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Montmorenci

Montmorenci, tragédie en 5 actes, en vers, de Carrion-Nisas. 12 Prairial an 8 (1er juin 1800).

Théâtre de la République

Titre :

Montmorenci

Genre

tragédie

Nombre d'actes :

5

Vers ou prose ,

en vers

Musique :

non

Date de création :

12 prairial an 8 (1er juin 1800)

Théâtre :

Théâtre de la République

Auteur(s) des paroles :

Carrion-Nisas

La pièce figure bien dans la base La Grange de la Comédie Française,sour l’orthographe Montmorenci. Elle a connu 7 représentations en 1800.

Almanach des Muses 1801

Montmorenci, jeune héros, preux chevalier, aussi vaillant qu'aimable, déjà célèbre par le gain de plusieurs batailles, s'est laissé entraîner dans le parti de Gaston, frère de Louis XIII ; il est séduit par l’espoir d'arracher la France à l'odieuse tyrannie du cardinal de Richelieu ; mais il a trop présumé de ses moyens. Il est attaqué, vaincu, fait prisonnier à Castelnaudary par le maréchal de Schomberg. Le cardinal veut en faire un exemple terrible, et, sans se laisser émouvoir par les larmes de la duchesse de Montmorenci, par celles de la princesse de Condé, sœur du coupable, par les prières de la noblesse française et de la reine elle-même, qui prend un vif intérêt à Montmorenci, le fait décapiter.

Fonds vraiment tragique, dont l'auteur n'a peut-être pas assez tiré de parti. Du vide dans l'action ; des propositions révoltantes et bizarres faites par le cardinal à la reine dont il est épris ; le rôle de Montmorenci effacé par ceux de Richelieu, de Schomberg, et même par ceux des femmes qi sollicitent sa grace ; celui de Louis XIII trop fidèle à l'historie, et par conséquent trop nul, et cependant des scènes intéressantes ; le caractère du cardinal, par momens, supérieurement tracé ; un dénouement terrible et qui produit le plus grand effet. Quant au style, des négligences qui décèlent un écrivain peu exercé ; mais des beautés qui annoncent beaucoup de talent.

Du succès.

Courrier des spectacles, n° 1185 du 13 prairial an 8 [2 juin 1800], p. 2-3 :

[Le critique ne ménage pas le suspense : la pièce a échoué, et il nous fait part des incidents qui ont marqué cette première : on est allé jusqu’à se battre, et le pauvre Baptiste n’a pas pu nommer l’auteur, pourtant demandé. Le critique en profite pour dire tout le mal qu’il pense de ceux qui refusent aux autres le droit d’exprimer leur désaccord en sifflant; mais aussi de ceux qui, au théâtre, sont prêts à tout subir. La tragédie a bien sûr un fonds historique, censé connu de tous, mais le critique en rappelle les principaux éléments. Puis il indique que le déroulement de la pièce est limité au dernier jour du duc de Montmorency (unité de temps !). Il se refuse d’évoquer quelque scène que ce soit, puisque la pièce n’est qu’une suite de conversations, dans lesquelles l’auteur fait parler chaque personnage « sans aucun égard, ni à son rang, ni à son caractère ». Un long paragraphe donne cependant une idée de l’action, réduite en effet à des débats autour de la condamnation du duc, certains éléments mis en avant semblant peu vraisemblables. Inutile de les relever, pas plus que « les inconvenances de cette pièce révoltante ». Et le style est « aussi négligé que le plan ». La pièce avait attiré beaucoup de monde, pour voir les grands acteurs de la troupe. Mais le talent des acteurs « n’a pas pu sauver cette tragédie d’une chûte bien méritée ».

Théâtre Français de la République.

La tragédie donnée hier à ce théâtre, sous le titre de Montmorency, n’a point eu de succès. Les trois premiers actes en ont été écoutés avec beaucoup de patience, mais elle a échappé au quatrième, et quelques murmures s’étant fait entendre ont été étouffés par des cris, qui , à leur tour, ont excité des sifflets, qui, suivant l’usage moderne, ont été suivis de coups de poings. Cette petite manière de prouver le mérite d’un ouvrage a été employée deux fois pendant la pièce. Déjà les acteurs s’étoient retirés, mais bientôt rappelés par les cris des vainqueurs, ils ont reparu et ont continué assez tranquillement jusques à la fin. L’auteur ayant été demandé, les sifflets et la bataille ont recommencé. Le cit. Baptiste s’étant présenté deux fois pour nommer l’auteur, a été obligé de se retirer.

