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Monsieur Deschalumeaux

Monsieur Deschalumeaux, opéra-comique en trois actes, par MM. Auguste [Creuzé de Lesser] (livret) et Gaveaux (musique), 17 février 1806.

Théâtre de l’Opéra-Comique.

Titre :

Monsieur Deschalumeaux

Genre

opéra-comique

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

17 février 1806

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra Comique

Auteur(s) des paroles :

Auguste Creuzé

Compositeur(s) :

Gaveaux

Sur la page de titre de la partition, à Paris, A la Nouveauté, chez MM. Gaveaux frères :

Monsieur des Chalumeaux, Opéra Bouffon en trois Actes ; Paroles de Mr. Auguste Représenté pour la première fois sur le Théâtre Impérial de l’Opéra Comique, Le Lundi 17 février 1806. Dédie à Monsieur Vincent Campenon Commissaire Impérial près le Théâtre de l’Opéra Comique. Par M. Gaveaux

Courrier des spectacles, n° 3305 du 18 février 1806, p. 2-3 :

[Compte rendu parfaitement organisé : un paragraphe informe du succès remarquable que la pièce a obtenu : le public attendait beaucoup de d’esprit, et il a été servi. Paroles comme musique sont excellentes. Rapide évocation des principaux interprètes, tous jugés excellents (la voix de madame Scio va mieux, on reparlera d’elle dans la suite, à propos d’un air italien magnifiquement chanté). Puis arrive la longue analyse de l’intrigue, une histoire de mystification dont est victime un gentilhomme qui croit être à l’auberge quand ile st chez un « duc et pair ». On lui joue des tours pendables, mais on n’oublie pas de lui faire payer une vieille dette envers un domestique qu’il a spolié. Tout finit par s’arranger, et le duc se montre à la fois généreux et courtois. Le critique n’oublie aucun détail : on sait tout de la pièce après avoir lu cette page. Une dernière phrase donne sans aucune appréciation le nom des auteurs, texte et musique.]

Théâtre de l’Opéra-Comique.

M. Des Chalumeaux.

L’auteur de cette folie avoit promis une mascarade, et le public s’attendoit à beaucoup d’esprit ; l’auteur a tenu ce qu’il avoit promis, et le public a obtenu tout ce qu’il attendoit. La mascarade est très-gaie ; une foule de mots ingénieux, de traits spirituels la distinguent des parades ordinaires , et la musique est souvent très élégante.

Lesage, chargé du rôle principal, a eu tous les honneurs de la fête. Brunet ne seroit pas mieux accueilli. Mad. Scio a retrouvé tous les charmes de sa belle voix. Mlle. Pingenet, sous le costume d’une fille d’hôtellerie, a paru d’une manière très-avantageuse. On a beaucoup ri ; les auteurs ont été demandés. C'est un succès aussi complet qu’ils pouvoient l’attendre. Voici le sujet de cette espèce de farce.

M. Des Chalumeaux est un gentilhomme limousin, génie de la trempe et de la rondeur de M. de Pourceaugnac. Il arrive à Marseille, un jour de carnaval ; il ne trouve de place dans aucune auberge. Il lit sur une porte d’assez belle apparence : Hôtel de Villars. Il se met en tête que c’est là une hôtellerie, et qu’il peut y trouver un gîte ; il y entre, et demande une chambre. Le duc de Villars, qui devoit le soir réunir quelques Dames à souper, cherchoit les moyens de les amuser.

Son Suisse vient lui annoncer la méprise du gentilhomme limousin. Il saisit habilement cette bonne fortune, donne ordre de recevoir avec beaucoup d’empressement M. Des Chalumeaux et son Jockey, jeune Sosie de quarante-cinq à cinquante ans.

On dispose tout pour la mystification. Le Duc s’empare du rôle de maître de l’auberge. Mad. de Brillon se déguise en fille d’hôtellerie, Mad. de Villeroux, sa sœur, en Dame qui voyage. Des Chalumeaux demande à souper ; on l’invite à une table d’hôte, et il accepte ; il fait et dit mille sottises, auxquelles on répond par des espiègleries. Son Page se prend d’amour pour la fille d’auberge ; lui-même se sent dévoré du plus beau feu pour la Dame voyageuse. On lui demande des chansons, il en promet, pourvu que Mad. de Villeroux veuille chaîner avant lui. La belle voyageuse anime aussi-tôt la fête par un air italien, que Mad. Scio a exécuté avec un rare talent. Des Chalumeaux chante des couplets faits en sou honneur, et dans lesquels le poete célebre sa générosité.

