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Les Oisifs

Les Oisifs, comédie épisodique en un acte, en prose, de Picard, 30 octobre 1809.

Théâtre de l'Impératrice.

Titre :

Oisifs (les)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ?

en prose

Musique :

non

Date de création :

30 octobre 1809

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

L. B. Picard

Almanach des Muses 1810.

Scenes épisodiques qui rappellent plus d'un ouvrage du même genre. Des détails plaisants, des personnages dont la caricature amuse. Du succès.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Martinet, 1809 :

Les Oisifs, comédie épisodique en un acte et en prose, Représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre de Sa Majesté l'Impératrice, à l'Odéon, le 30 octobre 1809. Par L. B. Picard, de l'Institut.

L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1809, tome XII, décembre 1809 p. 285-288 :

[Impossible pour Picard de montrer toutes les formes d’oisifs existant à Paris, il lui a fallu faire un choix pour sa pièce épisodique : quelques silhouettes, « deux ou trois portraits de face et d'après nature ». Et il a su à la fois évoquer tous les oisifs, Parisiens comme provinciaux, « ceux qui par l'oisiveté ont connu l'ennui, ceux même qui par elle ont connu le vice » et ne pas confondre oisifs et gens qui se dispersent, tel Monsieur Musard. Il a fait une pièce épisodique, sans action, sans intrigue, ce que le public n’avait pas compris d'emblée. Mais ces scènes « étincellent [...] d'esprit, de gaieté, et par-dessus tout, elles sont d'un naturel qu'on ne peut assez louer ». Le critique donne des exemples de ces oisifs croqués par Picard, qui « ne viennent jamais pour vous déranger », mais dont on n’arrive pas à se défaire. Seul regret : le travail que ces oisifs interrompent n’est pas de ceux qui exigent réflexion et solitude. On se pose la question de savoir comment quelqu’un d’aussi actif que Picard a pu connaître aussi bien l’oisiveté, lui qui déborde d’activité. Chacun reconnaît dans ses personnages son voisin, mais aussi « soi-même », mais sans songer à se corriger!]

Les Oisifs.

Si dans sa nouvelle comédie épisodique, jouée avec succès au théâtre de l'Impératrice, M. Picard avait voulu nous montrer tous les oisifs dont la capitale abonde, ceux qui le sont véritablement et en toute liberté, et ceux qui le sont aussi en ayant beaucoup de choses à faire, il eût été entraîné beaucoup trop loin, et sa comédie épisodique eût embrassé la majeure partie de la scène du monde : il s'est sagement borné à tracer fidélement quelques silhouettes, et à faire remarquer au milieu d'elles deux ou trois portraits de face et d'après nature : dans les traits généraux de ses personnages, on peut dire que tous ceux qui appartiennent aux oisifs sont contenus, non-seulement ceux que Paris renferme, mais même ceux qui y viennent des départemens, et ce n'est pas la moindre quantité ; ceux qui par l'oisiveté ont connu l'ennui, ceux même qui par elle ont connu le vice.

On craignait que le tact habituel de l'auteur ne fût en défaut, et qu'il ne confondît ici un Musard avec un oisif : cela ne pouvait être à craindre de la part d'un homme aussi habitué à voir et à réfléchir que M. Picard. Musard est occupé très-sérieusement de tout, excepté de ce qu'il a à faire ; un oisif n'a point d'occupation : il s'en crée de puériles, d'insignifiantes, de bizarres. Musard se plaint que le temps passe, l'oisif cherche à le tuer ; Musard s'amuse, l'oisif s'ennuie : il n'y a pas là le moindre trait de ressemblance ; aussi n'y en a-t-il aucune entre les deux pièces, et c'est une chose à remarquer dans le talent de l'auteur, que traitant des sujets où tout le monde croit la ressemblance inévitable, il saisit et marque avec finesse la distance qui les sépare, les renferme dans leurs limites, et emploie pour chacun d'eux les couleurs qui leur sont propres.

Il était assez difficile, pour quelques scènes épisodiques de cette nature, d'imaginer un cadre neuf, et d'éviter l'idée des fâcheux, lesquels en très-grande majorité sont des oisifs. Les fâcheux contrarient un homme qui a un rendez-vous : nos oisifs empêchent de se livrer à un travail urgent le personnage, qui n'est pour eux qu'un espèce de compère : c'est là l'écueil insurmontable du genre.