Si nous n’avions pas déjà eu occasion de rapporter de semblables scènes, nous dirions qu’il est inconcevable que ceux qui croyent avoir le droit d’applaudir au théâtre, refusent à d’autres celui de siffler. Mais que dire à des gens qui ne vont au spectacle que conduits par la curiosité, et qui s’embarrassent fort peu si une pièce est bonne ou mauvaise, nuit ou non à l’art, et ne la regardent que comme une lanterne magique dont il faut voir jusques à la dernière figure ?

Le sujet de la nouvelle tragédie est connu de tout le monde. Henry de Montmorency étant entré dans le parti de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, contre ce prince, fut battu près de Castelnaudary. Jacques Syrroys, archer de la garde du roi, traversoit le champ de bataille, lorsqu’il entendit la voix du Duc, qui grièvement blessé ne pouvoit se débarrasser de dessous deux chevaux morts et tombés sur lui. Syrroys le prit sur ses épaules, le transporta à une métairie voisine, et peu de tems après il fut transféré et jugé à Toulouse, où il fut décapité le 3o octobre 1632.

C'est à ce dernier jour de la vie du Maréchal que commence cette pièce, dénuée de tout intérêt, de toute action, et qui n’est qu’un assemblage de conversations dans lesquelles l’auteur fait parler chaque personnage sans aucun égard, ni à son rang, ni à son caractère.

Nous ne citerons aucune scène de cette tragédie, parce que nous ne pensons pas qu’il y en ait une seule de vraiment dramatique.

Le cardinal de Richelieu aime Anne d’Au triche , épouse du Roi , et a découvert qu’elle est aimée de Montmorency. Cette connoissance a ajouté à la haine que lui inspire contre le Duc l’ambition dont il est dévoré. Envain tonte la cour et le maréchal Schomberg veulent fléchir le Cardinal, Montmorency qui est condamné par le Parlement n’aura sa grâce, dit-il, qu’en faisant connoître l’auteur de la conspiration. Le but du Cardinal est de perdre Gaston lui-même, mais le Duc ne veut entrer dans aucun détail. Envain son épouse avoue-t-elle au Cardinal l’avoir seule déterminé à prendre les armes, il persiste à le laisser périr. La Reine s’abaisse elle-meme à supplier Richelieu ; ce ministre a l’insolence de lui offrir la grace du Duc à condition qu’aprés la mort du Roi elle consentira à l’epouser, lui Richelieu ; qu’alors il renverra à Rome son chapeau de Cardinal pour prendre la couronne.*

Cependant le Roi veut engager lui-même Montmorency à mériter sa grâce en dévoilant le complot. Le Duc refuse de répondre, et le Roi lui dit noblement :

Duc de Montmorency , retournez en prison.

La Reine, madame de Condé, sœur du Duc, et la Duchesse elle-même supplient en vain le Roi ; le vieux Maréchal d’Epernon vient se joindre à elles. Le Roi fléchi, se rend à son conseil ; il en revient furieux apportant le portrait de la Reine qu’elle a jadis donné au Duc pour le récompenser de la prise de la Rochelle, mais que le Cardinal a fait passer pour une preuve évidente de leur liaison criminelle. Un mot suffit pour détromper le Roi, mais le Cardinal a profité du moment pour faire déca piter le Duc : Il a, dit-il au Roi, fait jetter sa tête aux factieux qui se préparoient à prendre sa défense.

Nous ne nous arrêterons pas à relever les invraisemblances, les inconvenances de cette pièce révoltante, dont nous n’avons entrepris qu’à regret de donner une idée à nos lecteurs. A l’exception d’un très-petit nombre de vers, le style nous en a paru aussi négligé qu  e le plan.

Toutes les loges avoient été louées d’avance. A l’attrait de la nouveauté se joignoit celui de voir dans un même ouvrage les citoyens Monvel, St-Fal, Talma, Baptiste, Vanhove, et mesdames Raucour, Fleury et Vanhove. Une telle réunion scmbloit être d’un heureux présage pour la pièce ; mais tout le talent qu’ils y ont déployé n’a pu sauver cette tragédie d’une chûte bien méritée.

* Il est bon d’observer que le Roi n’avoit alors que 31 ans.

