Monsieur Guillaume, ou le Voyageur inconnu

Monsieur Guillaume, ou le Voyageur inconnu, comédie en un acte et en prose, mêlée de vaudevilles, de Radet, Barré, Bourgueil et Desfontaines. 12 pluviôse an 8 [1er février 1800].

Théâtre du Vaudeville

Titre

Monsieur Guillaume, ou le Voyageur inconnu

Genre

comédie mêlée de vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

12 pluviôse an 8 [1er février 1800]

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Barré, Radet, Desfontaines et Bourgueil

Almanach des Muses 1801

Le vertueux Malesherbes voyage sous le nom de M. Guillaume. Il se fixe à Toulouse, et habite un pavillon modeste que lui loue Morrice, intendant d'un conseiller au parlement de cette ville. Sa bonté, sa bienfaisance naturelle le font chérir. Il s'est apperçu que la fille de son hôte aime beaucoup un jeune homme qui fait le portrait de son père, et découvre bientôt que le prétendu peintre est issu d'une famille distinguée, qu'il est déguisé, qu'il a séduit la fille de l'intendant, et qu'il l'a épousée secrètement sans le consentement de son père, sans celui du père de sa maîtresse. M. Guillaume éclate d'abord en reproches, mais le mariage est consommé ; c'est le cas de l'indulgence, il en montre, il promet son appui. Dans ces entrefaites, arrive M. de Fierville, conseiller au parlement de Toulouse, avec un train, une suite et une livrée ; il déloge monsieur Guillaume qui ne se plaint pas, mais bientôt embarrasse fort monsieur le Conseiller, en se découvrant à lui. M. de Fierville un peu confus cherche à se remettre, y parvient et finit même par demander un service à M. de Malesherbes. Le magistrat le lui promet si l'équité ne s'y oppose pas, mais à condition qu'il se joindra à lui pour obtenir d'un de ses confrères qu'il excuse et approuve le mariage que son fils a contracté avec la fille de Morrice ; une simple complaisance qui lui vaudrait la complaisance de M. de Malesherbes ! Le conseiller n'hésite pas, il écrit une lettre dans laquelle il plaide la cause du fils avec chaleur, avec les plus puissans argumens. mais cette lettre est à peine achevée que M. de Malesherbes et lui apprennent que le jeune peintre est le fils de M. le conseiller Fierville. Qu'objecter, lorsqu'on a prévu toutes les objections, lorsqu'on les a combattues victorieusement ? Le mariage est ratifié.

Du comique agréable, de l'intérêt inspiré par la présence d'un homme justement illustre et barbarement immolé par la tyrannie révolutionnaire ; des couplets bien tournés et bien placés dans la bouche de chacun des personnages.

Beaucoup de succès.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Brunet, an X (1801) :

Monsieur Guillaume, ou le Voyageur inconnu, comédie en un acte et en prose, mêlée de vaudevilles, Représentée, pour la première fois, sur le Théâtre du Vaudeville de la rue de Chartres, le 12 pluviôse an 8. 1er. février 1800 (vieux style). Par les citens. Barré, Radet, Desfontaines, Bourgueil. Troisième édition.

Courrier des spectacles, n° 1065 du 13 pluviôse an 8 [2 février 1800], p. 2 :

[Article rapide qui présente la pièce, et d’abord son héros. le ton choisit est celui de l’approbation respectueuse d’une pièce qui rend hommage à un grand serviteur de la France, en le traitant avec beaucoup de respect. La pièce n’a que des qualités : « le nom du personnage, l’agrément des détails, la pureté du style, la grâce des couplets, enfin un ton décent et moral », tout concourt à faire de la pièce « une jolie comédie ». Analyse remise au lendemain.]

Théâtre du Vaudeville.

Guillaume de Lamoignon Malesherbes, ancien chancelier dont la France regrette encore les talens et la probité, Malesherbes , un de ces infortunés qu’un jugement inique et barbare conduisit à l’échaffaud, voyageant en province, se faisoit modestement appeler M. Guillaume. Un jour, à table-d’hôte il entendit qu’on parloit de lui en termes honorables ; il ne fut pas de l’avis des autres sur son propre compte, disputa et reçut plusieurs injures. Cette scène finit par l’arrivée de quelques personnes qui reconnurent en M. Guillaume le chancelier Malesherbes. C’est -cet illustre magistrat que d’estimables auteurs ont placé hier en scène à ce théâtre, sous le titre de M. Guillaume, ou le Voyageur inconnu. L répandu dans l’ouvrage, tout a contribué au succès complet de ce vaudeville, qui peut être regardé comme une jolie comédie, et être placé parmi les meilleurs pièces de ce théâtre.

