Créer un site internet

Le Triomphe du mois de Mars, ou le Berceau d'Achille

Le Triomphe du Mois de Mars, ou le Berceau d'Achille, opéra-ballet en un acte, paroles de Dupaty, musique de Kreutzer, ballets de Gardel, 27 mars 1811.

Académie Impériale de Musique.

Titre :

Triomphe du mois de Mars (le), ou le Bouclier d’Achille

Genre :

opéra-ballet

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

vers

Musique :

oui

Date de création :

27 mars 1811

Théâtre :

Académie Impériale de Musique

Auteur(s) des paroles :

Emmanuel Dupaty

Compositeur(s) :

Kreutzer

Chorégraphe(s) :

Gardel

Almanach des Muses 1812.

Sur la page de titre de la brochure, à Paros, chez Mme. Masson; mars 1811 :

Le Triomphe du mois de Mars, ou le Berceau d’Achille, opéra-ballet, tableau allégorique, à l’occasion de la naissance de S. M. le Roi de Rome. Le Poëme, par M. Emmanuel Dupaty, Musique de M. Kreutzer, Ballets de M. Gardel. Représenté sur le Théâtre de l’Académie Impériale de Musique, le 27 mars 1811.

Journal de l’Empire, 31 mars 1811, p. 1-4 :

[Long compte rendu d’une œuvre de commande, dont il faut bien sûr vanter les mérites, d’autant qu’ils ne sont pas évidents : les premières lignes ne cachent pas qu’il y a à redire à cette allégorie laborieuse, dont le critique fait porter la responsabilité à l’obligation d’écrire vite (lui-même sait combien la hâte est néfaste) et à la difficulté du sujet, qui accable l’auteur, comme elle a accablé les Horace et les Boileau confrontés à cette même impuissance face à l’ampleur de la tâche qui s’impose à eux. L'allégorie développée par Dupaty est empruntée à Ovide et à ses Métamorphoses. Il ne faut pas y chercher « une justesse et une exactitude géométriques », mais plutôt profiter des « traits délicats » qu’elle offre et dont des exemples sont donnés pour nous permettre de nous en faire une idée. La musique de Kreutzer est jugée envahissante, et elle empêche de bien entendre les paroles (reproche assez habituel sous la plume de Geoffroy, dont le goût pour la musique est très modéré). Cette musique a cependant des qualités : « de beaux chœurs, des airs très agréables, l'harmonie qui convient aux fêtes ». Les chanteurs sont félicités, et les ballets, élément important de cet opéra-ballet, sont dignes de ‘immense talent de leur auteur, Gardel.]

ACADEMIE IMPÉRIALE DE MUSIQUE.

Le Triomphe du mois de Mars, ou le Berceau d’Achille, opéra-ballet, tableau allégorique à l'occasion de la naissance de S. M. le Roi de Rome.

M. Emmanuel Dupaty. auteur de cet opéra est connu par la délicatesse et la grace de son esprit : les productions aimables dont il a enrichi plusieurs théâtre n'offrent même à des yeux sévères, d'autres défauts qu'une certaine recherche de finesse et d'agrément. Le tableau qu'il vient d'exposer sur notre premier théâtre lyrique est ingénieux et brillant, tel qu'on devoit l'attendre de la touche élégante du peintre : si l’allégorie laisse quelque chose à desirer sous le rapport de la clarté de la justesse et du mouvement théâtral, combien de droits l’auteur n'a-t-il pas à notre indulgence !

D'abord la précipitation forcée du travail. Ce n’est point ici le cas de dire avec le Misanthrope :

Le temps ne fait rien à l’affaire.

Ceux qui ont du temps de reste ont tort sans doute de se presser. Un auteur est très-blâmable de faire une mauvaise tragédie en un mois quand il pourroit en faire une bonne en un an. J’ai aussi quelqu'intérêt à plaider la cause des écrivains forcés d’aller vite ; car on a du temps pour rendre compte d'un livre, maiss pour parler d'une représentation, il faut saisir le moment de la fraîcheur : on n'a pas le temps d'attendre ses pensées, de choisir ses mots, de soigner ses phrases ; à peine a-t-on le temps d'écrire. Je suis condamné par état à faire des impromptus ; ma situation me rend plus sensible à la détresse où M. Dupaty a dû se trouver quand il lui a fallu préparer en peu de jours, et pour ainsi dire brusquer la représentation d’un opéra : cette œuvre si compliquées, dont les diverses parties s'arrangent si lentement, si péniblement, et dont les embarras sont passés en proverbe.

