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Mélidore et Phrosine

Mélidore et Phrosine, drame lyrique en 3 actes. Paroles du c. Arnaud, musique du c. Mehul, 17 Floréal [an 2].

Opéra comique national de la rue Favart

Titre :

Mélidore et Phrosine

Genre

drame lyrique

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

vers

Musique :

oui

Date de création :

15 floréal an 2 (4 mai 1794)

Théâtre :

Opéra comique national de la rue Favart

Auteur(s) des paroles :

Arnaud

Compositeur(s) :

Méhul

Almanach des Muses 1795.

Sujet tiré de Phrosine et Mélidore, poëme de Bernard. Evénemens romanesques, trop multipliés pour être indiqués dans une notice. Beaucoup de tableaux et d'effets. Quelques longueurs ; superbe musique ; brillant succès.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1794, volume 6 (juin 1794), p. 271-275 :

[Le long compte rendu consacré à ce drame lyrique s’intéresse d’abord à la source de la pièce, un poème connu de tous, et il faut donc préciser en quoi elle s’écarte de sa source. Le critique en profite pour faire un résumé de l’intrigue, une histoire d’amour sur fond d’inceste, la jeune Frosine étant menacé par l’amour criminel que lui porte son frère. Les ingrédients de ce genre d’intrigue sont bien présents : la fureur du frère, le duel au cours duquel un des frères de Frosine est tué par celui qu’elle aime, la ruse consistant à se réfugier auprès d’un solitaire dont le rôle sera joué par l’amant de Frosine déguisé, l’emprisonnement de Frosine, qui s’évade en corrompant un serviteur, une nuit de tempête lorsque les deux amants tentent de se réunir par la mer. Frosine échappe de peu à la mort, grâce à Mélidore qui se jette à l’eau, et le frère cruel cesse de s’opposer au mariage des deux amants. Le jugement porté ensuite concerne d’abord l’intrigue : riche en événements dans les deux premiers actes, plus languissant au troisième. Mais le texte est bien écrit (l’auteur est un écrivain reconnu), et sa qualité fait oublier quelques menus défauts, invraisemblances en particulier. Mais c’est la musique qui donne tout son prix à l'œuvre : le critique ne tarit pas d’éloges pour Méhul, « superbe musique » qu’on ne peut pourtant pas apprécier en une seule audition : il faudra la réentendre (compliment ambigu ?). L’article conclut très rapidement sur les autres aspects, décors, choeurs, tout est satisfaisant. Mais rien sur les chanteurs ?]

THÉATRE DE I.'OPERA COMIQUE NATIONAL, RUE FAVART.

Mélidore & Frosine, drame lyrique en trois actes.

Tout le monde a lu Frosine & Mélìdore de Bernard : c'est ce poëme intéressant qui a fourni lé sujet de l'opéra en trois actes, en vers, donné sur ce théatre, avec le succès le plus brillant & le plus mérité, sous le titre de Mélidore & Frosine. L’auteur s'est écarté du poëme de Bernard, & ce qu'il y a ajouté de son invention n'est pas le plus foible de son ouvrage. Ici, au-lieu de trois freres, qui, tous les trois, avoient conçu une passion incestueuse pour leur sœur, Frosine n'en a que deux : elle est sous la tutelle d’Eymar : mais elle adore en secret le jeune Mélidore, simple citoyen de la ville de Messine. Eymar veut la détacher de cette passion, & l'unir à Roland: mais Frosine attend son frere Jules, dont la tendresse lui assure plus de protection. Jules arrive en effet : son amour criminel s'exalte à un tel point, que Frosine croit devoir lui avouer franchement qu'elle aime Mélidore & qu'elle en est aimée. Jules entre dans un accès de fureur si effrayant, que la timide Frosine, dans un entretien secret avec Mélidore, consent à fuir ses tyrans, à se rendre, avec lui, auprès d'un vertueux solitaire, dont tout Messine admire la sagesse & l'art de dévoiler l'avenir. Au moment où ces jeunes amans vont s'embarquer, Eymar paroît : il attaque Mélidore ; tous deux mettent l’épée à la main, & Mélidore le jette sur le carreau. Mélidore est entraîné par ses amis, pendant que Jules vient arrêter Frosine, déplorer la mort de son frere, & jurer qu'elle sera vengée sur Mélidore.... Cependant ce dernier s'est réfugié dans une caverne auprès du solitaire : mais le solitaire n'existe plus. Mélidore peut prendre ses habits, pour éviter les poursuites des faventins. A peine est-il déguisé, que Jules lui-même, le prenant pour le solitaire, vient lui amener sa sœur, afin qu'il la rende plus docile aux volontés de sa famille. Quel bonheur inattendu pour Mélidore & Frosine ! Ces deux amans s'entretiennent en secret, & conviennent que, dès que la nuit aura succédé au jour, Frosine se sauvera de sa prison, à l'aide d'un pilote gagné par l'or, qu'elle s'embarquera sur le canal qui vient baigner les rochers de l'isle du solitaire, & que Mélidore attachera un fanal à l'un de ces rochers, pour diriger la marche de son amante. Tout étant convenu ainsi, Jules vient reprendre sa sœur, pour la renfermer dans sa prison qu'il lui a destinée, & Mélidore attend, avec impatience, la nuit qui doit combler les vœux de l'amour, & punir les crimes de l'orgueil.... Elle arrive enfin, cette nuit si désirée ; mais elle est bien obscure ! un orage affreux paroît prêt d'éclater. Mélidore a fixé le fanal : mais la tempête s'accroît ; des malheureux naufragés viennent se réfugier sur les rochers : Mélidore est au comble de l'inquiétude. Enfin, un léger esquif vient toucher le bord, un homme en sort ; c'est Jules !.... Jules, pâle, égaré, comme un homme qui vient de commettre un grand crime !.... Mélidore l'interroge avec effroi. Jules, qui le prend toujours pour le solitaire, lui raconte qu'il a découvert les projets de sa sœur pour rejoindre son amant l'infâme ; Jules a suivi ses traces sur le canal ; Frosine l'a apperçu à la lueur des éclairs ; l'infortunée s'est précipitée dans le canal, en prononçant le nom de son cher Mélidore : le monstre a eu la barbarie de la frapper d'un flambeau, qu'il tenoit pour éclairer sa route.... Les flots ont poussé Jules dans l’isle ; il ignore ce qu'est devenue sa malheureuse sœur.... On juge du désespoir de Mélidore. L'amour lui donne des forces : il se jette dans l'eau du haut d'un rocher ; & bientôt il ramene sa Frosine, en nageant, au moment où la foudre vient de réduire le rocher en poudre.... Frosine est très-peu blessée. Jules rougit de ses forfaits, & consent enfin à l'union des deux amans qu'il a si cruellement persécutés.

