Le Nouvel Orphée au corps-de-garde

Le Nouvel Orphée au corps-de-garde, comédie mêlée de chant, de Gabiot, musique de Froment, 12 germinal an 5 [1er avril 1797].

Théâtre d'Émulation.

Courrier des spectacles, n° 86 du 13 germinal an 5 [2 avril 1797], p. 3 :

La pièce, à laquelle le critique donne un autre sous-titre, l'Aimable chanteur, repose sur une anecdote qui se prête mal à une intrigue dramatique. On n'en a fait qu'une pièce à tiroirs. Le critique n'est pas vraiment convaincu. Encore une fois, il appelle à des « suppressions ».

Théâtre d'Émulation.

Presque tout Paris connoît la plaisante aventure arrivée à M. Garat. Mais pour mettre nos lecteurs au fait de la pièce, représentée hier au théâtre d’Emulation, nous allons leur donner le récit de l’événement.

M. Garat revenant un peu tard chez lui, fut arrêté à un corps-de garde, où, selon l’usage, on lui demanda sa carte de citoyen ; il dit qu’il ne l’avoit pas, qu’il l’avoit oubliée, mais que son nom étoit connu : en un mot, qu’il étoit Garat. On lui fit compliment sur sa juste réputation ; mais on crut devoir lui ajouter qu’on ne pouvoit le croire sur sa parole, et qu’il falloit des preuves ; quelqu’un dit : eh bien, si c’est Garat, qu’il chante, nous le reconnaîtrons bien à sa voix. Alors l’aimable chanteur déploya toute sa flexibilité, et il fut aisé de voir que c’étoit lui, car il n’a pas son pareil. Le capitaine du poste le fit reconduire chez lui, sous bonne escorte, afin qu’il ne pût être inquiété davantage. C’est ce trait que M. Gabiot vient de mettre en scène sur le théâtre d’Emulation, sous le titre du Nouvel Orphée ou l'Aimable Chanteur. Cette bluette anecdotique a eu beaucoup de succès. Ce ne sont que des scènes à tiroirs ; mais le fait n’étoit susceptible d’aucune espèce d’intrigue. Parmi les scènes détachées, on remarque particulièrement un rôle d’ivrogne ; ce rôle est d’une grande gaîté et d’une originalité piquante. M. Corse l’a rendu avec un naturel au-dessus de tout éloge. Nous avons remarqué dans les autres scènes à tiroirs, celle du niais entr’autres ; beaucoup de longueurs, et peu de piquant en nouveauté : nous pensons qu’il seroit aisé de faire quelques suppressions qui rendroient cet ouvrage très-agréable. M. Hobert a bien joué le rôle de Garat ; on lui a fait répéter un couplet ; le voici :

Quand pour un moment de gaîté,
Ici j’emprunte un nom aimable,
C’est auprès de la vérité
Placer une légère fable.

Quant à Garat,

L’oreille applaudit à ses sons ;
Le goût charmé lui rend hommage.

Mais, Messieurs,

S’il est des fleurs de toutes les saisons,
    Il est des talens de tout âge.

La musique des airs que chante M. Garat est de M. Froment.

L’on donnoit avant le Nouvel Orphée, une comédie intitulée le Père Duchesne. Comme le public pourroit s’imaginer que c’est le portrait du trop fameux Père Duchesne, du scélérat Hébert, nous nous faisons un plaisir de le détromper. Le Père Duchesne que l’on joue est celui qui existoit du temps de Louis XIV. Cette pièce est de M. Dorvigny qui l’a faite avant la révolution. M. Ribié a très-bien joué le rôle difficile du Père Duchesne.

D. S.          

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