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Quintius Cincinnatus

Quintius Cincinnatus, tragédie en trois actes, par Arnault, suivie de l'acte d'Horatius Coclès. 21 frimaire an 3 [11 décembre 1794].

Théâtre de la République

Almanach des Muses 1796.

L'Almanach des Muses donne pour titre Quintus Cincinnatus.

Sujet austère, intérêt faible.

Spurius Melius, riche Citoyen de Rome a fait venir des grains dans un tems de disette ; il les distribue au peuple pour le gagner et s'ouvrir un chemin à la tyrannie. Cincinnatus, qui, de sa retraite, a pénétré les projets de Mélius, accourt à Rome et l'accuse devant le Sénat. Il est nommé dictateur, et donne ordre d'arrêter Mélius. Celui-ci résiste et provoque le peuple à la sédition. Servilius, général de la cavalerie, aime Emilie, fille de Melius qui lui offre sa main : Servilius n'en persiste pas moins à vouloir l'emmener devant le dictateur ; puis le voyant se réfugier parmi les séditieux, il le poignarde au milieu de ses cliens. Emilie se tue sur le corps de son père, après avoir remis au dictateur la liste des conjurés.

De beaux développemens. Le rôle d'Emilie assez inutile. Succès peu soutenu.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mérigot jeune, an troisième :

Quintius Cincinnatus, tragédie en trois actes, Représentée pour la première fois sur le Théâtre de la République, le 11 nivose, l'an 3e. Suivie de l'acte d'Horatius Coclès. Par le Citoyen Arnault.

Impiaque in medio peraguntur bella senatu.

Lucain.

Le texte de la pièce est précédé de cette courte note :

Parvenir à la tyrannie par la popularité, fut de tous les temps la tactique des ambitieux dans une République. Cette vérité, non moins cruellement démontrée par l'expérience que par l'historie, fut sans doute la base de l'ostracisme ; elle est aussi celle de cette Tragédie purement politique, conçue et presque entièrement achevée sous le despotisme.

Annales dramatiques, ou dictionnaire général des théâtres, tome huitième (à Paris, 1811), p. 17-20 :

QUINTIUS CINCINNATUS, tragédie en trois actes, en vers, par M. Arnault, aux Français, 1794.

Cincinnatus apprend que Spurius Mélius, chevalier Romain, cherche à accaparer les moissons et à corrompre le peuple par ses bienfaits. Il quitte la charrue, et vient signaler le crime. Il traverse le Forum d'un air profondément occupé, et rend compte à Servilius du sujet de sa venue. Ce dernier ne peut croire à tant de perfidie. Mélius aurait osé concevoir le projet odieux d'asservir son pays ! Toutefois il se rend au sénat, où Cincinnatus va l'accuser ; l'y défendre, s'il est innocent ; le condamner, s'il est coupable. Soudain de toutes parts il entend les cris du peuple. Honneur à Mélius ! triomphe à Mélius ! Serait-il vrai ? Il se dispose à partir, lorsqu'il voit accourir Emilie, son amante, fille de Mélius. Celle-ci fait éclater la joie la plus vive ; mais, dès qu'elle sait que la liberté de Rome est menacée, elle prend un front sévère, et demande le nom du perfide.

Servilius.

Combien j'aurais besoin d'un courage affermi
S'il fallait l'accuser!

Emilie.

Qui ?

Servilius.

Mon meilleur ami.

Emilie.

Je l'avoûrai ; j'ai peine à concevoir qu'un homme
Dans une ame romaine ait pu balancer Rome , etc.

Cet homme est son père. Vainement elle l'implore. Fort de la faveur populaire, de la fermeté et du nombre de ses conjurés, il persiste dans son criminel dessein. Il avait mendié des secours étrangers qu'il attendait sous quelques jours ; mais le temps presse ; la nuit même il va frapper. Cette nuit doit tomber le sénat, cette nuit, les riches moissons qu'il a rassemblées dans son palais doivent être incendiées. Cependant le sénat s'assemble. Cincinnatus accuse Mélius et demande son exil. Servilius le défend avec chaleur ; mais le vieux républicain lui réplique avec tant de vigueur, que le consul et la presque totalité du sénat passent à son avis. Dans cette conjoncture, Mélius arrive, suivi de ses partisans, et cherche moins à se justifier qu'à faire valoir ses bienfaits. Sommé par le consul d« déclarer dans quelle intention il fit achat de tous les grains qu'il put trouver chez l'étranger, pour les distribuer au peuple, il ne daigne pas répondre à la calomnie ; le suffrage du peuple lui suffit. Cincinnatus alors lui propose un moyen de se justifier ; c'est de s'exiler lui-même ; mais l'intérêt du peuple s'y oppose. Il sort.