Ne faut-il pas aussi avoir égard à l’extrême difficulté du sujet : plus il est grand et intéressant, plus il accable l'auteur. Quel génie, quel goût, je dirois presque quel bonheur ne faut-il pas pour trouver un cadre heureux, surtout dans le genre noble ! Quel tact des convenances, quelle mesure. quelle adresse n'exige pas la louange !- Les plus grands écrivains tels qu'Horace et Boileau, se plaigoient de la foiblesse de leur talent. et n'osoient entreprendre de louer les héros de leur siècle. Boileau excuse ainsi son silence :

Mais je sais peu louer. et ma Muse tremblante
Fait d’un si grand fardeau la charge trop pesante ;
Et dans ce haut éclat où tu te viens offrir,
Touchant à tes lauriers craindroit de les flétrir.

C'est une imitation de la pensée d'Horace, qui disoit de même à l'illustre Agrippa. qu'il n'entreprendroit pas de chanter les conquêtes d'un si grand capitaine, et qu'il craignoit d'affoiblir sa gloire et celle de César par la médiocrité de son talent.

L'allégorie a par elle-même ses écueils, qui sont la froideur et l'obscurité : c'est un genre qui réussit rarement en peinture comme en poésie ; il est particulièrement ingrat sur la scène, qui demande de la vie, de l’action et de la vérité : il faut donc pour apprécier l'auteur avec une certaine équité, mettre dans la balance tous les obstacles qu'il a franchis.

M. Dupaty nous montre sur le théâtre les mêmes objets qu'Ovide nous présente dans le palais du Soleil: « A droite et à gauche du trône du Soleil,. on voyoit le Jour, le Mois. l'Année, les Siècles et les Heures placés à des distances égales. Là se tenoit le Printemps, le front couronné de fleurs, l'Eté tout nu et portant des gerbes ; ici paroissoit l'Automne encore tout dégouttant du jus des raisins qu'il avoit foulés ; l'Hiver y étoit sous la forme d'un vieillard glacé, et la tête couverte de cheveux blancs :

A dextrâ laevâque Dies, et Mensis, et Annus,
Saeculaque, et positae spatiis aequalibus Horae.
Verque novum stabat cinctum florente coronâ,
Stabat nuda Aestas et spica serta gerebat,
Stabat et Autumnus calcatis sordidus uvis
Et glacialis Hiems canos hirsuta capillos.

(METAMORPHOSES, liv. II,. fable Ire.)

De tout cela on ne voit dans l'opéra que l'Année, les Mois et les Quatre Saisons. L'allégorie consiste dans un combat entre les Saisons et les mois qui disputent sur l’utilité et l’agrément des dons qu'ils font aux hommes. Celui des Mois qui remportera le prix, doit être chargé par l’Espérance d'un dépôt précieux qui intéresse le bonheur du genre humain. Le mois de mars, représente par le dieu Mars, remporte le prix, et la déesse de l’Espérance lui confie un berceau pour qu'il le mette à l’ombre de ses lauriers. Mars trouve dans le berceau un bouclier et une épée avec cette inscription : Armes d’Achille. L'Année et les Saisons transportent le berceau dans le temple de l’Espérance.

Telle est l’allégorie sur laquelle il seroit inutile de faire des observations minutieuses ; il suffit que l’idée en soit spirituelle, agréable et riante. On n'exige pas de ces jeux de l’imagination une justesse et une exactitude géométriques ; l’auteur a su embellir de traits délicats les différentes parties de ce tableau. Il fait dire à l’Année :

            La plus heureuse des années
Dont jamais les mortels aient admiré le cours,
Chaque moment auroit mes nobles destinées.
Quelque nouveau miracle a marqué tous mes jours ;
Des temps les plus fameux je surpasse la gloire,
            Et si je goûte un doux repos,
            C'est le repos de la victoire ;
            Il est l’ouvrage d'un héros.

Pendant les danses des bergers, le Printemps chante :

            Une souveraine adorée
            M'a déjà deux fois préférée ;
            Des fleurs elle a choisi le temps
            Pour enchanter deux fois la terre ;
           Et tour-à-tour c'est au printemps
            Qu'elle devint épouse et mère.

L’Eté encourage ainsi les moissonneurs :

Sans crainte livrez-vous aux doux soins des moissons :
Au loin veille sur vous le fils de la victoire ;u
Vos champs sont protégés par de vaillans guerriers,
Et l’on moissonne en paix à l’ombre des lauriers.

L'Automne, représenté par Bacchus, vainqueur de l'Inde, baisse ses palmes devant les conquêtes d'un Héros incomparable à qui tout doit céder. Il s'écrie :

Soleil, tu n'as rien vu de plus grand que la gloire !
Soleil, ainsi que toi par ses bienfaits nombreux,
Aussi bien qu'à la terre il appartient aux cieux !

L'Hiver s'ëchauffe à son tour quand il s'agit du Héros que le monde révère :

En vain l'on croit l'Hiver étranger à la gloire !
Je puis le disputer aux trois autres Saisons,
            Et pour le fils de la Victoire
Les lauriers ont fleuri jusque sur mes glaçons.