L’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-neuvième année, tome X, messidor an VIII [juin-juillet 1800], p. 208-211 :

[La pièce a été mal accueillie, et le compte rendu qui en est fait s’attache d’abord à montrer combien elle est infidèle à la vérité historique. Pour cela, il s’ouvre par une notice historique sur le maréchal de Montmorency (1595-1636 : les dates sont dans le compte rendu). Il examine ensuite la pertinence de faire de ce héros un personnage de tragédie, qui lui paraît indiscutable. Et il s’attache à en donner des preuves abondantes. On arrive enfin à la pièce, qui tourne autour d’une rumeur, fondée ou non : la liaison que le maréchal aurait eu avec la reine Anne d’Autriche. Le critique reonoce à faire l’analyse d’un tel sujet dont il souligne les entorses qu’il fait à l’histoire, en particulier dans la peinture des différents personnages historiques. « Sous le rapport littéraire & dramatique », le bilan est d’abord présenté par des éléments très négatifs : action vide, trop de longs discours qui en arrêtent la marche, nombreuses erreurs de conception (le critique donne des conseils pour faire un meilleur usage du sujet). Tout n’est pourtant pas mauvais sur le plan littéraire : belle versification, pensées fortes, vers de génie, situations tragiques (deux scènes sont données en exemple). Mais ces qualités ne compensent pas la masse des défauts. Quelques remarques sur le style montrent des imperfections dans le style (dont un vers « d’un style indigne de Melpomène »). Faut-il pour autant condamner absolument la pièce ? Le critique ne le pense pas : on peut en « retrancher sans pitié le plus grand nombre des récits & des discussions » qui ralentissent l’action et la transforment en « amplification », en exercice scolaire. La limiter à trois actes paraît aussi une bonne mesure.]

THÉATRE FRANÇAIS DE LA REPUBLIQUE.

Montmorency, tragédie en cinq actes.

La première représentation de Montmorency a été très-orageuse ; son succès a été douteux. Voici une courte notice qui donnera une idée du sujet de cette pièce : Henri, duc de Montmorency, né en 1595, fut fait amiral de France dès l'âge de 18 ans. Il battit plusieurs fois les calvinistes en Languedoc ; il les vainquit sur mer, près de l'île de Rhé, & reprit cette île dont ils s'étoient emparés. Envoyé quelque temps après dans le Piémont, en qualité de lieutenant-général, il remporta une victoire signalée sur le prince Doria, qui commandoit les Espagnols, & dont les forces étoient supérieures aux siennes ; ce glorieux succès, suivi de la levée du siége de Cazal, mérita au duc de Montmorency le bâton de maréchal de France ; mais la fortune enivra ce héros, & ne mettant plus de bornes à son ambition, il se révolta contre le roi (Louis XIII), ou plutôt contre le cardinal de Richelieu, dont l'insolente domination devenoit odieuse à tous les Français. Gouverneur du Languedoc, il souleva facilement cette province ; mais le maréchal de Schomberg l'attaquant avec des trompes réglées, le battit, & le fit prisonnier auprès de Castelnaudary. On instruisit aussitôt son procès, &, malgré les réclamations de tous les seigneurs de la cour, de la France entière, il fut condamné à mort, & décapité à Toulouse (le 3o Octobre-1636 ).

Si l'histoire de la monarchie française offre un héros digne d'être représenté sur la scène tragique, c'est sans contredit ce grand personnage. Brave, loyal, désintéressé, il fut magnanime jusque dans ses défaites ; celle qui le conduisit à l'échafaud l'honora presqu'autant que ses plus belles victoires ; on va en juger.

Les armées étoient en présence ; appercevant dans le chef de son parti (Gaston, frère du roi) une contenance mal assurée, Montmorency lui dit avec force : Monsieur, voici le jour où vous triompherez de vos ennemis ; mais, ajouta-t-il, en montrant son épée, il faut la rougir jusqu'à la garde. Indigné de voir que ce discours restoit sans effet , il se précipita dans les bataillons royalistes, où se battant en désespéré, il enfonça à lui sfeul, jusqu'à sept rangs de soldats ; il finit par tomber sanglant & couvert de 17 blessures, qui lui avoient ravi l'usage de ses sens.

