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Mascarille, ou la Sœur supposée

 Mascarille, ou la Sœur supposée, comédie en cinq actes et en vers, de Charles Maurice [Descombes], 24 avril 1812.

Théâtre Français.

Almanach des Muses 1813.

Imbroglio malheureux que l'auteur a imité de Rotrou, qui l'avait emprunté de Plaute qui, lui-même, le devait aux Grecs. Fable peu décente et vicieuse sous le rapport dramatique. Du trait et souvent de la verve comique dans le dialogue. Chute qui ne doit point décourager M. Maurice, auquel il n'a manqué qu'un sujet mieux choisi pour réussir.

Magasin encyclopédique ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1812, tome II, p. 416-418 :

 

[Fallait-il reprendre scène par scène la pièce de Rotrou les Sœurs ? Pour le critique, c’était inutile, et la maigre part d’invention de l’auteur nouveau n’est guère convaincante. « Ni invention, [...], ni connoissance du monde et de ses usages, ni intérêt, ni gaieté ». L’auteur a été nommé, apparemment avant le commencement de la pièce (ce serait inhabituelle). L’acteur qui joue Mascarille a seul droit à des compliments un peu ambigus.]

Théâtre Français.

Mascarille, ou la Sœur supposée, comédie en cinq actes et en vers, jouée le 24 avril 1812.

Ce n'étoit pas la peine de refaire les Fourberies de Scapin ; elles n'étoient pas mal. Le Père de la comédie, en composant cette pièce si gaie, si pleine de verve, et de situations heureuses, s'étoit peu embarrassé de la partie romanesque de son ouvrage ; et, en adoptant, pour son dénouement, la reconnoissance des filles des deux vieillards, il avoit encore trouvé le moyen d'être comique par la position des personnages qui ignorent cet événement.

Dans la pièce nouvelle, au contraire, l'auteur s'est emparé de toutes les invraisemblances de ce fonds vicieux. Il s'est traîné servilement sur les pas de Rotrou, dont il a imité, scène par scène, la comédie intitulée : La Sœur. Il a écrit, du style le plus trivial, une pièce où il ne conserve aucune vraisemblance, où il viole à chaque moment les convenances et le goût ; aussi une chûte lourde et méritée a-t-elle été le dénouement d'une entreprise au dessus de ses forces. Je ne m'amuserai point à analyser un ouvrage auquel personne n'a rien pu comprendre. Ceux qui voudront en connoître le sujet, peuvent prendre le sixième volume de l'Histoire du Théâtre français, ils y trouveront l'analyse complète de la pièce nouvelle, dans celle de la comédie intitulée : La Sœur. La seule invention du nouvel auteur a été de mettre, presque sous les yeux du spectateur, le tableau répugnant d'une vieille fille à l'agonie, dont on vient annoncer le décès au quatrième acte. Tous les acteurs vont et viennent pour demander de ses nouvelles. L'un va chez le médecin, l'autre chez l'apothicaire, et ce personnage n'a été inventé que pour faire découvrir, à sa mort, le secret de la naissance de la prétendue Amélie, comme si Orgon, en arrivant de Turquie, ne pouvoit pas trouver ce secret écrit de la main de sa sœur, et déposé chez le notaire avec son testament. La scène se passe dans une rue, où de beaux Messieurs, en habit brodé, causent sans raison avec de belles dames, qui sortent toutes seules, et vont et viennent avec leurs amans. Enfin, il n'y a, dans cette pièce, ni invention, puisque l'intrigue est empruntée à Rotrou, ni connoissance du monde et de ses usages, ni intérêt, ni gaieté. Pouvoit-elle réussir ? On ne s'écriera pas avec l'auteur : Vivat Mascarilli dignus imitator.

Des indiscrets, ou peut-être des ennemis de l'auteur, n'ont pas voulu laisser commencer la petite pièce, sans que son nom fût proclamé. Un acteur a eu la bonhomie de venir nommer M. Charles MAURICE, dont le début sur la scène française ne doit pas l'engager à s'y risquer de nouveau : du moins avant d'avoir étudié, non-seulement l'art dramatique, mais encore le monde. Il faut connoître ce qu'on veut peindre.

Thénard a fait preuve de beaucoup de zèle et de talent dans le rôle long, difficile et ingrat de Mascarille.

Journal des arts, des sciences et de la littérature, neuvième volume (avril-juin 1812), n° 148 (30 avril 1812), p. 137-139 :

Théâtre français.

Première représentation de Mascarille, ou la Sœur supposée, comédie en cinq actes et en vers. (24 avril.)

Boileau a dit : Je me ris d'un auteur.....

Qui, débrouillant mal une pénible intrigue,
D'un divertissement me fait une fatigue.

Ce rire du législateur du Parnasse est un terrible anathême contre l'auteur de Mascarille. Je ne connais point de comédie au théâtre où le nœud soit plus embrouillé, ou les ressorts qui amènent la péripétie soient plus forcés et plus chargés d'incidens, romanesques et invraisemblables que dans ce pénible imbroglio. Il est étonnant qu'avec tant de préparatifs et un si grand échafaudage, l'action théâtrale soit si vide, si languissante et si dénuée de toute espèce d'intérêt :

Parturient montes, nascitur ridiculus mus.