Demain nous en donnerons l’analyse , et nous nous contentons aujourd’hui d’offrir à nos lecteurs deux couplets qui entr’autres ont été répétés.

M. Guillaume au conseiller Fréville qui vouloit lui enlever son logement :

Air : Vous devinez bien le reste.

Déloger quelqu’un est un droit
Qu’ici bas l’un l’autre on s’arroge :
On est actif, on est adroit,
Et tour-a-tour on se déloge.
L’égoïsme, ce grand ressort,
Donne à tous la ruse ou l'audace:
On intrigue, on s’agite fort,
Mais après maint et maint effort,
Chacun se trouve à sa place.

Hippolyte , après avoir reconnu Malesherbes :

Dans nos bosquets la simple violette
      A l’ombre se plaît à fleurir ;
      Elle se courbe sous l’herbette,
      Son parfum la fait découvrir.
Tel est le sage, au fond d’une campagne :
      Il se cache sous le manteau ;
      Mais la vertu qui l’accompagne
            Trahit l'incognito,

M. Guillaume.

Dans l’âge heureux ou l’on brûle de plaire,
      Lise cède à de tendres vœux,
      Et Lise à l’insçu de son père,
      D’un doux hymen forme les nœuds.
A le cacher vainement la' pauvrette
      Met tous les jours un soin nouveau :
      Mais las ! la nature indiscrette
            Trahit l'incognito,

G ***

Courrier des spectacles, n° 1066 du 14 pluviôse an 8 [3 février 1800], p. 2 :

[Après la correction d’une erreur; ce qui permet au critique de reprendre son éloge de Malesherbes, annonce du nom des auteurs, l’analyse explique avec précision une intrigue à la fois banale (un fils qui a épousé secrètement une jeune fille qui n’est pas d’un rang égal au sien, un père qu’une ruse oblige à admettre ce mariage) et remarquable par le personnage qu’elle met en scène. L’article s’achève par l’habituelle évocation des interprètes, fort bien traités, avec un sort particulier accordé à une chanteuse qui a toutes les qualités, et par un dernier couplet, cité après ceux déjà publiés la veille, couplet qui fait un éloge appuyé du grand Malesherbes.]

Théâtre du Vaudeville.

Nous nous sommes trompés hier en donnant à M. de Malesherbes la qualité de Chancelier, il eut celle de Ministre, et c’est à lui que la France dut l’abolition des lettres-de-cachet, et mille infortunés le bonheur et la liberté.

Voici l’analyse du vaudeville intitulé : M. Guillaume, ou le Voyageur inconnu, charmant ouvrage des cit. Barré, Radet, Desfontaines et Bourgueil.

M. Guillaume voyage en Languedoc pour prendre les eaux, et il s’est fixé chez M. Maurice, intendant des bâtimens et château de M. Fierville, conseiller au Parlement de Toulouse. Ce dernier, homme vain et fier de son rang, a envoyé à Paris son fils, jeune encore, qui loin de s’y rendre, est venu, sous le nom emprunté d’Hypolite, sous le titre modeste de peintre, loger dans le village, et s’introduit chaque jour dans la maison de Maurice dont il fait le portrait. Maurice a une fille charmante ; c’est elle dont l’amour appelle et retient près d’elle le jeune Hypolite. Les deux amans sont même mariés secrètement. Il s’agit de déclarer cette union, parce qu'on propose à Cécile un nouveau parti. Mais comment le faire ? M. Guillaume paroît si bon ! c’est à lui qu’Hypolite déclare et sa passion et son engagement. Il se dit fils d’un riche conseiller au Parlement de Toulouse et...... Mais la vue d’un laquais en livrée le force à prendre la fuite : c'est celui de son père. En effet, M. de Fierville arrive et demande hautement le pavillon qu’il occupe ordinairement. Maurice est obligé de déplacer M. Guillaume, qui se résigne et qui a avec le conseiller un entretien ou celui-ci, qui d’abord le traite avec un air de protection, apprend à la fin qu’il a l’honneur de converser avec le Ministre. Il a une grace à lui demander ; M. Guillaume lui en demande une à son tour ; il le prie, puisqu’il est conseiller du Parlement de Toulouse, d’interposer ses bons offices auprès d’un de ses confrères, dont le fils vient de .faire une étourderie qu’il veut et doit réparer. Fierville ne soupçonne pas que c’est son propre fils ; il écrit au père prétendu une lettre pleine de force et de sagesse, et lorsque Hypolite se présente avec son épouse, Fierville surpris et irrité, Fierville qui fait valoir contre cette union l’orgueil, la distance des rangs, l’inégalité des fortunes, a pour juge sa propre lettre, dans laquelle chacune de ses objections a une réponse, et désarmé par Malesherbes, il embrasse ses enfants.

