le rôle de Marguerite beaucoup de vigueur et d'énergie. Le rôle de Lavarenne est chevaleresque ; celui d'Isaure intéresse. Tous les acteurs ont été applaudis avec enthousiasme.

La pièce a été jouée avec ensemble. Marty a mis de la chaleur dans le rôle de Lavarenne ; Mlle Bourgeois, de la noblesse et de la force dans celui de Marguerite ; Lafargue, Tautin, Dumesnis et Mme Picart ont mérité les suffrages du public. Les auteurs sont MM. de Pixerécourt, pour les paroles ; Girardin-Lacour, pour la musique, et Hullin, pour les ballets.

Dusaulchoy.

Petites affiches. 12 Janvier 1810.

Marguerite d'Anjou, reine d'Angleterre, dont le mari, Henri VI, a été massacré par son frère le duc de Glocester, est de retour en Albion d'un voyage qu'elle a fait en France pour demander des secours ; l'usurpateur la poursuit, et gagne sur les débris de son armée et sur les Français auxiliaires la bataille d'Exham. Marguerite, fuyant avec son fils dans une forêt, tombe entre les mains des voleurs ; au moment où elle va périr, elle s'écrie avec l'accent d'un noble désespoir au chef des brigands : Sauve le fils de ton roi ! Ce chef est ému, devient le protecteur de Marguerite et la défend contre plusieurs atteintes du féroce Glocester. Celui-ci parvient néanmoins à s'emparer de ses nobles victimes ; mais, au moment où il va les conduire en triomphe à Londres, les Français, guidés par le duc de Lavarenne, viennent les délivrer, et le tyran périt dans l'incendie de la forêt qu'il a lui-même allumé, et dont l'embrasement produit sur le théâtre l'effet le plus imposant. Le dévoûment de la jeune épouse du duc de Lavarenne délaissée par lui, mais constamment au service de son volage mari, sans être connue ; le genre de vie des brigands de la forêt, et les frayeurs ridicules de Michel-Morin, médecin gascon, sont des épisodes fort agréables.

La pièce fait infiniment d'honneur à M. de Pixerécourt, l'un des coryphées du mélodrame. Dernièrement, il se trouvait dans une fête de famille, et le roi (le roi de la fève) improvisa en son honneur le couplet suivant, sur l'air des Visitandines:

Je regarde comme un mérite
De compter parmi mes sujets
L'aimable auteur de Marguerite ;
Connu par de si beaux succès ; (bis.)
Il faut ici, je le proclame,
A sa santé boire soudain :
Si je suis le roi du festin,
11 est le roi du mélodrame, (bis.)

Ducray-Duminil.

Dans la chronologie de ses œuvres, Pixerécourt indique que Marguerite d'Anjou, à la date d e1841, a connu 234 représentations à Paris et 186 en province.

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