Les Trois fils

Les Trois Fils, drame en quatre actes et en vers, de Demoustier. 8 Ventôse an 5 [26 février 1797].

Théâtre de la rue Feydeau.

Titre :

Trois Fils (les)

Genre :

drame (parfois qualifiée de comédie)

Nombre d'actes :

4 actes

Vers / prose

vers

Musique :

non

Date de création :

8 ventôse an 5 (26 février 1797)

Théâtre :

Théâtre de la rue Feydeau

Auteur(s) des paroles :

Charles-Albert Demoustier

Almanach des Muses 1798.

Sujet vicieux.

On a promis une récompense pécuniaire au dénonciateur d'un assassin. Dans la vue de se procurer de quoi soulager leur mère, trois fils imaginent de dénoncer l'un d'entre eux. En soulageant ses besoins, ils accroissent son infortune.

Courrier des spectacles, n° 52 du 9 ventôse an 5 [27 février 1797], p. 3-4 :

[L’article s’ouvre sur un constat presque désespéré : il n’y a plus d’auteur de comédie, et D... (Demoustier, qu’on ne nomme pas) se fourvoie en écrivant un drame, qui n’a pas réussi. Il se poursuit avec le résumé d’une intrigue que le critique n’apprécie guère : l’histoire de trois frères qui trouvent un curieux moyen de résoudre les soucis financiers de leur mère : ils dénoncent faussement l’un d’entre eux pour un crime qu’il n’a pas commis, pour toucher une substantielle récompense. Le juge finit par découvrir la vérité et... adopte les trois bons fils. Que dire d’une telle pièce ? Qu’elle est bien écrite, belles pensées et beaux vers, mais que son sujet est « révoltant ». Et même s’il repose sur un « fait historique », il faut redire avec Boileau que « le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable ». Son exposition est par ailleurs trop lente, « l’intérêt y est empêché par l’invraisemblance », trop de tirades retardent l’action, et « le dénouement n’a point produit un grand effet » : cela fait beaucoup de défauts ! De l’interprétation, le critique ne veut retenir que la prestation d’un acteur au premier acte.

Colin cité au début de l'article, c'est Collin d'Harleville, et il faut rassurer le critique : Collin reviendra à la comédie.]

Théâtre Feydeau.

N’avons-nous donc plus d’auteur comique ? M. Colin, l’espoir de Thalie a, dit-on, tout-à-fait renoncé à cette laborieuse carrière. M. D. . . . qui s’y étoit si bien présenté à diverses reprises, et qui s’y est si fort avancé dans le Conciliateur. M. D. . . . s’arrête, et pour se livrer à quoi ? A un drame. Heureusement ce drame n’a point réussi. Nous disons heureusement, parce que son succès n’étoit pas nécessaire à la gloire de M. D. . . ., et qu’il eût nui à l’art, à la comédie à laquelle il faut espérer que cet auteur estimable va revenir. Nous lui rendons avec plaisir l’hommage que nous croyons lui devoir pour ses anciens ouvrages ; mais nous n’en épargnerons pas moins celui-ci.

Clémence, veuve Florville, est réduite à la misère avec ses trois enfans, Benjamin, Félix et Jules, et travaille pour subvenir à leur subsistance. Elle est d’autant plus malheureuse qu’elle a autrefois joui de la fortune.

Et le bonheur passé double les maux présens.

Ces trois enfans se plaignent en l’absence de leur mère de ne pouvoir trouver de moyens de la secourir, lorsque Benjamin, l’aîné d’entre eux, âgé de vingt ans, propose à ses frères de le dénoncer devant le juge comme coupable d’un assassinat commis la veille sur un jeune homme, dont le père a promis cinq cents louis à celui qui feroit connoître le meurtrier. Félix et Jules hésitent quelque temps ; mais le désir de tirer leur mère de la misère où elle se trouve, les détermine à accuser injustement leur frère. Ils paroissent devant le juge, et consomment la dénonciation. Leur embarras donne quelques soupçons au juge ; mais l’accusé avouant tout, il le fait emmener par la garde, ne donne aux accusateurs que la moitié de la somme promise, en leur disant qu’ils auront le reste après le jugement qui aura lieu le lendemain. Après leur avoir fait signer la dénonciation, il les fait suivre pour tâcher de découvrir qui ils sont. Ceux-ci rentrés chez leur mère, mettent l’argent dans le tiroir d’une table. Clémence arrive, elle embrasse ses deux enfans et leur demande le troisième. Il n’est pas encore rentré ; elle s’inquiète de son absence. Ariste, c’est le nom du juge, vient la voir, lui parle de l’assassinat qui a été commis ; elle tremble que son fils n’ait eu le même sort. Elle trouve l’argent, croit que ses enfans l’ont volé. Ils refusent de dire d’où il vient. Elle va chez le juge auquel elle ne peut parvenir à parler.