Eh bien, pères conscrits ! cet homme est-il coupable ? s'écrie Cincinnatus. Il l'est, répond Servilius. Dans cet état de crise, le consul propose de nommer un dictateur. Cincinnatus est élu. Il confie le commandement des chevaliers à Servilius, et lui donne l'ordre de conduire le traître devant le dictateur. Mais, tandis que le sénat prend les mesures les plus promptes pour déjouer les complots, Mélius, de son côté, fait rassembler ses partisans. Tous les efforts d'Emilie sont inutiles. L'ambition dont il est dévoré ne permet pas à Méltus d'écouter les salutaires conseils de sa fille. Il voit sa douleur et son désespoir, et n'en est point touché. Elle lui demande la mort, afin de l'empêcher de révéler son secret; elle ne peut l'obtenir. Il fait si peu de cas de ses menaces, et semble être si sûr d'elle, qu'il lui confie l'écrit du complot. Bientôt le peuple remplit la place : Mélius le harangue, le flatte, lui vante ses bienfaits, lui peint ses maux qu'il a fait cesser, en accuse les grands, tonne contre le sénat, et termine son discours en protestant qu'il est prêt à souscrire à l'exil, si le bonheur du peuple l'exige. Cependant les licteurs arrivent. Le peuple séduit et mutiné s'apprête à défendre celui qu'il regarde comme son libérateur : toutefois Mélius fait écarter la foule, et lui recommande de l'environner au premier signal. C'est dans ce moment que Servilius paraît et lui ordonne de le suivre devant le dictateur. Mélius ne veut obéir qu'au peuple. En vain pour séduire Servilius il lui prodigue les noms de fils et de père ; l'ame fière et vraiment républicaine de ce Romain ne le reconnaît plus que pour l'ennemi de son pays. Suis-moi ! suis-moi ! lui répète-t-il avec emportement. Mélius méprise cette injonction, et lui dit alors qu'il n'a point de loi à recevoir du dictateur, et que c'est à lui à en donner ; que sa fille l'aime ; que, malgré son ingratitude, il veut lui assurer la main d'Emilie et sa couronne, et enfin qu'il veut l'arracher à la mort que tous les républicains vont recevoir. Suis-moi ! suis-moi ! s'écrie de nouveau Servilius en fureur. Dans ce moment, il tire son épée, et en frappe Mélius. Drusus excite le peuple à la vengeance ; le peuple reste indécis. Voyant arriver Cincinnatus, accompagné des licteurs, portant un tribunal et des flambeaux, Drusus envoie chercher Emilie. Le dictateur s'informe de la cause de tous ces mouvemens. On lui montre Mélius expirant. Qui l'osa frapper ? Moi, s'écrie Servilius. Loin de le condamner, comme Drusus s'y attend, Cincinnatus loue son courage. Cependant Emilie arrive.

Drusus.

Viens, Emilie, accours jouir, dans ta misère,
De l'éloge qu'obtient le bourreau de ton père.

Servilius.

Emilie !

Emilie.

              Est-ce à toi de lui reprocher rien ?
Il a fait son devoir ; je viens faire le mien.

Cincinnatus.

Fille de Mélius, que prétends-tu ?

Emilie.

                                                      T'instruire.
Lis : c'est la vérité ; j'ai le droit de la dire.

Elle lui remt la liste que lui a confiée son père et se perce d'un poignard. Tous les conjurés sont arrêtés et conduits au supplice ; et Cincinnatus, après avoir sauvé la liberté de Rome, retourne à sa charrue. Tel est le sujet de cette pièce, écrite avec autant de vigueur que de pureté.

D'après la base César, la pièce intitulée Quintius Cincinnatus, a été jouée 5 fois au Théâtre français de la rue de Richelieu, 3 fois les 15, 21 et 25 décembre 1794, 2 fois les 4 et 16 janvier 1796.

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