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Milton

Milton, opéra en un acte, de Dieulafoy et Jouy, musique de  Spontini ; 6 frimaire an 13 [27 novembre 1804].

Théâtre de l'Opéra comique.

Titre :

Milton

Genre

opéra (comique)

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

6 frimaire an 13 [27 novembre 1804]

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

Dieulafoy et de Jouy

Compositeur(s) :

Spontini

Almanach des Muses 1806.

Milton, secrétaire de Cromwel, proscrit par les partisans de Charles II, et privé de la vue, se retire dans une campagne solitaire, où sa fille lui prodigue les soins les plus tendres. Un jeune Anglais, amoureux de sa fille, s'est introduit près de lui, et le sert en qualité de secrétaire. Un quaker, ami de Milton, et vivement inquiet sur le sort du poète, qui vient d'être porté sur la liste des proscrits, arrive, et reconnaît, dans le jeune Anglais, le fils du lord Davenent, l'ennemi le plus implacable de Cromwel. Il le soupçonne de s'entendre avec son père pour livrer Milton, mais il se trompe ; le jeune lord a obtenu la grace de Milton, et ne demande, pour prix de ses services, que la main de celle qu'il aime.

De l'intérêt. Musique agréable.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez H. Nicolle, Lille, chez Vanackere, an 13:

Milton, fait historique, opéra en un acte, Par MM. Jouy et Dieulafoy. Musique de M. Spontini, maître de Chapelle du Conservatoire de Naples. Représenté pour la première fois sur le l'Opéra-comique-national, le 5 Frimaire an XIII.

           . . . . . . . . He paid
The vigid satisfaction life for life.

Milt. Par. Lost.

Le texte de la pièce est précédé d'un avant-propos, p. 3-5 :

[Certains journalistes ont osé douter de l'historicité de l'anecdote qu'illustre la pièce, et l'avant-propos accumule les témoignages concernant cet épisode de la vie de Milton.]

AVANT-PROPOS.

QUELQUES Journalistes plus empressés de blâmer que de s'instruire, ont contesté la vérité de l'anecdote qui a servi de base à cette Comédie ; on se contentera pour toute réponse de citer ici, quelques passages des nombreuses autorités qui justifient le titre de Fait historique qui lui a été donné.

A la page 182 du 2e. vol. de la Vie des Poëtes, par Johnson, édit. de Londres, 1781 .

On lit (traduction littérale) :

« Dans la guerre entre le Roi et le Parlement, Davenant fut fait prisonnier, et condamné à mort ; mais il obtint sa grace à la prière de Milton. Quand la chance des succès eut fait tomber Milton dans un danger semblable, Davenant lui rendit le même service, en sollịcitant et obtenant son pardon ».

William Hailey, dans sa Vie de Milton, imprimée en 1799, page 168, dit :

« Lorsque toutes les protestations du général Monck, en faveur de la république, n'eurent abouti qu'à rétablir le trône, les amis de Milton, effrayés pour lui, l'obligèrent de se cacher, et pour mieux voiler le secret de sa retraite, firent courir le bruit de sa mort. Milton quitta son domicile à Westminster, au mois d'avril, et se tint caché jusqu'au 29 du mois d'août suivant, Pendant ce tems on ordonna une instruction criminelle contre sa personne, et ses écrits furent condamnés au feu. Mais on fut bien étonné quelques jours après de voir son nom compris dans l'acte d'amnistie qui fut publié. On chercha les motifs de cette indulgence inattendue, et voici ceux que les meilleures autorités nous ont transmis.En 1650, sire William Davenant fut conduit prisonnier à l'île de Wight, et ensuite enfermé à la tour de Londres, pour être traduit à la cour de justice, comme coupable de crime de haute trahison, mais il fut sauvé par la médiation de. Milton » et de deux aldermans d'Yorck ».

« Voilà donc, ajoute William Hailey, la médiation de Milton prouvée ; la reconnaissance de sire Davenant l'est également par » le témoignage de Richardson, lequel, dans la Vie de Milton, invoque le témoignage de Pope ».

Le dictionnaire historique de l'abbé Ladvocats art. Davegant, s'exprime ainsi :

« Sire William Davenant fut mis en liberté en 1650, par l'intercession de Milton. Ce grand poëte n'obligea pas un ingrat, car au rétablissement de Charles II, il obtint à son tour sa grace par l'intercession de Davenant ».

Pope, dans ses Lettres familières, parle de ce même fait de la manière la plus positive, puisqu'il assure qu'il le tient de Pacquerson, lequel Pacquerson le tenait de Davenant lui-même.