Malheureusement un valet de M. de Villars reconnoit Des Chalumeaux, chez lequel il a servi et qui l’a frustré d’un legs de 3000 livres. Il raconte son aventure a M. de Villars, qui en fait une épisode pour son plan de mystification. Lafleur devoit épouser une jeune fille qu’il aimoit beaucoup, et qu’on lui auroit accordée sur-le champ, s’il eût eu les mille ecu. On raconte sous des nom s empruntés l’embarras de ce pauvre amoureux, on propose à la société de se cotiser pour assurer le bonheur des deux amans. Des Chalumeaux adopte aussi- tot la motion ; et pour faire preuve de sa générosité, présente un petit écu.

La nuit arrive. On donne à Des Chalumeaux une chambre à deux lîts, l’un pour lui, l’autre pour son fidèle écuyer. Ou éteint les lumières aussi-tôt que Des Chalumeaux est couché, Lajeunesse son laquais se dispose à se mettre au lit ; mais on l’enlève clandestinement à six pieds en l’air ; il fait de vains efforts pour le trouver, et se voit réduit à faire part de son embarras à son maitre. Des Chalumeaux veut sortir de son lit, se trouve lui-même élevé de deux ou trois pieds, ce qui le fait tomber sur le parquet. A peine est il relevé qu’on abbaisse le lit de Lajeunesse, qu’il retrouve sans peine. Son maître veut retourner se coucher, mais son lit se trouve à son tour enlevé au plancher. On répete ce jeu d’écolier jusqu’à ce qu'un valet vienne leur apporter de la lumière et le mémoire de dépense, Ce mémoire se monte à mille écus ; Des Chalumeaux se récrie de toute sa force, quand on lui révèle avec une naïveté qui le tue, qu’il a pris pour une auberge l’hôtel d’un Duc et Pair. M. Devillars arrive en ce moment avec toute sa société très-parée. Il rassure Des Chalumeaux sur le mémoire qu’on lui a présenté, mais lui rappelle ses engagemens envers Lafleur. Le Limousin, qui ne voit rien à gagner pour lui dans cette affaire, s’exécute le moins mal qu’il lui est possible, et paye les mille écus que M de Villars fait donner à la Jeunesse, en se chargeant lui-même de la dot et de l'établissement de Lafleur. Mais afin de terminer l’aventure en chevalier courtois, il invite M. Des Chalumeaux à continuer de descendre chez lui toutes les fois qu’il viendra à Marseille, en le prévenant que cette auberge est gratis.

Les auteurs de cette piece sont, pour les paroles, M. Auguste, pour la musique, M. Gaveaux.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 11e année, 1806, tome II, p. 180-181 :

[Sur une anecdote un peu mince et d’une originalité douteuse, un opéra comique qui a réussi « grâce au carnaval » (période de grande indulgence sans doute), bien jouée par l’interprète principal. Les auteurs sont nommés. Petite erreur : le critique situe la pièce à Paris, quand elle se passe à Marseille.]

M. Deschalumeaux, opéra-comique en trois actes.

M. Deschalumeaux est une contre-épreuve de Pourceaugnac et de Dasnières. C'est un sot Limousin qui arrive à Paris, et prend l'hôtel de Villars pour un hôtel garni. Il y fait entrer ses malles et demande un logement. M. de Villars, qui a du monde à souper, n'est pas fâché de l'aventure. Il se prête à la plaisanterie, et prend pour lui le rôle du maître de l'hôtel. La duchesse se déguise en petite servante, et c'est à qui mystifiera le mieux M. Deschalumeaux. La scène la plus plaisante est celle où, après être entrés dans leur chambre à coucher, le Limousin et son valet ne trouvent plus leurs lits, qu'on enlève et qu'on redescend alternativement. Leur frayeur est assez plaisante. Lesage, chargé du rôle principal, y est d'ailleurs très-comique. Cette pièce a réussi, grâce au carnaval.- L'auteur des paroles est M. Auguste Creuzé; celui de la musique M. Gaveaux.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome III, mars 1806, p. 278-281 :

[La pièce a eu un grand succès, mais qui ne devrait pas dépasser le carnaval. L’intrigue reprend une anecdote assez banale (celui qui croit être dans une auberge quand il est chez un homme important, et qu’on berne tant qu’on peut). Tout cela n’est guère original. On y reconnaît même une scène du Festin de Pierre). Inutile de critiquer sérieusement une pièce de carnaval où tout est permis. Certes, l’auteur « n’a pas le génie de la farce ». Alors qu’il est le traducteur estimable d‘un poète italien, il a écrit dans cette pièce des vers plus qu’étranges, dont le critique a la cruauté de donner deux exemples. La musique n’est pas non plus très neuve, mais elle n’est pas sans grâce. Les interprètes principaux sont dignes d’éloge. « En général la pièce est bien jouée. »]

THÉATRE DE L'OPÉRA – COMIQUE.