Ainsi l'Année et les Quatre Saisons forment un concert de louanges, que la musique couvre quelquefois et dont elle ne laisse point entendre assez les paroles, au grand préjudice des spectateurs, de l'auteur, je dirois même du compositeur ; car ce n'est pas sa faute, c'est celle des chanteurs ou celle de l'orchestre quand les paroles ne sont point entendues : il lui importe qu'on les entende pour qu'on puisse juger s'il en a bien rendu le sens.

La dispute des Saisons est une source de tableaux et de scènes agréables, tels qu'en demande l'Opéra : les jeux et les danses des bergers, les travaux et les chants des moissonneurs, les divertissemens de la chasse, les orgies de Bacchus ; enfin les bals, les festins, tous les plaisirs de l’hiver, fournissent à ce ballet des spectacles variés qui forment un ensemble très amusant. La seconde représentation a été plus applaudie que la première, qui avoit laissé quelque chose à desirer dans l’exécution.

La musique de Kreutzer ne se sent point de la précipitation avec laquelle elle a été composée ; on y trouve de beaux chœurs, des airs très agréables, l'harmonie qui convient aux fêtes : c'est une composition où il y a de la chaleur. Rien cependant n'est moins propre que l'allégorie à l’expression musicale ; mais l’habile compositeur a donné à sa musique l’éclat et la magnificence convenables à la joie, l’expression que demandent des réjouissances publiques.

Parmi les chanteurs, Lays, Derivis, Nourrit, Albert Bonnet, se sont distingués : Lays. dans le rôle de berger et de moissonneur ; Derivis, dans celui de Mars ; Nourrit représentant Bacchus, Albert Bonnet l’Hiver. L'élite des cantatrices s’étoit réunie ; Mad. Branchu figuroit l'Année, Mad. Granier le Printemps, Mad. Emilie Benoît l’Eté, Mlle Armand l'Automne, Mlle Himm l'Espérance : leurs chants ont dignement répondu à leurs personnages.

Dans un ballet, les danses sont toujours une partie considérable, et il faut dire de celles-ci ce qu'on dit toujours des nouvelles productions de Gardel, qu'il semble s'y être surpassé lui-même : c'est un éloge banal auquel il nous a réduits par la fécondité de son génie, qui enfante sans cesse en ce genre des merveilles nouvelles. La chasse, sur l'air de l’ouverture du jeune Henri, est un des morceaux les plus brillans ; Mlle Clotilde représentoit Diane, mademoiselle Delille Ariane, Vestris Endymion, M. Goyon Silène ; Mlles Rivières, Masrélié, et M. Antonin, formoient la suite de Bacchus et d’Ariane ; Madame Gardel, toujours remarquable entre toutes les autres, par la perfection de tous ses mouvemens ; mademoiselle Bigottini, dont l’heureux talent se développe chaque jour avec plus d'avantage ; Albert, danseur plein de précision et d'élégance, ont brillé dans les scènes de l’Eté où ils représentoient les mois de Juin, Juillet, Août. Le pas de Momus et de la Folie, exécuté par Beaupré et Mlle Chevigny, a paru très original ; ces deux artistes qui s'accordent si bien ensemble ont réuni tous les suffrages par la vivacité, l'enjouement et la variété de leur pantomime.

GEOFFROY.                        

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1811, tome II, p. 149-150 :

Académie impériale de Musique.

Le Triomphe du Mois de Mars , ou le Berceau d'Achille, opéra-ballet joué le 27 mars.

L'Opéra devoit aussi son tribut aux heureuses circonstances que l'on fête sur tous nos théâtres. Tout ce que le chant et la danse ont de plus brillant a été employé dans cette occasion.

On a personnifié dans la pièce l'Année, les Mois et les Saisons. L'Année annonce qu'elle doit recevoir un dépôt qui sera cher à toute la terre, et qu'elle en confiera le soin à celui des Mois qui, par la richesse et l'utilité de ses productions, l'emportera sur les autres.

A la suite du Printemps paroissent Mars, Avril et Mai. Mars engage les bergers à le suivre à la gloire. L'Eté est entouré de moissonneurs ; l'Automne de chasseurs et de vendangeurs. L'Hiver amène l'Industrie et les Arts. L'Amour anime tour-à-tour chaque Saison. Chaque Mois apporte ses tributs à l'Année : Mars l'emporte sur tous les autres, puisque c'est lui qui doit voir naître le premier rejeton des Césars ; tous les Mois lui cèdent la palme. On couvre de lauriers le berceau d'Achille.

Tous les premiers sujets ont figuré dans cette pièce. Les paroles sont de M. Dupaty, la musique de M. Kreutzer, et les ballets de M. Gardel.

D’après la base Chronopéra, la pièce a été représentée 3 fois à l’Opéra, les 27, 28 et 31 mars 1811.

Ajouter un commentaire

Anti-spam
 
×