Cette pièce est jouée avec beaucoup d’ensemble. Le cit. Vertpré met dans le rôle de M. Guillaume une bonhomie qui charme ; les cit. Julien, Chapelle , Carpentier et Lenoble ont mérité de nombreux applaudissemens ; quant à la cit. Henry, on ne peint pas mieux une ame sensible et ingénue, on n’est pas plus décente, on ne chante pas avec plus de douceur et de goût.

Nous avons dans le N°. d’hier cité quelques couplets ; nous ne pouvons encore résister au désir de transcrire celui-ci : c’est le portrait du grand homme ; et si le ciseau ou le pinceau retracent à nos yeux des traits chers à toute la France, on ne pourroit qu’applaudir à cette inscription :

Le magistrat irréprochable,
L’ennemi constant des abus,
Le philosophe respectable,
L’ami des talens, des vertus     (bis),
Honorant la nature humaine
Par son austère probité,
Quelque part que le sort le mène,
l marche à l’immortalité.

G ***

La Décade philosophique, littéraire et politique, an VIII, 2e trimestre, n° 14, du 20 Pluviose, p. 306-308 :

[Enfin une pièce qui rompt avec le goût lamentable du jour au Vaudeville (« l'invasion de l'insipide calembourg, du froid jeu de mots et de l'offensante personnalité ») pour revenir au « bon genre ». Enfin une pièce qui ne cherche pas « le triomphe facile des scènes décousues, des pièces sans action et des épigrammes sans objet », mais sait « réunir dans une juste mesure la morale et la gaîté, un plan raisonnable et des situations attachantes ». Et cette œuvre est en plus consacrée à la remarquable figure de l’illustre Malesherbes. Un grand homme donc qui vient enrichir « la galerie de Momus » (le nombre de vaudevilles consacrés à de plus ou moins grands hommes est impressionnant). On peut passer au résumé de l’intrigue, qui prend soin de tracer un portrait du personnage principal. Il découvre que la fille de celui qui l’héberge a épousé secrètement un jeune peintre, qui est en fait un jeune homme de bonne famille, à qui il ne se prive pas de faire une leçon de morale bien sentie (le compte rendu cite un couplet sur le respect de l’autorité paternelle que biend es pères ont dû entendre avec plaisir). Malesherbes n’en promet pas moins d’aider le jeune couple, et il met en œuvre une ruse presque involontaire qui revient à contraindre le père du jeune homme à accepter un mariage inégal. Ce père est présenté comme l’opposition parfaite de Malesherbes, opposition indispensable pour faire valoir le personnage sympathique. Beaucoup d’éloge des couplets. Mais rien sur l’interprétation.]

Théâtre du Vaudeville.

Monsieur Guillaume ou le Voyageur inconnu.

Si le devoir de la critique et l'intérêt du goût nous a forcé de nous élever contre l'invasion de l'insipide calembourg, du froid jeu de mots et de l'offensante personnalité qui paraissaient vouloir usurper la scène du Vaudeville ; nous devons, pour être justes, nous empresser d'accueillir le bon genre quand il reparaît, et féliciter les Auteurs, lorsque dédaignant le triomphe facile des scènes décousues, des pièces sans action et des épigrammes sans objet, ils savent réunir dans une juste mesure la morale et la gaîté, un plan raisonnable et des situations attachantes. C'est à ce titre que nous rendons hommage aux CC. Radet, Barré , Bourgueil et Desfontaines, pour le choix de leur sujet et le mérite de leur exécution dans la jolie petite comédie, mêlée de vaudevilles, intitulée Monsieur Guillaume, ou le Voyageur inconnu. Ils ont eu bien raison de dire qu'on aimerait cet inconnu : sa mémoire nous sera long-tems chère et douloureuse. C'est le respectable Malesherbes dont les vertus et les talens n'ont pu désarmer les tigres sanguinaires qui dépeuplaient la France.