M. Deschalumeaux , opéra bouffon en 3 actes.

Quoique le succès de cette pièce bouffonne ne puisse se prolonger beaucoup au-delà du carnaval, elle a trop singulièrement réussi pour être passée sous silence , et ne fût-ce que pour mémoire, les journalistes doivent en prendre note.

M. Deschalumeaux, gentilhomme limousin, né natif de Brives-la-Gaillarde, s'avise de voyager en Provence, et arrive le soir à Marseille, sans savoir où il ira coucher. Toutes les auberges sont pleines, et il a beau dire qui il est, personne ne veut le recevoi.

Un bel hôtel s'offre à sa vue ; c'est celui du duc de Villars, gouverneur de la province. A l'exemple de ce sot dont parle Voltaire , qui prenait tous les châteaux pour des hôtelleries, Deschalumeaux s'imagine que c'est là une auberge ; et il s'y présente sans façon.

C'était un jour de carnaval ; le duc, qui venait de rassembler chez lui quelques amis, cherchait un moyen de les divertir ; enchanté de trouver un pauvre d'esprit, il se prête le mieux du monde à l'illusion de notre imbécile ; et, pour la rendre plus complette, il fait déguiser en fille d'auberge une dame de sa compagnie, réservant pour lui-même le rôle d'aubergiste.

Ici commencent les mystifications ; mais elles n'ont rien de bien original ; on place Deschalumeaux à table d'hôte ; et, avant qu'il ait touché aux mets servis sur son assiette, on les lui retire lestement. (Voyez le souper du Festin de Pierre) ; une dame le regarde tendrement, et le voilà transporté d'amour ; un militaire lui marche durement sur le pied , et il prend ce coup de pied pour une agacerie de sa dulcinée ; deux convives feignent de prendre querelle, et d'en venir à des voies de fait ; Deschalumeaux veut les séparer et on lui vide une caraffe sur le corps ; on chante , et il chante, -Dieu sait comme ; on propose un acte de générosité en faveur de deux amans sans fortune, et après s'être montré tout de feu pour cette belle action, il fait don d'un petit écu.

Enfin, on l'envoie coucher, avec son vieux jockey, dans une très-belle chambre à deux lits, et quand le maître et le valet veulent prendre du repos, on les enlève alternativement au plancher ; les deux lits ne font que danser dans la chambre, et nos deux sots sont transis de peur.

On se donnerait au moins l'apparence d'un tort, si l'on critiquait sérieusement une pareille pièce ; le carnaval fait excuser tant de travestissemens bizarres, qu'un homme d'esprit peut bien, sans conséquence, se déguiser une fois en Tabarin.

L'auteur de M. Deschalumeaux n'a pas le génie de la farce ; voilà tout ce qu'il faut lui faire comprendre ; et il ne pourra sans doute s'en fâcher ; le motif même de cet avis, équivaut presque à un éloge.

M. Auguste a un talent réel ; traducteur d'un poète italien (le Tassoni), il a su embellir son original ; et il s'est acquis par-là plus de droits à l'estime, que n'auraient pu lui en procurer vingt succès d'opéra-bouffons. On ne trouve pas du moins dans sa traduction des vers aussi étranges que les suivans :

« Ici , gratis , le luxe brille.

(Deschalumeaux, 2me. acte,)

Et :

« Un lit, pourtant ne se perd guère
» Comme on perd une tabatière. »

(Id. 3me.. acte.).

La musique de M. Deschalumeaux n'offre pas un grand nombre d'idées neuves ; mais le caractère en est généralement gracieux; l'ouverture, sur-tout, est charmante.

Lesage, dans le rôle du sot Limousin, a été vivement applaudi ; il le joue avec beaucoup de gaieté et de naturel. Baptiste a reçu aussi un grand nombre d'applaudissemens pour le talent avec lequel il a chanté un morceau destiné à Martin, et dont Martin lui-même n'aurait peut-être pas tiré un meilleur parti. En général la pièce est bien jouée.