Une seule réflexion se présente à la suite de ces autorités, c'est qu'il faut être bien ignorant ou bien hardi pour contester des faits puisés dans des sources ouvertes aux moindres littérateurs.

Courrier des spectacles, n° 2834 du 8 frimaire an 13 [29 novembre 1804], p. 2 :

[Quand on met sur la scène les grands hommes, on peut aller au-delà des « matériaux » fournis par l’historie, et recourir à des données romanesques telles celles que propose madame de Genlis. Le critique ne dit pas que c’est le cas de Milton, mais peut-être le suggère-t-il. La pièce du jour concerne le poète du Paradis perdu, qui a été secrétaire de Cromwell et est menacé de proscription après le retour de la royauté. Il s’est réfugié chez un quaker. L’intrigue repose sur une série de malentendus, sentimentaux ou politiques. Les deux catégories interfèrent, et le dénouement consiste dans l’éclaircissement de tous ces quiproquos : tout finit par s’éclairer, Milton est réhabilité, et sa fille épouse celui qui l’aime et dont elle est aimée. La pièce est jugée bien construite et pleine d’esprit. Et la musique de Spontini montre la compétence de ce compositeur. Pour l’interprétation, le critique sépare le cas du couple Gavaudan, qui a « très-bien joué », et celui des autres interprètes, moins bien jugé : l’un n’a pas bien compris le personnage de Milton et en fait un pauvre aveugle, tandis qu’une autre s’est trop vieillie pour jouer « le rôle de la Nièce ».]

Théâtre de l’Opéra-Comique.

Première représentation de Milton.

Les particularités de la vie des grands hommes qui paroissent susceptibles d'être produites au théâtre, sont recherchées avec empressement par nos auteurs dramatiques, et mises en œuvre avec une activité remarquable. Si l’histoire leur refuse des matériaux, ils ont recours aux romans. C’est ainsi qu’une historiette de Mad. de Genlis nous a valu trois comédies, sans compter celles qu’on nous annonce.

Ici il est question du célèbre auteur du Paradis perdu qui, après avoir été un ardent républicain, devint secrétaire intime du protecteur Cromwell, et ensuite fut déclaré, par le conseil de Charles II, incapable d’occuper aucune place dans 1Etat.

Dans l’opéra qui porte son nom, il se trouve exposé à une situation plus périlleuse. Son nom figure dans une liste de proscription ; l’autorité le fait chercher. Il trouve un azile chez un quakre nommé Codwin. Ce Godwin ne se contente pas d’ouvrir sa maison à son ami, il va à la cour essayer de le sauver, et laisse Milton et Emma, sa fille, sous la garde d’une demoiselle Charlotte, sa nièce, fille un peu surannée, et d’un jeune homme nommé Arthur.

Arthur s’embrase d’amour pour Emma ; mais la demoiselle Charlotte prend pour son compte les feux du jeune homme, et annonce à toute la maison, et particulièrement à Emma, combien elle est sensible à un hommage aussi respectueux que délicat ; car il est à remarquer qu’Arthur se laisse consumer sans rien dire.

Milton, qui est aveugle, se trompe d’une autre manière sur le compte d’Arthur, il s’imagine que ce jeune homme est un vieillard ami de Godwin ; et 1’innocente Emma ne devine pas que c’est un amant qui n’ose avouer sa passion ; et comme il faut que tout le monde se trompe sur son compte, le quakre accuse ce même Arthur d’espionnage et de trahison.

C’est sur ces méprises que reposent tous les détails de la pièce, il en résulte des imbroglio, des demi-confidences, des reproches, des romances, et diverses scènes pleines d’intérêt. Milton tranquille dans sa retraite, fort peu occupé des périls qu’i1 conrt, ramené à la composition de son poëme, essaie de dicter à Arthur l’épisode des Amours d’Adam et Eve. I! est inspiré par la harpe d’Emma, par le parfum des fleurs et des plantes rares dont son appartement est embeaumé, par la beauté de la saison, et sur-tout par son génie, il dicte, Emma chante, Arthur écrit ; situation mieux pensée qu’exprimée, mais qui motive un trio d’une belle et neuve harmonie. Cette scène est troublée par l’arrivée du Quakre qui annonce sans ménagement le danger dont Milton est menacé, et le prévient que la maison vient d’être investie par des gens armés. Il accuse Arthur d’avoir trahi notre grand poète ; mais la réponse du jeune homme confond le délateur et amène le dénouement. Fils du feu lord Avenant, que Milton avoit sauvé autrefois du supplice auquel l’avoit condamné Cromwel, il s’est consacré, depuis le retour du Roi, au salut du libérateur de son père. Le fruit de ses démarches est une déclaration de Charles II, qui acceptant sa caution, raye Milton de la liste des proscrits, et lui rend tout à-la-fois ses biens et sa liberté.