Les Auteurs ont ajouté avec beaucoup d'adresse et de convenance ce portrait difficile à ceux de tous les illustres personnages dont ils ont déjà décoré la galerie de Momus.

Malesherbes, aussi simple que grand, voyage incognito dans le Languedoc, il habite un pavillon modeste chez Morrice, l'intendant d'un Conseiller au Parlement de Toulouse : il se fait chérir par sa bonté, par sa bienfesance : il s'aperçoit que la fille de son hôte aime beaucoup un jeune Peintre qui fait le portrait de Morrice, et qui prolonge ses séances le plus qu'il peut ; il ne tarde pas à apprendre que ce prétendu Peintre est un jeune homme de famille déguisé, qui a séduit la jeune paysanne et qui l'a épousée secrètement sans le consentement des deux pères : le moraliste sévère, à cette nouvelle, ne peut s'empêcher d'éclater un peu et de dire au jeune imprudent, dans ce couplet très-bien fait :

Epoux imprudent ! fils rebelle !
Vous aurez des enfans un jour ;
A l'autorité paternelle
Vous prétendrez à votre tour :
Mais ce pouvoir doux et suprême,
Ce pouvoir, le plus saint de tous,
De que droit l'exercerez-vous
Quand vous l'avez bravé vous-même ?

L'amant est confus, mais le mal est fait; l'homme indulgent et vertueux ne tarde pas à se montrer; il sent que le danger presse, qu'il faut secourir ces infortunés, et il promet de s'y employer.

Le hasard le sert. Au moment même arrive M. de Fierville, Conseiller au Parlement de Toulouse, fesant par sa morgue, sa suite et ses liyrées, une opposition heureuse avec la simplicité modeste du Magistrat supérieur. M. de Fierville déloge, comme on peut croire, M. Guillaume, qui d'abord se laisse faire ; mais qui bientôt marchant à son but, prend le parti, dans une scene très-bien faite, de se découvrir au petit Conseiller et de jouir de son embarras orgueilleux. En effet, d'abord un peu étourdi de l'aventure, M. de Fierville se remet et ose même demander un service à M. de Malesherbes, qui le lui promet si sa demande est juste ; mais en récompense il le prie de l'aider à obtenir d'un de ses confreres le pardon d'un mariage secret que son fils a contracté avec la fille de Morrice.

Le Conseiller, enchanté d'acheter au prix d'une complaisance la puissante protection du Ministre, se hâte de composer une lettre dans laquelle il combat victorieusement toutes les objections qu'on peut faire contre la disproportion de ce mariage. A peine la lettre est-elle écrite, que M de Malesherbes et M. de Fierville apprennent que le jeune Peintre est le fils du dernier : la lettre se trouve à son adresse, et vaincu par ses propres paroles, il est obligé de consentir au mariage.

Il est aisé de voir que la scène est adroite et le dénouement comique. C'est avec beaucoup de goût que les Auteurs ont évité au personnage de Malesherbes jusqu'au petit reproche de mauvaise foi et de tromperie envers Fierville ; il ne sait pas qu'il le fait écrire pour lui-même.

Les couplets sont tous bien amenés et bien placés. Ils ont le mérite d'être coloriés suivant les caractères auxquels ils s'adaptent ; nous ne citerons que celui-ci qu'on a fait répéter dans la bouche de Malesherbes.

Déloger quelqu'un est un droit
Qu'ici bas l'un l'autre on s'arroge :
On est actif, on est adroit,
Et tour-à-tour on se déloge.
L'égoïsme, ce grand ressort
Donne à tous la ruse et l'audace.
On intrigue , on s'agite fort,
Mais après maint et maint effort,
Chacun se retrouve à sa place.