On prétend qu'il fut amant aimé de la reine femme de Louis XIII, & que la jalousie du roi, excitée par le cardinal de Richelieu, fut la cause de sa perte. C'est du moins ce fait, vrai ou faux, qui a fourni des moyens dramatiques à l'auteur de la tragédie nouvelle. Nous nous dispenserons d'analyser cette pièce, dont le sujet vient d'être suffisamment indiqué ; nous dirons seulement que Louis XIII y est représenté comme un homme sans méchanceté & qui veut épargner Montmorency ; que celui-ci se regarde comme criminel & demande continuellement la mort ; que son vainqueur Schomberg devient son défenseur & veut se sacrifier pour lui ; que la reine, parlant à la princesse de Condé, ose avouer l'amour qu'elle a pour le duc, & enfin que le cardinal, peint sous les traits les plus hideux de la scélératesse, ne craint pas de proposer sa main à sa souveraine & de lui déclarer les vœux qu'il fait pour être roi. On voit par ce simple exposé, que l'auteur n'a pas suivi scrupuleusement l'histoire : en examinant cette pièce sous le rapport littéraire & dramatique, nous ne la croyons pas moins sujète à la critique. On pense assez généralement qu'elle est vide d'action ; que la marche en est trop fréquemment arrêtée par de longs discours ; que l'auteur eût produit plus d'effet, s'il eût mis en action ce qu'il fait raconter par Schomberg ; qu'il eût dû mettre, au moins une fois, le duc de Montmorency en scène avec le cardinal ; que l'aveu d'Anne d'Antriche à la princesse de Condé blesse les convenances ; que les propositions de Richelieu à la reine sont révoltantes & peu motivées ; que le héros de la pièce se répète trop souvent, & n'agit pas assez ; que le moyen du portrait est usé, & tient de la comédie ; enfin, que cet ouvrage pèche par l'ordonnance & par les caractères. Nous ajouterons pourtant & avec plaisir, qu'il renferme des beautés du premier ordre. La versification en est souvent noble & brillante ; on y trouve des pensées fortes, des vers de génie ; le quatrième acte offre une situation très-tragique ; la scène du dénouement produit un grand effet. Mais ces beautés balancent-elles les vices de plan dont nous avons parlé ? C'est ce que nous ne croyons pas.

Parmi les légères incorrections qui ont échappé à la plume de l'auteur, nous avons remarqué celle-ci :

« Et j'aurai vu donner, par un contraire sort,
« 
A leurs crimes la vie, à nos fautes la mort ! »

Et cette construction vicieuse « que son sang coule sans pitié, » pour : « que sans pitié on fasse couler son sang. »

Le vers suivant a excité des murmures.

« Duc de Montmorency retournez en prison. »

En effet, il est d'un style indigne de Melpomène ; & l'auteur ne peut se dispenser d'en faire le sacrifice.

Plusieurs personnes condamnent irrévocablement cet ouvrage, & prétendent qu'il ne peut être amélioré ; nous ne sommes pas de cet avis, mais nous croyons que l'auteur doit avoir assez de courage pour retrancher sans pitié le plus grand nombre des récits & des discussions politiques qui étouffent l'intérêt de sa pièce & qui en font plutôt une belle amplification qu'une véritable tragédie. Trois actes nous semblent être un cadre suffisant pour les événemens qu'il met en action.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 6ème année, toma I (Prairial an 8), p. 554-555 :

[Une vision un peu différente de la pièce : la motivation politique (la lutte contre Richelieu le tyran) est centrale dans l’intrigue, et la fin est révélée sans fard. Mais le jugement n’est pas très positif : action trop lente, trop de paroles sans action. « Le développement des caractères de Richelieu, de Schomberg et de Montmorenci » est fait avec talent. Mais cinq actes sur ce sujet, c’est beaucoup !]

Théâtre François de la République.

Montmorency.

Les avis sont très-partagés sur la tragédie du C. Carion Denisas, intitulée Montmorenci, dont le sujet est la mort de l'amiral qui, dans le dessein d'arracher son pays à la tyrannie du cardinal de Richelieu, a pris les armes contre Louis XIII, pour son frère Gaston. Il a été vaincu, fait prisonnier, condamné à la mort : il ne reste donc plus à empêcher que l'exécution de la fatale sentence. L'amitié de Schomberg, vainqueur de Montmorenci, les efforts de la princesse de Condé, sœur de Montmorenci, les supplications de son épouse, les larmes de la reine, telles sont les foibles ressources pour le sauver ; on y a joint l'intérêt de l'armée, les sollicitations des soldats, portées au roi par le vieux duc d'Epernon. Mais un seul moyen reste à Montmorenci ; c'est de se déclarer pour le cardinal, d'abandonner ses amis, de livrer surtout les secrets de la reine qu'il aime et dont il est aimé. Cette lâcheté indigne ne se peut supposer : ainsi sa mort est toujours prévue. Cependant les efforts réunis ont vaincu la foiblesse du roi ; il va pardonner, quand Richelieu vient annoncer que des mutins ont voulu l'enlever, et que pour appaiser ces séditieux il leur a fait jeter sa tête.

Les moyens employés par l'auteur ne donnent pas assez de vivacité à l'action ; c'est plutôt une suite de dialogues qu'une tragédie, quoique la catastrophe soit belle et vraiment tragique ; mais il y a certainement du talent dans le développement des caractères de Richelieu, de Schomberg et de Montmorenci. Il en falloit beaucoup pour soutenir cinq actes avec de si foibles moyens ; et l'on peut espérer que l'auteur, travaillant sur un plan mieux conçu, obtiendra des succès plus réels.

La pièce a été très-bien jouée, surtout par les CC. Baptiste, Talma et Saint-Phal, chargés des rôles de Richelieu, de Montmorenci et de Schomberg.

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