L’accusé et les accusateurs reviennent chez le juge ; il veut avoir le serment de ces derniers qui le refusent. Il découvre par-là la vérité. Clémence arrive, et au lieu de trouver ses enfans coupables, elle apprend du juge ce qu’ils ont voulu faire pour elle. Ce dernier finit par les adopter.

Cette pièce est remplie de belles pensées rendues en vers très-agréables, même nous osons dire souvent trop agréables. Le sujet est d’ailleurs révoltant. On ne peut voir de sang-froid des frères accuser faussement leur frère, et signer leur dénonciation, quelque [sic] soit le motif qui les anime. La vraisemblance est doublement choquée par l’âge des accusateurs et par leur parenté avec l’accusé ; et si l’on prétend justifier l’auteur en disant c’est un fait historique, on répondra :

Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable.

L’exposition de cet ouvrage est on ne peut plus lente, l’intérêt y est empêché par l’invraisemblance ; l’action est retardée par des tirades qui nous ont paru déplacées quoiqu’applaudies, et le dénouement n’a point produit un grand effet. Le succès de la pièce dépendoit du premier acte, qui n’auroit pas été soutenable sans le jeu de M. Armand, auquel on s’est empressé de rendre justice.                     L. P.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1797, volume 3 (mai-juin 1797), p. 273-275 :

[Compte rendu en bon ordre d’une pièce qui a échoué : après l’indication de la source du sujet, le résumé de l'intrigue. Puis l’analyse de ce qui justifie l’échec, acte par acte : un premier acte sans action, un second réduit à la scène du tribunal, le troisième montrant la visite du juge et l’angoisse de la mère, puis le dénouement au quatrième acte. Enfin, l’explication de cet échec, placée par le critique dans la question morale : «  un fils aimant mieux faire mourir sa mère de honte & de douleur que de laisser prolonger sa misère » (quelle erreur sur ce qui est son devoir !), et qui rejaillit sur le style de la pièce : « quelques jolis vers, mais absolument déplacés dans ce sujet, & qui ne tiennent en rien au style de la comédie ni du drame ».]

Les trois Fils, drame.

Le sujet de cet ouvrage est tiré de Sêlico, nouvelle de Florian.

Une veuve ruinée par les opérations de commerce de son mari, reste dans la misère, avec trois enfans, dont le plus âgé semble avoir dix-huit ans, & le plus jeune quinze. Cette mère tendre succombe sous le travail pénible qu'il lui faut faire pour nourrir ces infortunés. L'aîné, apprenant que l'on accorde une récompense de 500 louis à celui qui découvrira l'auteur d'un assassinat récent, s'imagine de supposer qu'il a commis ce crime, & engage ses deux frères à le dénoncer au juge pour obtenir la récompense promise & l'offrir à leur mère. Les frères y consentent après quelque résistance. Ils conduisent leur aîné devant le juge, en prenant des noms supposés. Celui-ci ne donne que la moitié de la somme, parce qu'il apperçoit un embarras dans la contenance des témoins. Le juge se trouve être ensuite, par hasard, un ami de la mère des jeunes gens ; il force les enfans de son amie, en pleine audience, à avouer que l'aîné n'est point coupable, & découvre ainsi le but louable de son dévouement. La mère arrive, elle apprend tout, & le juge, riche & garçon, adopte les enfans ; ce qui met fin à la pièce.

Ce drame n'a produit aucun effet. Le premier acte se passe en expositions, en détails de la tendresse des enfans pour la mère, & est terminé par le projet de dévouement de l'aîné. Le deuxième n'a d'autre intérêt que la dénonciation au tribunal du juge. Le troisième se remplit par la visite du juge chez la mère, qu'il ne croit pas être celle du coupable (ou du moins de celui qu'il croit tel.) Cet acte finit par les angoisses de la mère, qui ne voit point revenir son fils aîné. On a vu ce qui fonde & termine le quatrième acte.

Il paroît que l'auteur (qu'on dit être M. Demoustier) a oublié qu'il n'intéresseroit pas en montrant un fils aimant mieux faire mourir sa mère de honte & de douleur que de laisser prolonger sa misère. On a remarqué quelques jolis vers, mais absolument déplacés dans ce sujet, & qui ne tiennent en rien au style de la comédie ni du drame.

C’est à l’occasion de cette pièce que Demoustier a été la victime d’un jeune spectateur qui lui emprunte une clef forée pour siffler sa pièce en train de connaître les affres de la chute, anecdote racontée dans la Clef forée de Jacquelin.

D’après la base César, la pièce (dont l’auteur est donné comme inconnu), a été jouée trois fois, les 26 et 28 février et le 6 mars 1797.

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