Le Testament de mon oncle, ou les Lunettes cassées

Le Testament de mon oncle, ou les Lunettes cassées, comédie en trois actes et en vers, par M. Armand Charlemagne ; 15 mars 1806.

Théâtre de l'Impératrice.

La brochure donne pour titre le Testament de l’oncle, ou les Lunettes cassées

Titre :

Testament de mononcle (le), ou les Lunettes cassées

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

vers

Musique :

non

Date de création :

15 mars 1806

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Armand Charlemagne

Almanach des Muses 1807, qui donne pour titre le Testament de mon Oncle, ou les Lunettes cassées.

Un vieux célibataire très riche, et encore plus original, meurt, et laisse six cent mille livres à ses héritiers. Une jeune veuve, un poëte, et un agent d'affaires, ont des droits égaux à cette succession ; mais le testament ordonne que la jeune veuve, madame Albert, jouira de tout l'héritage, à condition qu'elle épousera l'un des deux autres collatéraux, et que ceux-ci tireront au sort pour éviter toute discussion. La jeune veuve, dans l'intention d'éprouver ses deux prétendants qui ne la connaissent pas, substitue à son portrait qui se trouve dans le salon de son oncle celui d'une femme aussi laide qu'elle est jolie. le sort favorise le poëte : mais à la vue de ce portrait hideux il est prêt à renoncer à la succession, lorsque l'agent d'affaires lui propose soixante mille francs, à condition qu'il lui cédera tous des droits. le amrché est conclu. Mais madame Albert, qui, sous le déguisement d'une suivante, a trouvé plus d'une occasion d'éprouver le caractère de ses deux cousins, parvient avec beaucoup d'adresse à faire casser cet arrangement, et épouse le poëte, en abandonnant cependant une partie de l'héritage à l'agent d'affaires.

Style inégal, mais de la verve comique. Du succès.

Courrier des spectacles, n° 3328 du 16 mars 1806, p. 2 :

[Le critique commence par parler de l’auteur sans le nommer : il faut attendre la fin de l’article pour savoir qui il est, puisque c’est à la fin de la représentation qu’on est censé l’apprendre, mais la surprise devait parfois être éventée. Son portrait est d’ailleurs ambigu : beaucoup de reproches compensés par de beaux compliments, et un conseil final, « savoir régler son imagination, et [...] donner à son style plus de noblesse et de pureté ». Ce conseil, il aurait d’ailleurs dû le mettre en pratique dasn sa nouvelle pièce, gaie, « plein[e] de traits spirituels et de mots heureux », mais aussi irrégulière, invraisemblable, désordonnée, offrant « plus de singularité que de force comique ». Le titre mêle deux aspects, l’un peu surprenant (une affaire d’héritage), l’autre étonnant (un bris de lunettes ?). L’intrigue résumée ensuite, ne brille en effet pas par al vraisemblance, à nos yeux modernes du moins. Cette affaire d’héritage, cette condition étonnante et la façon dont la « jeune veuve » la contourne par la ruse pour finalement épouser qui elle veut, voilà une façon curieuse de régler deux problèmes, l’argent et le mariage. Finalement, après l’annonce du mariage de la jeune veuve et du poète, le critique n’a que deux choses à dire : que les acteurs ont fort bien joué, et que l’auteur a été vivement applaudi et a bien mérité d’être demandé.]

Théâtre de l’Impératrice.

Le Testament de mon Oncle , ou les Lunettes cassées.

L’auteur de cette pièce est connu par plusieurs compositions d’une gaîté vive et originale. Sa muse est souvent un peu déréglée, ses idées ne sont pas toujours bien liées ensemble, ses plans ont quelquefois de la bizarrerie, son style est d’une couleur inégale et bigarrée ; mais au milieu de ces defauts, on reconnoît un homme de beaucoup d’esprit, il sait créer une situation plaisante, inventer des incidens, animer son sujet par beaucoup de saillies piquantes, et mêler des morceaux négligés à des morceaux très-bien écrits ; il ne lui manque pour être un auteur très-intéressant que de savoir régler son imagination, et de donner à son style plus de noblesse et de pureté.