L. C.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, Ve année (an VIII – 1799), tome sixième p. 122-124 :

[Le compte rendu commence par dire qui est ce monsieur Guillaume, qui a l’honneur d’être le héros d’un vaudeville. Il nous résume ensuite l’intrigue, un rien compliquée (un fils qui se cache de son père pour faire le portrait du père de la jeune femme qu’il a épousée secrètement), très respectueuse des convenances (quel respect envers M. de Lamoignon !). Bien sûr, dans les vaudevilles, tout s’arrange toujours, ici grâce à l’habile intervention du personnage illustre, et le mariage secret est accepté par le père du jeune homme (celui de la jeune femme n’a rien à dire : sa fille a fait un mariage tellement flatteur socialement). L’interprétation est jugée très favorablement, et les auteurs (le fameux trio du Vaudeville, renforcé par Bourgueil) ont le plaisir d’apprendre que leur pièce « est une des meilleures du répertoire du Vaudeville ».]

Monsieur Guillaume , ou le Voyageur inconnu.

Ce M. Guillaume que les auteurs du Vaudeville ont voulu célébrer, est Guillaume Lamoignon de Malesherbes, qu'ils ont joint à leur galerie des grands hommes, le 12 pluviôse, avec le plus grand succès.

M. Guillaume voyage en Languedoc, pour prendre les eaux. Il s'est fixé chez M. Maurice, intendant du château de M. Fierville, conseiller au parlement de Toulouse. Ce dernier a envoyé à Paris son fils, qui, loin de s'y rendre, est venu, sous le nom d'Hippolyte , loger dans le village et s'introduire chaque jour chez Maurice, sous prétexte de faire son portrait. Son véritable motif est son amour pour Cécile, fille du bonhomme Maurice, avec laquelle il est marié secrètement. Il s'agit de déclarer cette union, parce qu'on propose à Cécile un nouveau parti. M. Guillaume, dont la bonté et la candeur inspirent la confiance, est choisi pour confident. Hippolyte lui avoue son hymen, et lui apprend qu'il est fils d'un conseiller au parlement de Toulouse, nommé .......... La vue d'un laquais en livrée, qu'il reconnoît pour celui de son père, le force à prendre la fuite et l'empêche de continuer. M. de Fierville arrive, et demande le pavillon qu'il occupe ordinairement. Maurice est obligé de déplacer M. Guillaume, qui a un entretien avec le conseiller où celui-ci le traite avec beaucoup de hauteur et d'orgueil ; mais sa surprise est grande, quand il apprend qu'il a affaire à M. Guillaume de Lamoignon-Malesherbes. Il lui demande alors une grâce, et M. Guillaume lui en demande une à son tour ; il le prie, puisqu'il est conseiller au parlement de Toulouse, d'interposer ses bons offices auprès d'un de ses confrères dont le fils a fait une étourderie. Fierville écrit une lettre pleine de force et de sagesse ; et, lorsqu'Hippolyte se présente avec son épouse, et que Fierville veut faire valoir la distance des rangs, l'inégalité des fortunes, il a pour juge sa propre lettre, dans laquelle Malesherbes lui montre une réponse à chacune de ses objections. Il est désarmé , embrasse ses enfans, et leur pardonne.

Cette pièce est supérieurement jouée par les CC. Julien, Chapelle, Carpentier et Lenoble. On ne sauroit mettre plus de bonhomie que le C. Vertpré dans le rôle de M. Guillaume, ni plus de grâces et de décenceont le que la C.e Henry dans celui de Cécile. La piece est des CC. Barré, Radet, Desfontaines et Bourgueil. Elle est une des meilleures du répertoire du Vaudeville.

L’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-neuvième année, tome V, pluviôse an VIII [janvier-février 1800], p. 204-207 :

[Une pièce à la gloire de M. de Malesherbes, dont la simplicité et la bienveillance force le respect. C’est par le récit de l’anecdote qui a inspiré que nous pouvons nous faire une idée de la pièce, mais de façon incomplète, puisque, nous dit le critique, elle ne devient vraiment une comédie que par « un épisode ingénieux, mais que le défaut d'espace nous empêche d'analyser ». Une série de couplets permet de mesurer le caractère profondément moral de l’intrigue, et peut-être sa portée politique (on est dans le thème du bon gouvernant, confronté au méchant dirigeant). Il ne reste plus qu’à donner le nom des auteurs, qualifiés de « vrais conservateurs du Vaudeville : leur nom est à lui seul une garantie. Les acteurs ont joué de façon parfaire, et surtout celui qui tenait le rôle principal.]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Monsieur Guillaume, vaudeville en un acte.

