Marivaux

Marivaux, vaudevilleen un acte ; 13 mai 1807.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Marivaux

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

13 mai 1807

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

 

Almanach des Muses 1808.

Courrier des spectacles, n° 3745 du 14 mai 1807, p. 2 :

Marivaux a paru hier d une manière fort triste au Théâtre du Vaudeville. C’est peut-être la première fois que cet auteur spirituel ait endormi ses auditeurs. On n’a pas même demandé le nom de l’auteur qui s’étoit chargé de le présenter sur la scène.

Courrier des spectacles, n° 3746 du 15 mai 1807, p. 2 :

[Le critique n’apprécie pas les pièces – nombreuses – où on voit un homme de lettres faisant acte de générosité. Il considère que ces pièces reposent sur des anecdotes que l’auteur de la pièce arrange à sa guise. Il résume ensuite l’anecdote mettant en scène Marivaux accordant sa nièce à un jeune homme qui a écrit contre lui une épigramme dont il ne lui tient pas rigueur. C’est l’intervention de madame de Tencin qui provoque involontairement l’incident, en tentant de marier la nièce de Marivaux à un de ses protégés. La fin était bien sûr écrite d’avance, la nièce épouse son amoureux, et tout rentre dans l’ordre. Une telle anecdote n’a rien de bien neuf, et il aurait fallu l’enrichir de « détails piquans » et de « jolis couplets ». Ce n’est pas le cas, malgré le talent de l’auteur, qui n’est pourtant pas « dénué de talens » (mais on ne connaît pas son nom : le critique nous cacherait-il quelque chose ?). L’article se clôt par un jugement positif sur les interprètes.]

Théâtre du Vaudeville.

Marivaux.

La plupart de ces pièces sont des espèces d’Oraisons funèbres en l’honneur du personnage qui joue le principal rôle. Le but de ces apothéoses est de prouver que les poètes sont les meilleurs gens du monde, et que s'ils ont l’esprit malin, ou la tête un peu dérangée, ils ont un cœur excellent, une ame parfaite.

Comme il est rare qu’un homme n’ait pas fait une fois en sa vie quelqu’action louable, le panégyriste n’est jamais embarrassé. Il saisit une anecdote, il l’arrange à son gré, et le public, qui ne demande jamais mieux que d’admirer les hommes quand ils sont morts, est le premier à décerner la couronne au héros de la fête.

Marivaux est plus célèbre par son esprit, ses comédies et ses romans, que par ses actes de philantropie. C’étoit néanmoins un homme bon, vivant sans intrigues et incapable de nuire à personne. Il avoit même un caractère assez heureux pour supporter une injure et la pardonner.

C’est un trait de ce genre qu’a saisi l’auteur de la nouvelle pièce. Il suppose que Marivaux et Desmahis, après avoir été fort liés ensemble, se sont décidément brouillés. Marivaux a un neveu nommé Edouard, et Desmahis une nièce appelée Agathe. On imagine bien qu’Edouard soupire pour Agathe, et qu’Agathe reçoit avec plaisir les soupirs d’Edouard ; mais il se trouve un troisième personnage qui annonce des prétentions sur la main d’Agathe ; ce personnage se nomme d'Ormond ; c’est pour Edouard un sujet d’inquiétudes et de troubles. Il vient s'établir près de la maison de campagne qu’habite sa maîtresse, afin de pouvoir s’opposer aux succès de son rival.

D’un autre côté, Mad. de Tencin, patrone générale des gens de lettres, entreprend de reconcilier Desmahis et Marivaux. Tout s’arrange d’abord le mieux du monde, lorsqu’une étourderie d'Edouard vient gâter le plus beau raccommodement. Ce jeune homme se persuade qu'Agatha va passer irrévocablement dans les bras de son rival ; sa veine poétique s'enflamme, et il décoche contre Marivaux une épigramme très-acérée.

C’est ici que le héros de la pièce devient un vrai Stoïcien. Il surprend son adversaire, saisit l’épigramme, la lit, et loin de s’indigner, indique à l’auteur quelques fautes-à corriger. Edouard est confondu ; mais Marivaux ne veut pas laisser imparfaite une si noble vengeance ; il déclare à Edouard que pour le punir davantage, il lui donne sa nièce en mariage. Le jeune satyrique tombe aux genoux de Mari vaux, pénétré de reconuoissance et de remords.