Les Lunettes cassées sont un ouvrage fort gai, mais dont le goût ne sauroit avouer toutes les irrégularités ; il est plein de traits spirituels et de mots heureux ; mais il y a de l’invraisemblance dans les situations, du désordre dans les scènes, et plus de singularité que de force comique.

Un célibataire jouissant d’une fortune considérable, et n’ayant d’héritiers que les enfans de ses trois sœurs, meurt après avoir fait un testament qui règle l’ordre de sa succession. Ses héritiers sont une jeune veuve de Bordeaux nommée Mad. Albert, un poëte nommé Duhamel, et un agent d’affaires nommé Durand. Le légataire veut que Mad. Albert hérite de sa fortune, qui se monte à six cent mille francs, et qu’elle épouse un de ses cohéritiers ; mais comme il pourrait y avoir quelque difficulté dans l’exécution de cette clause, le testament porte que les deux neveux tireront au sort. Mad. Albert se rend à Paris pour recueillir sa succession ; mais comme elle veut mettre ses cousins à l’épreuve, elle ne se présente que sous le nom d’une suivante nommée Lisette. C’est ici que les lunettes doivent se casser ; car son portrait se trouve dans l’appartement de son oncle ; et pour soutenir le déguisement, il est nécessaire de lui en substituer un autre, sans que Gervais, vieux domestique du défunt, s’en apperçoive. Ce bonhomme laisse donc fort à-propos tomber ses besicles. On profite de l’incident, et au portrait charmant de la jeune héritière on substitue un portrait hideux.

Les héritiers s’assemblent ; le Poëte témoigne beaucoup d’indifférence pour les richesses, l’Agent d’affaires montre beaucoup d’avidité. Un trictrac se trouve dans l’appartement ; on tire au sort la main de la dame. Le Poëte amène le point heureux ; mais d’une part il est effrayé à la vue du portrait, de l’autre il est tourmenté par des créanciers. Durand traite avec lui, et le fait renoncer à ses prétentions pour soixante mille francs. Cependant Mad. Albert étudie sous son déguisement le caractère des deux prétendans, et parvient avec beaucoup d’adresse à rester maîtresse de son choix, en faisant signer des reconnoissances à ses deux Cousins. Alors elle se fait connoître, partage la succession, et épouse le Poète.

Cette pièce a été fort bien jouée par Mlle. Emélie Leverd, Picard ainé, Picard jeune et Clozel. L’auteur a été souvent très-applaudi ; on l’a demandé après la représentation, c’est M. Armand Charlemagne.

La Revue philosophique, littéraire et politique, 1806, premier trimestre, n° 9, du 21 Mars 1806, p. 572-574 :

[Article repris dans l’Esprit des journaux français et étrangers, tome IV, avril 1806, p. 288-291.

Une histoire d’héritage : une veuve (mais sans aucun doute une jeune veuve) légataire de son oncle à condition d’épouser celui de ses cousins que le sort désignera. L’analyse de la pièce montre les efforts de la veuve pour obtenir de se marier avec celui qu’elle préfère, mais en dédommageant celui qu’elle refuse. Le critique juge que l’intrigue est bien mince, mais que l’auteur a su en masquer l’invraisemblance et le caractère forcé. Le style est « quelquefois incorrect et plus souvent piquant d'originalité » : des éléments de mauvais goût, mais aussi de nombreux « traits heureux ». A défaut d’une bonne comédie, un ouvrage amusant.]

Théâtre de l'Impératrice, rue de Louvois.

Le Testament de mon Oncle , ou les Lunettes cassées , en trois actes, en vers.

