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Le Naufrage d'Arlequin

Le naufrage d'Arlequin, comédie en un acte & en prose, 29 octobre 1793.

Théâtre de Mlle Montansier.

Titre :

Naufrage d’Arlequin (le)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose

Musique :

non

Date de création :

29 octobre 1793

Théâtre :

Théâtre de Mlle Montansier

Auteur(s) des paroles :

 

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1794, volume 2 (février 1794), p. 294-297 :

[Ce curieux compte rendu concerne apparemment une reprise de l’Isle des esclaves de Marivaux, sous un titre nouveau, et avec de nouveaux noms pour les personnages. Au lieu de raconter l’intrigue, le critique reproduit une tirade de la pièce expliquant le fonctionnement de l’île (comment les maîtres sont rééduqués...). La représentation s’est très mal passée, et le compte rendu explique les difficultés rencontrées par les acteurs pour jouer, et pour savoir si le public souhaite voir la pièce s’arrêter, ou être achevée. Certains incidents ont une portée politique, et le critique prend bien soin de noter que la pièce n’a pas été modifiée, ce qui enlève tout soupçon de manipulation. La conclusion concerne les débuts de la Clairon (il y a bien longtemps), pour rappeler «  qu'il faut que les artistes se mettent toujours à leur véritable place, pour produire tout l'effet qu'on a droit d'attendre de leur talent ». A qui s’adresse ce conseil ?]

THÉATRE DE Mlle. MONTANSIER.

Le naufrage d'Arlequin, comédie en un acte & en prose.

Cette comédie n'est autre chose que l'Isle des esclaves de Marivaux, à laquelle on a seulement changé le titre, les noms des personnes, & dont voici le sujet tel qu'il est tracé dans la comédie même par un des insulaires.

« Quand nos peres, irrités de la cruauté de leurs maîtres, quitterent la Grece & vinrent s'établir ici, dans le ressentiment des outrages qu'ils avoient reçu de leurs patrons, la premiere loi qu'ils y firent, fut d'ôter la vie à tous les maîtres que le hasard ou le naufrage conduiroit dans leur isle, & conséquemment, de rendre la liberté à tous les esclaves : la vengeance avoit dicté cette loi : vingt ans après la raison l'abolit, & en dicta une plus douce. Nous ne nous vengeons plus de vous, nous vous corrigeons ; ce n'est plus votre vie que nous poursuivons, c'est la barbarie de vos cœurs que nous voulons détruire : nous vous jettons dans l'esclavage pour vous rendre sensibles aux maux qu'on y épouve ; nous vous humilions, afin que nous trouvant superbes, vous vous reprochiez de l'avoir été. Votre esclavage, ou plutôt votre cours d'humanité dure trois ans, au bout desquels on vous renvoie, si vos maîtres sont contens de vos progrès ; & si vous ne devenez pas meilleurs , nous vous retenons par charité pour les nouveaux malheureux que vous iriez faire ailleurs ; & par bonté pour vous, nous vous marions avec une de nos concitoyennes ; ce sont là nos loix à cet égard, mettez à profit leur rigueur salutaire, remerciez le sort qui vous conduit ici : il vous remet entre nos mains ; durs, injustes & superbes, vous voilà en mauvais état, & nous ne prenons que trois ans pour vous rendre sains, c'est-à-dire, humains, raisonnables & généreux pour toute votre vie. »

On conçoit, d'après cette exposition, qu'Arlequin & la soubrette maltraitent d'abord leurs anciens maîtres, & qu'il résulte de cette conduite des scenes très-piquantes ;. mais par bonheur les deux domestiques se radoucissent, les patrons se corrigent, & maîtres & valets finissent par se traiter comme ils devroient toujours l'avoir fait.

Cette piece , qui réussit au théatre italien en 1725, a été reçue à présent avec la plus grande défaveur, & dès la seconde scene on en demanda ironiquement l'auteur. Celui des acteurs qui remplissoit le rôle du ci-devant Trivelin, prit la parole, & dit que cette piece étoit de Marivaux, & que l'administration du théatre la faisoit représenter, parce qu'elle avoit jugé qu'un pareil ouvrage étoit parfaitement à l'ordre du jour ; mais que si le public en jugeoit autrement, on étoit prêt à interrompre la représentation.

Alors les uns voulurent qu'elle fût continuée, les autres qu'on baissât la toile. Les acteurs ne pouvant pas, au milieu du bruit, connoître bien distinctement le vœu du public, crurent qu'on désiroit qu'ils allassent jusqu'au bout. Mais lorsque Trivelin dit : En voilà bien assez pour le moment, on cria : oui ! oui ! & lorsqu'il ajouta : Cette scene vous a sans doute un peu fatiguée, on éclata de rire, & l'on hua pendant long-tems. Malgré cela, la piece seroit peut-être allée jusqu'au bout, si, dans la sixieme scene, Arlequin, après avoir vainement ordonné à son ancien maître d'approcher des sieges, ne se fût écrié, (ainsi que Marivaux l'a écrit, quoi qu'en aient pu dire certaines personnes qui prétendoient que ces paroles avoient été ajoutées) La république le veut, les ennemis de la piece crierent de plus fort, prétendirent qu'elle n'avoit été faite que pour tourner la république en ridicule. On fit plus de train que jamais, & l'on baissa le rideau.

Le bruit que cette piece avoit occasionné, & sur-tout les inculpations faites à l'administration du théatre Montansier, nous ayant inspiré le désir de voir si elles étoient fondées, nous l'avons lue telle qu'elle a été imprimée en 1781, & nous nous sommes convaincus qu'il n'y a pas été ajouté un seul mot, mais qu'on s'est permis seulement de changer, comme nous l'avons dit, le titre de l'isle des esclaves pour celui du naufrage d'Arlequin, & les noms d'Iphicrate, Euphrosine & Cléantes, pour ceux de Dom-Carlos, Isabelle & Colombine.

La célebre Clairon , qui a fait pendant long-tems l'ornement de la scene françoise, débuta au théatre italien par le rôle de soubrette dans l'isle des esclaves, & il est a remarquer que d'après ce début, quoiqu'assez applaudi, elle ne fut pas reçue à ce théatre. Tant il est vrai qu'il faut que les artistes se mettent toujours à leur véritable place, pour produire tout l'effet qu'on a droit d'attendre de leur talent.

(Journal des spectacles.)

La base César ne connaît pas de Naufrage d’Arlaquin en 1793-1794. Mais elle signale que l’Île des esclaves de Marivaux a été jouée le 29 octobre 1793 au Théâtre de Montansier...

Et il existe au moins un canevas italien intitulé le Naufrage d’Arlequin, signalé par exemple par la Bibliothèque de Soleinne, tome troisième (1844), p. 164.

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