Le public ne savait pas assez à la première représentation que la pièce fût épisodique ; aussi tout en riant beaucoup des détails, il semblait demander une action, une intrigue, une comédie. Il connaît actuellement le titre modeste que l'auteur a sans prétention donné à son ouvrage, et en attendant que cet auteur, qu'il estime et qu'il chérit à tant de titres, entreprenne de nouveau les grandes peintures du cœur humain, le public, bien sûr qu'il ne descendra jamais aux proverbes, rira franchement de ses scènes – épisodiques.

Elles étincellent en effet d'esprit, de gaieté, et par-dessus tout, elles sont d'un naturel qu'on ne peut assez louer : les personnages sont frappans, on les a vus par-tout, on les saluerait dans la rue, s'ils n'étaient pas si nombreux ? Eh, qui n'a pas vu cet amateur abonné à l'opéra depuis trente ans pour dormir au foyer, vénérable de loge, convive d'un pique-nique hebdomadaire, dont la promenade s'étend journellement de chez Tortoni au Palais Royal et du Palais-Royal chez Tortoni ; et cet honnête homme que l'oisiveté a rendu joueur, que le jeu a ruiné, et qui demande un emploi dans la police des jeux pour y voir au moins ruiner les autres ; et cet inspecteur du parc de Versailles qui présente à son parent de Paris l'enfant le plus mal élevé et le plus maussade , et promet d'amener une autre fois le cadet qui est encore plus aimable ; et ce poëte élégant qui fait la romance, le calembourg, le couplet de fête, l'impromptu pour l'anniversaire, l'épigramme et l'épithalame tour-à-tour, et qui, obligé de recommander ses talens par la voie des Petites Affiches, emprunte le nom d'un de ses amis ; et ce bavard impitoyable qui ne jase, ne discute, ni ne converse, mais divague sans cesse, et mettrait de la variété dans ses discours, s'il achevait quelquefois une phrase ; et sur-tout cet honnête M. l'Effilé qui relève d'une maladie dont il a été sauvé en prenant le contrepied d'une ordonnance, qui ne manque pas une revue, une cérémonie, un baptême, une noce, une visite, qui se fait inspecteur bénévole des embellissemens publics, et qui serait tenté de regretter sa maladie parce qu'elle l'occupait un peu ? Qui n'a pas vu, dis-je, de tels originaux, et qui a toujours été assez heureux pour les éviter ?

Ces gens-là ne viennent jamais pour vous déranger, ils savent ce que c'est que les personnes occupées ; ils ne restent qu'une minute ; ils n'ont qu'un mot à dire, et ce mot, qui lui-même n'est rien, n'arrive jamais, ou n'arrive jamais seul. Il est bien clair que M. Picard les a mis aux prises avec un homme qui a un travail pressé : malheureusement ce travail n'est point assez sérieux : mille oisifs se succéderaient qu'on pourrait s'y livrer en les recevant même avec une politesse qu'ils ne demandent pas. Il eût été à désirer que l'objet du travail appartînt à l'imagination et demandât de la réflexion et de la solitude dans une heure donnée. Sous ce rapport et sous celui de la petite intrigue qui lie les scènes, la pièce mérite bien quelques reproches de négligence, mais il faut dès-à-présent convenir qu'on n'ira pas voir la pièce, mais les scènes qui la composent, et sur-tout M. l'Effilé, joué par Armand d'une manière très-distinguée.Cet acteur y est vrai comme le rôle, et c'est tout dire.

On ne conçoit pas trop comment M. Picard a si bien peint les Oisifs en l'étant si peu lui-même ; c'est qu'il a mis à les bien observer une partie du loisir que lui assure sa prodigieuse activité ; et ce mérite d'observation, nous l'avons souvent répété, est le cachet distinctif de son talent : il observe si bien, et il peint si juste, avec un sentiment si vrai de la comédie, de son but et de ses limites, qu'on voit rire au théâtre de ses traits les plus comiques, ceux même à l'état ou aux habitudes desquels ils s'adressent : tout en feignant de reconnaître son voisin, chacun est obligé de se reconnaître soi-même, sans se croire forcé de se l'avouer, et sur-tout de profiter de la leçon.             S....

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