Un testateur bizarre, mort sans héritiers directs, a nommé sa nièce, la veuve Albert, jeune et jolie femme, sa légataire universelle, mais à la condition étrange qu'elle épouserait un de ses deux cousins, et par une clause plus étrange encore, il a voulu que ces deux cousins la tirassent au sort. L'un est un jeune poète peu intéressé, mais tourmenté par les créanciers ; l'autre une espèce d'agent d'affaires fort épris des six cent mille francs de l'héritage, et fort étonné, à très juste titre, des clauses bizarres du testament. Il faut pourtant s'y soumettre, et nos deux cousins se déterminent en présence même du notaire à tenter la chance du sort. Un trictrac et des dés leur en procurent la facilité. Le résultat est que l'héritage et la veuve doivent appartenir au jeune poëte ; mais cette veuve doit avoir à son tour quelque droit de refuser. Sans doute : le testateur a tout prévu ; si elle refuse, elle perd son droit de légataire, et les six cent mille francs se partageront entre les deux cousins. Elle a donc un motif d'assister à l'ouverture du testament, et pour cet effet, elle est arrivée de Lyon, sa demeure ordinaire, mais je ne sais trop pourquoi, déguisée en soubrette, et se fait représenter par un homme de loi chargé de ses pouvoirs. Elle entend le testament en voit ses prétendans la mettre en loterie. Dans cette circonstance, elle voit du moins avec plaisir que le sort favorise le poëte y qu'elle préfère déjà secrètement à ce Durand, son autre cousin , qui n'est qu'un fat sans délicatesse. Elle pourrait donc se nommer et probablement la pièce serait finie ; mais elle n'est pas fâchée d'éprouver davantage ses cousins et de se donner à elle-même le plaisir de se faire refuser par ses deux prétendans, afin de disposer seule des six cent mille francs. Un autre obstacle s'opposerait encore à son projet ; car son portrait est dans la salle même de l'ouverture du testament, et si ce portrait reste, la confrontation est facile et la pièce encore finie. Elle profite donc de l'incident assez romanesque de la cécité presqu'absolue d'un valet, gardien des scellés, qui vient de briser ses lunettes, pour changer son portrait contre celui d'une femme hideuse sous le même cadre. Cet échange remplit son but. Le poète, apprenant que ce portrait hideux est celui de Mme Albert, trouve les six cents mille francs trop chers avec cette charge, et vend son droit à son cousin moins délicat, en lui signant sa renonciation pour soixante mille fr. Mme Albert n'a donc plus qu'à se faire refuser par Durand pour posséder seule l'héritage , et voici comme elle s'y prend. Ce Durand est un fat présomptueux qui jadis, à Bordeaux , lui a fait vivement la cour, quand elle portait le nom d'Aglaé Desroseaux. Elle lui écrit sous ce nom pour lui rappeler son amour dont il lui a fait l'aveu, et feint de ne pouvoir plus résister à son propre penchant ; elle vient même sous les plus brillans atours s'offrir à lui et lui témoigner tout l'excès de sa prétendue passion ; mais notre homme, trop vivement épris des six cents mille francs, lui écrit un refus très-positif. Munie de cette pièce, elle se fait enfin connaître pour Mme Albert, également refusée par les d'eux concurrens, par conséquent maîtresse de l'héritage aux termes du testament ; mais elle en rend aussitôt le tiers à Durand, et partage les deux autres avec le poëte dont les sentimens généreux l'ont touchée, et qui reçoit sa main avec reconnaissance.

Il était difficile de fonder un ouvrage sur des pivots plus frêles, et cependant l'adresse avec laquelle l'auteur a pallié l'invraisemblance, annonce un talent réel : tous les ressorts sont forcés, toutes les données bizarres, et les scènes qui en résultent sont séduisantes et quelquefois comiques. On ne se dissimule pas la fatigue de l'auteur dans la conception de son plan, mais on sourit de la manière dont il soulève son fardeau.

Le style est quelquefois incorrect et plus souvent piquant d'originalité : de légères taches de mauvais goût ne sauraient en faire oublier l'esprit et même une sorte de grâce, et une foule de traits heureux désarment la critique au moment où l'auteur vient de la réveiller à plus juste titre. Au total ce n'est pas une bonne comédie, mais c'est un ouvrage amusant et qui mérite le succès qu'il a obtenu. L'auteur est M. Armand Charlemagne.                       L. C.

La pièce a connu une seconde carrière, remise en un acte au lieu de trois, et la brochure a reparu avec un nouveau titre en 1822 :

Le Testament singulier, ou les Lunettes cassées, comédie en 3 actes et en vers, de M. Armand Charlemagne. (Paris, théâtre de l'Impératrice, 15 mars 1806.) Remise en 1 acte et représentée sur le théâtre du Gymnase-Dramatique, le 23 août 1822.

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