Félix Clément, Pierre Larousse, Dictionnaire lyrique ou histoire des opéras (Paris, 1869), p. 462 :

[Le principal mérite de cet article du Dictionnaire lyrique, c’est de nous résumer l’intrigue de l’opéra-comique, mais aussi de nous montrer comment ila été reçu au cours du XIXe siècle : appréciations sur la musique, évolution du goût autour des « pièces à truc » (mais que faut-il exactement entendre dans cette expression ?), auxquelles la musique ne conviendrait pas, peut-être aussi jugement négatif sur l’évolution du goût (« Maintenant c’est carnaval toute l’année » ne peut guère se lire comme un propos optimiste). Le dernier paragraphe porte une appréciation générale sur la musique de Gaveaux, qui a des qualités, mais qui ne peut aller au-delà des « pièces à ariettes » – des opéras-comiques – et qui a le mérite de ne pas prendre une trop grande place au détriment de « la partie littéraire » – ce qui n’est plus le cas à l’époque de Clément et Larousse.]

Monsieur Deschalumeaux, opéra-comique en trois actes, paroles de Creuzé de Lesser, sous le pseudonyme d’Auguste, musique de Gaveaux, représenté au théâtre Feydeau le lundi 17 février 1806. Le voyage de M. Deschalumeaux à Marseille, accompagné de Lajeunesse, son fidèle Achate, a laissé des souvenirs de gaieté qui ne sont pas encore effacés. La méprise qui fait prendre aux voyageurs l’hôtel du duc de Villars, gouverneur de provicne, pour une auberge, le déguisement d’une grande dame en servante, le souper, la carte à payer de 3,000 livres, ont fourni les incidents les plus amusants, sinon toujours du meilleur goût. L'ouvrage a été dédié à Vincent Campenon. L'ouverture a de la gaieté, et, quoique les motifs ressemblent à des ponts-neufs, elle est assez bien écrite. L'air de Lafleur, qui ouvre le premier acte, est un des meilleurs morceaux :

Douce fille d'une horlogère,
N'entends-tu pas en ce moment
Battre le cœur de ton amant
Comme les montres de ton père ?
Mais leurs mouvements les plus parfaits
S'arrêtent parfois, je suppose,
Mon cœur en battant pour Rose
      Ne s'arrêtera jamais.

Le duo entre Mme de Villeroux et Mme de Brillon : De la fille d'auberge, ah ! je retiens le rôle, renferme d'assez jolies phrases. Le compositeur a introduit dans la pièce, comme intermède, un air italien : Di tua belta , ragiono ; il est des plus médiocres et dans le goût français de cette époque, qui contraste avec cette langue que parlaient alors si mélodieusement les Cimarosa et les Paisiello. Le finale du second acte mérite d'être mentionné à cause de ses qualités scéniques. Dans le troisième, le duo des lits est aussi fort comique ; mais on a tant abusé, dans les petits théâtres, de ces lits qui montent et qui descendent et qui jettent les dormeurs dans la plus grande confusion, qu'on ne s'en amuserait plus aujourd'hui. D'ailleurs la musique ne convient pas à ces pièces à trucs. C'est déroger que de s'y prêter. On en convenait même autrefois, car, à la fin de cet opéra-comique, Solié, qui  jouait le rôle du duc de Villars, disait au public :

Puissent tant de plaisanteries
Passer à votre tribunal.
On doit excuser les folies,
Quand on les fait en carnaval.

Maintenant c'est carnaval toute l'année. Les autres rôles ont été joués par Chenard, Paul, Le Sage, Juliet, Baptiste, Fromageat, Mlle Pingenet et Mme Scio.

La musique de Gaveaux convenait aux comédies à ariettes. Vive, facile, enjouée, scénique, mais de très-courte haleine et sans originalité, elle laissait à la partie littéraire de la pièce toute la part d'intérêt que les développements modernes du chant et de l'instrumentation ont absorbée depuis. Monsieur Deschalumeaux a été repris en février 1843, avec le concours de Mocker, Ricquier, Moreau-Sainti, Grignon, Emon, Daudé, Mmes Prévost et Félix.

Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 335, donnent comme titre Monsieur Deschalumeaux [ou Des Chalumeaux], ou la Soirée de carnaval. La pièce, livret d’Auguste Creuzé de Lesser, musique de Pierre Gaveaux, a été jouée jusqu’en 1843.

La pièce de Creuzé et Gaveaux a eu le suprême honneur d’être refait sous le même titre en 1859 par MM. Charles Brideault et Pérée, musique nouvelle de M. Frédéric Barbier. L’emprunt est discrètement signalé sur la couverture de la brochure (« D’après Auguste ***). Le duc de Villard y est devenu le duc de Villers.

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