Tel est le cadre de cet ouvrage, dont les deux premiers actes sur-tout sont remplis de tableaux & d'effets. Le troisieme offre quelques longueurs dans le commencement, & le dénouement est amené par des événemens un peu brusqués ; mais-en général ce poëme est écrit purement, avec chaleur, & son ensemble fait oublier quelques légers reproches d'invraisemblances, ou de rapidité un peu romanesque, qu'on pourroit lui faire. L'auteur de ce poëme intéressant est M. Arnaud, auteur de Marius à Minthurne, de Lucrece, & d’Horatius Coclès : c'est dire assez quel est le mérite du style de Frosine & Mélidore.

Dire aussi que la musique est de Méhul, c'est sans doute en donner une haute idée ; mais ici l’auteur est au-dessus de lui-même, de sa réputation. Sa musique est un chef-d'œuvre, digne de servir de modele : on y trouve la grace du chant unie à la profondeur de la science des accompagnemens, l'esprit des intentions, la force de la déclamation, la véritable expression dramatique. Cette superbe musique a excité les plus vifs applandissemens, sur-tout un chœur de pâtres, un orage, & la finale du premier acte, qui est au-dessus de tout éloge ; mais comme nous pouvons comparer la musique de Méhul aux poésies de Milton, qu'il faut relire plusieurs fois pour les bien sentir, il faut de même entendre plusieurs fois la musique de Frosine & Mélidore, pour en saisir toutes les intentions, toutes les finesses , tous les détails : il est impossible de la bien juger à une premiere représentation.

Cette piece est mise avec beaucoup de soin ; quant aux décorations & à l’exécution des chœurs, elle a aussi été parfaitement jouée.

(Annonces & avis divers.)

Félix Clément, Pierre Larousse, Dictionnaire lyrique ou histoire des opéras, p. 448-449 :

Mélidor et Phrosine, drame lyrique en trois actes, en vers, paroles d'Arnaud père, musique de Méhul, représenté à l'Opéra-Comique le 4 mai 1794. Le sujet a été tiré du roman de Gentil-Bernard, Mélidor et Phrosine, dans lequel les situations choquent autant le goût que la vraisemblance. La Marie de Planard, qui se précipite de désespoir près de la vanne d'un moulin, est bien plus intéressante que cette Phrosine se jetant dans les flots du canal de Messine pour fuir un amour incestueux. Tout a été exagéré dans ce drame qu'on croirait avoir été écrit quarante ans plus tard, si la forme du dialogue n'y était plus châtiée et plus élégante que dans les mélodrames modernes. Il est bien regrettable que sa chute ait eu pour conséquence l'oubli de la musique que Méhul écrivit au plus beau temps de son inspiration, quoique, à proprement parler, le talent de ce maître n'ait point connu d'éclipse.

D'après la base César (comme d'après André Tissier), 22 représentations au Théâtre Italien (salle Favart) : 18 du 4 mai au 26 août 1794, 4 représentations du 29 juin au 27 août 1795.

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