Le vertueux Lamoignon de Malesherbes, ministre philosophe, voyageoit souvent incognito pour consulter l'opinion publique, étudier les hommes & échapper à l'ennui de l'étiquette. Il se faisoit alors appeler M. Guillaume, & n'avoit pour toute parure qu'une perruque ronde & une modeste redingotte. Un jour, dans une auberge du Languedoc où il venoit de s'installer sans se faire connoître, il fut forcé de céder son logement à un conseiller du parlement de Tonlouse, qui voyageoit avec toute la morgue parlementaire, & qui étoit redouté dans toute la généralité. Cet orgueilleux robin, ayant pris des informations sur l'espèce d'homme qu'il déplaçoit, daigna le mander pour le remercier de sa complaisance ; il poussa même la bonté jusqu'à l'inviter à souper ; M. Guillaume accepta l’offre, & une longue conversation s'établit entre les deux convives. Le conseiller, toujours protecteur, toujours poliment insolent, accabla de questions le bon homme, que, par cela même, il croyoit honorer ; mais quelle fut sa surprise, lorsque celui-ci lui parla du maréchal de Richelieu, comme d'un égal ; du chancelier de France, comme d'un proche parent ; & enfin du roi, comme d'un monarque qui lui accordoit toute sa confiance. Le petit magistrat changeant tout à coup de couleur & de maintien, demanda humblement à l'inconnu si le nom qu'il prenoit n'étoit pas supposé ; je suis véritablement M. Guillaume, lui répondit le philosophe, mais à Paris & à Versailles, on a coutume d'ajouter à ce nom celui de Lamoignon de Malesherbes.... A ce mot, le conseiller confus, s'épuisa en politesses & en excuses de tous les genres. « N'en parlons plus, reprit Malesherbes ; vous ne me connoissez pas, vous ne m'avez point offensé ; mais je vois que vous n'êtes pas merveilleusement aimé dans la province, & cela me fâche pour vous : Adieu, monsieur ; j'examinerai l'affaire qui vous attire à Paris, & si votre cause est juste, je vous appuyerai auprès du roi; ne compte[z] pas sur moi si elle ne l'est pas. »

Cette anecdote a fourni le sujet d'une pièce qui a obtenu le plus brillant succès. Un épisode ingénieux, mais que le défaut d'espace nous empêche d'analyser, supplée à la foiblesse du fonds, & fait une véritable comédie de ce qui n'eût fourni qu'une scène à des auteurs ordinaires. C'est, nous osons le dire, un des meilleurs ouvrages de ce théâtre.

Parmi les couplets redemandés, nous avons retenu les suivans. Malesherbes reproche à un jeune homme de s'être marié sans le consentement de son père :

AIR : ......

Epoux imprudent, fils rebelle,
Vous aurez des enfans un jour ;
A l'autorité paternelle
Vous prétendrez à votre tour ;
Mais, monsieur, ce pouvoir suprême,
Ce pouvoir, le plus saint de tous ,
De quel droit l'exercerez-vous,
Quand vous l'avez perdu vous-même ?

Le couplet suivant fait allusion à la destinée de Malesherbes.

AIR :......

Le magistrat irréprochable,
L'ennemi constant des abus,
Le philosophe respectable,
L'ami des talens, des vertus,
Honorant la nature humaine
Par son austère probité,
Quelque part que le sort le mène,
Il marche à l'immortalité,

On n'a pas moins applaudi celui ci :

AIR : Vous devinez bien le reste.

Déloger quelqu'un , est un droit
Qu'ici bas l'un l'autre s'arroge ;
On est actif, on est adroit,
Et tour à tour on se déloge 
L'égoïsme, ce grand ressort,
Donne à tous la ruse ou l'audace ;
Mais, après maint & maint effort,
    Chacun se trouve à sa place.

Les auteurs ont été demandés & nommés ; ce sont les vrais conservateurs du Vaudeville, c'est à dire, les CC. Barré, Radet, Desfontaines & Bourgueil ; la pièce a été parfaitement jouée, surtout par le C. Verpré, chargé du rôle de M. de Malesherbes.

L. C.

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