Ce trait de générosité n'a rien de nouveau. Le Vaudeville s'est déjà emparé d’un grand nombre d’anecdotes de ce genre. Celle-ci auroit eu besoin d’être animée par quelques détails piquans, et sur-tout par de jolis couplets. L’auteur s’est un peu endormi sur son sujet, et le public a fait comme l’auteur. Cependant, ce n’est point un homme dénué de talent ; il en a fait preuve dans plusieurs circonstances. Il est à présumer qu'il prendra sa revanche à la première occasion. D'ailleurs la pièce est bien jouée par Vertpré, St.-Léger, Fichet et la belle Mlle. Arsène.

 

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, douzième année (1807), volume 3, p. 206 :

[Jugement expéditif : la pièce révèle le manque d’inspiration des auteurs du temps. De l’esprit et du bon sens, mais une pièce froide. Appeler à son secours Marivaux, son œuvre et ses contemporains ne suffit pas.]

Marivaux.

Les auteurs sont devenus si stériles, qu'ils ne peuvent plus réussir qu'avec le nom et l'esprit des autres. L'auteur de la pièce nouvelle n'a pourtant pas réussi, et Marivaux a eu beau parler de ses romans, de ses pièces de théâtre : le souvenir des Surprises de l'Amour, de l'Epreuve ; les noms de Desmahis et de madame de Tencin n'ont pu le sauver du naufrage. Il y a de l'esprit et du bon sens dans la pièce ; mais elle est essentiellement froide.

L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1807, tome VII (juillet 1807), p. 279-286 :

[Le compte rendu commence par protester contre la présence de Marivaux et de ses illustres amis dans une pièce où ils ne disent que « des fadaises ». L’intrigue se limite à une question de mariage, facilement résolue, Marivaux ne s’opposant pas au mariage de sa pupille, et étant assez fin pour ne pas se formaliser d’une épigramme contre lui écrite par le futur mari. Il ne reste plus qu’à protester contre la manie d’utiliser comme personnages des gens d’esprit en les privant justement de leur esprit. « Pourquoi prendre un personnage connu, pour lui appliquer un caractère qui ne lui convient nullement, et qui conviendrait si bien au premier venu ? » Ce que la pièce prête à Marivaux est loin de son caractère, et l’idée vaut aussi pour madame de Tencin, dont le critique pense qu’elle est bien mal choisie pour l’éducation d’une jeune fille, elle qui n’était pas si bienveillante. Il formule même l’hypothèse que l’auteur a confondu madame de Genlis avec madame Geoffrin. Et la date où la pièce est placée est apparemment un anachronisme : le critique se soucie de précision dans les faits !]

Théâtre du Vaudeville.

Première représentation de Marivaux , vaudeville en un acte.

 Qui n'aurait cru qu'au Vaudeville Marivaux devait être le plus joli du monde ? Et qui se serait imaginé qu'on irait réunir Marivaux, Mme. de Tencin et Demahis, pour leur faire dire des fadaises ? D'autres auraient été tout aussi bons pour cela, aussi bien que pour arranger le mariage de Mlle. Agathe avec M. Edouard, son amoureux. Véritablement, pour en venir là, il n'y avait pas besoin de tant de gens d'esprit. Il est vrai que, pour rendre la chose un peu moins aisée, on a supposé que M. Edouard est le neveu de Demahis, brouillé, je ne sais pourquoi, avec Marivaux, qui est le tuteur de Mlle. Agathe ; mais Demahis arrive à la seconde scène avec Mlle. de Tencin, se raccommode à la troisième ; ainsi voilà un obstacle d'écarté ; cherchons autre chose. A présent, c'est Edouard qui s'est brouillé avec Mlle. Agathe, parce qu'il lui a adressé une épître maligne, ce qui est assurément une singulière manière de correspondre avec une maîtresse ; mais pour racommoder la chose, il lui proteste qu'il ne lui a dit que des vérités, sur quoi Mlle. Agathe lui pardonne. Arrive ensuite Demahis, qui est fâché aussi contre son neveu, parce que, sans compter les épîtres malignes contre sa maîtresse, Edouard. fait aussi des épigrammes contre le tiers et le quart, et que Marivaux, qui n'aime pas les épigrammes, pourra bien ne pas consentir au mariage ;. mais ce qui arrange tout, c'est qu'Edouard, en se promenant dans le jardin de Marivaux, dont il n'est pas connu, et persuadé, je ne sais pourquoi, que Marivaux ne veut pas lui donner sa pupille, s'amuse à faire une épigramme dont le trait est que Marivaux, qu'il désigne sous le nom de Baliveau, ne sera pas de l'académie, parce que