Cet acte dissipe les soupçons du Quakre, excite toute la reconnoissance de Milton, qui n’ayant rien de plus précieux que sa fille, la donne pour épouse à son jeune et généreux bienfaiteur.

Cet ouvrage est bien conduit et spirituelle ment dialogué; il y règne un intérêt vif et soutenu. La musique du signor Spontiui prouve une grande richesse musicale, et une étude profonde des effets et des convenances de la scène.

La pièce a été très-bien jouée par M. et Mad. Gavaudan, et par M. Chenard. M. Solié a peut-être un peu trop de calme dans la figure pour rendre l’expression énergique de celle de Milton ; ce grand poëte ne doit pas ressembler à un Quinze-vingt ; et Mad. Crélu s’est fait beaucoup trop vieille pour jouer avec intérêt et vraisemblance le rôle de la Nièce. On peut encore avoir la voix fraîche à 58 ans.

Le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, tome IV, nivôse an XIII [décembre 1804], p. 284-286 :

[Le compte rendu présente d’abord la pièce en rappelant qui est Milton et en soulignant que son caractère est « tracé avec art ». Mais « l'intrigue est faible et n'a rien de neuf » et peut être rapprochée de l’Ecossaise de Voltaire. La pièce n’en comporte pas moins « tableaux frais et gracieux » et scènes ingénieuses et « écrites avec goût ». La musique fournit à Spontini l’occasion de montrer son talent, après l’échec de la Petite ville : le seul reproche qui lui est fait est « prodigue[r] les fruits de sa verve », défaut de jeunesse qui passe avec le temps. Le dernier paragraphe est consacré de façon surprenante à polémiquer contre « le rédacteur du Journal des débats » (Geoffroy ?), qui a omis de citer le nom d’un des auteurs. Le critique du Nouvel esprit des journaux tenait à rectifier cet oubli (sans arrière-pensée, bien sûr !).]

THÉATRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.

On a donné à ce théâtre un opéra en un acte, intitulé Milton : cette pièce est de MM. Dieu-Lafoy et Jouy : elle offre un tableau touchant de la situation dans laquelle se trouva ce grand poète, après le rétablissement de Charles II, lorsque craignant d'être du nombre des Anglais, mis hors de la paix du roi, il fut obligé de se soustraire aux poursuites de ses ennemis. Ici il doit son salut à la piété de sa jeune fille, au dévouement d'un quaker, à l'amitié d'un jeune lord qui aspire à devenir son gendre. Le caractère de Milton dans la pièce dont il s'agit, est tracé avec art ; il est attachant, théâtral ; l'idée de son nom rapprochée de celle de son infortune ; celle de son génie se rattachant à celle de son péril répandent beaucoup d'intérêt sur l'ouvrage ; l'intrigue est faible et n'a rien de neuf : elle rappelle un peu la fable dramatique de l'Ecossaise ; mais cette intrigue donne place à des tableaux frais et gracieux, à des scènes dont l'idée est ingénieuse, et qui sont écrites avec goût.

Cet ouvrage répare en faveur d'un jeune compositeur distingué, M. Spontini, l'échec que lui avait fait essuyer la chûte si bruyante de la Petite Maison. Ici l'auteur de la Finta Philosopha, et l'élève de Cimarosa, se fait bien reconnaître. Cet élève abuse peut-être un peu de la richesse de son talent, et de la fertilité de son imagination. Il prodigue les fruits de sa verve et ne connaît pas encore assez bien le grand art de les distribuer. Heureux défaut, digne d'être envié à l'âge de M. Spontini, puisque ses excès même ont du charme, que le temps le corrige, et que l'expérience le fait disparaître.

Le rédacteur du Journal des Débats, en rendant compte de cette pièce, qu'il critique avec plus d'amertume que de justice, dit qu'elle est de M. Dieu-Lafoy, sans faire mention de M. de Jouy : cette omission, bien qu'injurieuse, ne saurait atteindre M. de Jouy, trop avantageusement connu en littérature, par de jolies productions théâtrales, pour que le silence du Journal des Débats puisse blesser son amour-propre. Ce n'est donc point pour venger M. de Jouy, mais uniquement pour l'instruction de nos lecteurs, que nous leur apprenons qu'il a autant de droits au titre d'auteur de cette pièce, que, M. Dieu-Lafoy, avec lequel il l'a faite en société.

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