L'auteur a pris tout le canevas de cette pièce dans une coméde de Rotrou, intitulée la Sœur. Il a profité de quelques endroits passables, et n'a rien substitué de meilleur aux vices nombreux du sujet. N'est-ce pas manquer totalement de goût, d'art et de talent, que d'exhumer une vieille pièce sans réputation, pour reproduire, à côté des chefs-d'œuvre de Molière, la comédie dans son enfance ? Le peu d'espace qui me reste ne me permet pas de donner l'interminable analise de cette comédie ; je ne puis qu'en tracer une esquisse.

Géronte (pleureur imbécile) a perdu sa femme et sa fille, qui ont été enlevées par des corsaires dans un voyage qu'elles firent pour le rejoindre en Russie. De retour à Paris, Géronte a chargé son fils Éraste d'aller racheter sa mère et sa sœur, qui sont restées esclaves en Turquie. Éraste, accompagné de Mascarille son valet, a borné ses recherches à Venise, où il a fait la connaissance d'une jolie esclave, qu'il a ramenée chez son père, en la faisant passer pour sa sœur, et en disant que sa mère est morte en esclavage ; action dénaturée et rebutante. Voilà une partie des aventures qui ont précédé l'ouverture de la scène ; voici une partie de ce qui se passe pendant les deux heures que dure l'action. Géronte veut marier cette sœur supposée, qu'il croit être sa fille, et qui joue chez lui le rôle peu décent d'une aventurière ; grand désespoir d'Éraste en apprenant ce projet de mariage, grand bavardage de Mascarille pour en empêcher l'exécution. La femme de Géronte arrive de Turquie sur ces entrefaites ; nouvel embarras d'Éraste, nouveau bavardage de Mascarille pour empêcher l'explication qui doit suivre l'entrevue des deux époux. Enfin cette entrevue a lieu, et, au grand étonnement de tout le monde, madame Géronte reconnaît, dans cette sœur supposée, sa fille qu'elle a perdue en Turquie. Surprise générale ! grande stupeur d'Éraste en retrouvant sa sœur dans cette Émilie qu'il adore, grande nullité de Mascarille dans un pareil événement ! La crise est à son comble, comment sortir de là ?... Un moment, voici le coup de baguette. Cette Émilie, cette sœur supposée, cette sœur avérée.... eh bien ! messieurs, ce n'est pas la fille de Géronte ; et je m'empresse de vous dire, pour vous ôter tout soupçon sur la fidélité de madame Géronte, que cette sœur aux aventures, qui ressemble tant à la Fiancée du roi de Garbe, a été substituée en nourrice !

Rare et sublime effort de l'imaginative !

En voilà assez ; Dieu me garde de parler de la seconde partie du roman, ni d'une vieille tante qui meurt tout exprès à la fin de la pièce pour faire les révélations dont on a besoin ! Il suffira de dire qu'après tant d'aventures bizarres, une femme morte, deux de retrouvées, deux reconnaissances, trois déguisemens de noms, cinq récits, sept ou huit explications, etc., les choses se remettent en leur place, et qu'au moyen d'un double mariage, tout s'arrange pour le mieux.

Cependant tout le monde n'a pas été content : le public a sifflé impitoyablement ce fantôme de comédie, et je ne doute pas que l'auteur, M. Charles Maurice (car il s'est fait nommer), n'ait fort mal pris la chose. Il lui reste pourtant quelques motifs de consolation ; son premier acte promettait de la gaîté et du comique, et il y a fait preuve d'une sorte d'adresse dans la manière dont il a exposé son sujet. Son style a du naturel et quelquefois de la verve comique ;. c'est dommage qu'il soit négligé et souvent diffus, que ses soubrettes parlent latin, et qu'on y rencontre souvent des vers tels que ceux-ci :

Un projet de conduite, adroitement conçu,
Et qui, par l'examen d'un premier aperçu.

Du reste, point de peinture de mœurs ni de caractères dans cette pièce. Mascarille, qui en est le héros, est un bavard qui se tourmente beaucoup et fait très-peu de chose ; c'est la Mouche du Coche. Quelle différence entre lui et le Mascarille de l'Étourdi ! Le public ne dira pas comme il le souhaite :

Vivat, Mascarillus, dignus imitator !

M. Charles Maurice, que l'on fait passer pour être jeune encore, quoiqu'il ait donné son premier ouvrage il y a environ neuf à dix ans, professe, dit-on, une grande admiration pour Molière et cherche à l'imiter : cette intention , quoique téméraire, est très-louable; mais nous devons lui rappeler ce précepte de son modèle :

Quand sur une personne on prétend se régler,
C'est par les beaux côtés qu'il faut lui ressembler ;

Et ce n'est certainement pas imiter Molière par les beaux côtés que de se parer des guenilles de Rotrou.                       J. L. M.

La Fiancée du roi de Garbe est une nouvelle du Décaméron de Boccace, la triste histoire d'une jeune fille dont le bateau a été pris dans une tempête, et qui subit le triste sort de sjeunes filles aux mains des marins.

D’après la base La Grange de la Comédie Française, la pièce de Charles Maurice, adaptant la Sœur de Rotrou, n’a connu qu’une représentation à la Comédie Française, le 24 avril 1812.

  

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