Jamais trente-neuf et zéro
    N'ont pu faire quarante.

Marivaux arrive, il lui lit son épigramme, après lui avoir dit cent impertinences sur le genre et la contexture de ses pièces, tellement filées sur des riens, que souvent

Le premier mot est : m'aimez-vous ?
Et le dernier mot : je vous aime.

Marivaux prend tout cela le mieux du monde, corrige l'épigramme, dit au jeune homme qu'il aurait dû mettre Marivaux au lieu de Baliveau, que cela serait plus piquant, et qu'il lui donne Agathe en mariage. Voilà tout. Le public n'en a pas demandé davantage ; il ne s'est pas informé du nom de l'auteur, ne s'est pas occupé de lui manifester son opinion. On n'a pas applaudi, parce que cela était impossible ; on n'a pas sifflé, parce que cela était inutile : on s'est écoulé doucement, tranquillement, comme s'il n'avait été question de rien. La pièce n'est pas tombée; elle est restée à terre.

La redonnera-t-on, ne la redonnera-t-on pas, peu importe ; un vaudeville de plus ou de moins, ce n'est pas là une affaire. Mais ne finira-t-on pas bientôt d'amener sur la scène tout ce qu'on peut déterrer de gens d'esprit dans les siècles passés, pour en faire les personnages les plus insignifians ? On sait bien que des personnages de théâtre ne sont pas obligé d'avoir de l'esprit ; on sait du moins qu'ils s'en passent fort souvent ; mais alors il ne faut pas les appeller Marivaux, Mme. Tencin, Mme. de Sévigné, etc. ; appellez-les Oronte, Ariste, Julie ; ces noms-là ne condamnent pas à l'esprit, on en fait ce qu'on veut ; faites leur dire tout ce qu'il vous plaira , ils n'auront rien à vous reprocher ; vous en êtes bien le maître. Pourquoi donc aller choisir entre toutes les suppositions celle qui vous éloigne le plus de la vraisemblance ? Pourquoi prendre un personnage connu, pour lui appliquer un caractère qui ne lui convient nullement, et qui conviendrait si bien au premier venu ? Il se trouve peut-être dans la vie de Marivaux quelque trait pareil à celui de l'épigramme faite contre lui et corrigée par lui-même. Eh bien, si l'on voulait absolument employer cette anecdote, ne pouvait-on pas la prêter à un autre ? Cela avait beaucoup moins d'inconvéniens, que de prêter à Marivaux un genre d'esprit qui n'était assurément pas le sien. Il valait mieux altérer son histoire que sa figure ; tout le monde peut avoir à-peu-près la même histoire ; mais la figure des gens d'esprit ne ressemble pas à celle des autres.

D'ailleurs, est-ce une histoire bien fidelle que celle où les traits les plus piquans sont dénaturés ? On connaît la réponse de ce pauvre à Marivaux, qui, le voyant grand et fort, lui disait : Malheureux ! n'as-tu pas honte de demander l'aumône ! – Ah ! monsieur , je suis si paresseux ! Voici comme on le traduit :

. . . . . . . Monsieur, c'est la paresse
Qui m'empêche de travailler.

Voltaire disait, comme on sait : Marivaux a bien observé les petits sentiers du cœur humain, mais il n'en connaft pas la grande route. On fait dire ici à Marivaux lui-même, en parlant de Molière :

Il a suivi la grande route,
Et moi j'ai pris les faux fuyans.

Les faux fuyans du cœur !

Et puis Mme. de Tencin qui arrive là sans y avoir autre chose à faire que de chanter avec Demahis à Marivaux, dont elle vient célébrer l'anniversaire, que, comme à un homme tel que lui,

Apollon promet un laurier
    Et Vénus une rose.

Elle lui donne un laurier-rose. J'ai de la peine à croire que Mme. de Tencin eût pris la peine de venir de Paris à la campagne pour dire de ces choses-là. J'ai été un peu étonné aussi de la voir chargée de l'éducation d'une jeune personne que ses parens avaient, en mourant, confiée à ses soins : c'était assurément un heureux choix que celui de Mme. de Tencin pour l'éducation d'une, jeune personne ! Ce n'est pas qu'à propos de cela on ne l'appelle cette dame bienfaisante. On sait en effet que Mme. de Tencin était une excellente personne ; car l'abbé Trublet prétendait que, si on lui avait démontré, pour le bien de ses affaires, la nécessité d'empoisonner quelqu'un, elle aurait répondu : Choisissez donc au moins le poison le plus doux. Demahis, dans la scène suivante, l'appelle la bienfaisance des gens-de-lettres. Je ne sais trop comment Mme. de Tencin, mère de d'Alembert, qu'elle n'a jamais reconnu, fut la bienfaitrice des gens-de-lettres ; je sais seulement, comme tout le monde, que tous les ans elle donnait pour étrennes à Montesquieu, Fontenelle, Lamotte, Marivaux, etc., qu'elle appellait ses bêtes, deux aunes de velours pour se faire des culottes ; c'est-là , ce me semble, le trait le plus marquant qu'on cite de sa bienfaisance envers les gens-de-lettres, qu'elle recherchait plutôt par goût pour tout ce qui pouvait donner un genre quelconque de considération, que par un attrait particulier pour eux. « Mme. de Tencin, dit un homme qui a vécu de son temps, ne s'était livrée que par désœuvrement au goût des lettres, qu'elle eût peut-être dédaignées, si elle n'avait pas échoué dans ses projets d'ambition. C'était un pis-aller. Elle avait de tous les genres d'esprit ; mais celui dont elle faisait le plus de cas, était l'esprit des affaires. Elle aimait encore mieux parler d'intrigues que de littérature, et faire entrer un de ses amis dans le ministère qu'à l'académie ; elle n'aurait jamais fait de romans, si elle avait pu travailler à des arrêts du conseil (1) ».

Je suis presque tenté de croire que l'auteur de Marivaux a pris Mme. de Tencin pour Mme. Geoffrin, d'autant que Demahis, qu'il met en scène comme un vieil oncle, avait vingt-sept ans à la mort de Mme. de Tencin. Il est vrai que l'action se passe au moment où Marivaux vient d'achever sa comédie de l'Epreuve, qui fut donnée en 1740, époque où Demahis avait dix-huit ans. De manière ou d'autre, cela fait toujours un anachronisme de quinze ou vingt ans au moins ; mais Virgile s'en est bien permis un de trois cents ans pour faire le quatrième chant de l'Enéide.

P.

Archives littéraires de l'Europe, tome quatorzième (1807), Gazette littéraire (Mai 1807), p. XLIV

Théâtre du Vaudeville.

Marivaux, vaudeville en un acte.

L'auteur de cette pièce qni n'a point été demandé, a décoré une intrigue assez commune des noms de Mme. de Tencin, de Marivaux et de Desmahis, sans s'inquiéter s'il violoit ou non la chronologie, et si les personnages à qui il donnoit ces noms ressembloient ou ne ressembloient pas à ceux qui les .ont réellement portés. Cette ignorance de notre histoire littéraire n'est pas rare chez ceux qui la mettent en vaudevilles,. comme Benserade mit les Métamorphoses en rondeaux ; aussi n'est-ce pas là ce qui a fait tomber la pièce, c'est tout bonnement le froid qui y règne, cause toujours suffisante d'un semblable effet.

(1) Lettre du Solitaire des Pyrénées , dans les Mélanges de littérature de M. Suard.

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