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Les Trois fous, ou la Jeune veuve

Les Trois fous, ou la Jeune veuve, comédie vaudeville en un acte, d’Armand Dartois, 29 octobre 1810.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Trois fous (les), ou la Jeune veuve

Genre :

comédie-vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose, couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

29 octobre 1810

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Armand Dartois

Almanach des Muses 1811.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Martinet, 1810 : :

Les trois Fous, ou la jeune veuve, comédie-vaudeville en un acte, Par M. Armand Dartois ; Représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du Vaudeville, le 29 octobre 1810.

Journal de Paris n° 303 du 30 octobre 1810, p. 2141 :

La pièce jouée hier au théâtre du Vaudeville, sous le titre des trois Fous, a obtenu du succès. L’ouvrage est très-foiblement conçu ; mais il y a de l’esprit dans les détails. L’auteur a été demandé, Henry est venu nommer M. Dartois.

Journal de l’Empire, 1er novembre 1810, p. 3-4 :

[Le titre de la pièce ne paraît pas convenir : s’il y a un fou dans la pièce, c’est la « jeune veuve », les trois jeunes gens étant au contraire fort raisonnables qui ne font qu’une folie, « écrire à une jeune veuve ». C’est donc cette femme qui est la folle, qui viole les bienséances et se « jette à la tête des jeunes gens ». L’intrigue par d’une romance entendue, et que la jeune femme croit chantée pour elle par son jeune voisin. Elle lui écrit, et cette lettre jette les trois jeunes gens dans le trouble : chacun écrit une lettre à la jeune veuve, qui ne lit que celle de son voisin, tandis que sa femme de chambre se déguise pour tromper l’un des jeunes gens qu'elle trouve plein de fatuité. Le dénouement n’est pas explicitement raconté, mais c’est de sa surprise que le critique nous fait part (à nous de déduire ce qui se passe) : cette jeune veuve est bien légère de recevoir ces jeunes gens dans sa chambre, ce qui est en effet très choquant, mais on apprend que ce mariage entre la jeune veuve et son charmant voisin était en fait prévu tant par l’oncle de l’une et le père de l’autre (comme s’il n’y avait jamais eu d’intrigue...). Conclusion du critique : « il ne faut pas examiner de près le fond de cette bagatelle » qui ne vaut par sa forme, « vive, légère, étourdie », et par ses interprètes, couverts d’éloges. L’auteur, en qui le critique voit un peu comme « le quatrième fou, mais un fou très-aimable, plein d’esprit et d’enjouement », a été nommé sous quelques sifflets peu audibles (mais présents quand même).]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Première représentation des Trois Fous.

Je n'ai point vu trois fous dans la pièce, je n'y ai vu qu'une folle. Les trois jeunes gens que l’auteur nous donne pour des fous, me paroissent assez sages : l’un est un poète qui n’abuse pas de la permission et des privilèges de la poési ;, il aime sérieusement une jeune veuve un peu folle : c'est là sa plus grande folie. L'autre est un comédien bourgeois très-fat, qui emploie l’'impertinence pour séduire les femmes : il n'est pas si fou de mettre en œuvre un moyen qui lui a toujours réussi. Le troisième est un musicien passablement gueux, qui veut épouser une femme riche : n'est-ce pas là une haute sagesse ? Du reste, ils ne font point d'autre folie dans la pièce que celle d'écrire à une jeune veuve pour faire connoissance avec elle.

Cette jeune veuve est la véritable folle de la pièce, si dans une femme c'est toujours une folie de violer les bienséances et de se jeter à la tête des jeunes gens. Madame de Melville (c'est son nom) est amoureuse d'un jeune homme nomme Victor, qu’elle a vu par hasard et qu'elle connoît à peine. Le jeune homme a loué à la campagne une maison près de celle de la veuve ; il y amène deux de ses amis, Melval et Charles. La veuve, en se promenant dans son jardin, entend chanter dans cette maison une romance fort tendre : elle s'imagine que c'est Victor qui chante, que la romance est pour elle, et croit devoir y répondre par un billet qu'elle jette dans la maison. Les trois jeunes gens, étonnés de cette manière de correspondre, lisent avidement le billet : la dame y déclare qu'elle aime celui qui fait de si jolis vers et qui les chante si bien. Victor est l’auteur des vers  Melva1, le chanteur : la déclaration ne peut regarder que ces deux-là ;cependant le troisième prétend avoir des droits comme ayant fait la musique : ils conviennent d'écrire chacun une lettre à la dame et de s’en rapporter à sa décision.

Cependant madame de Melville ne tarde pas à s'apercevoir qu'il y a plusieurs hommes avec Victor : elle est inquiète du sort de son billet ; sa femme de chambre offre de lui en apporter des nouvelles. Elle va trouver les trois jeunes gens déguisée en petit commissionaire normand : elle s'instruit de tout ce qui se passe, prend des renseignemens sur Victor et revient chargée des lettres des trois fous. La dame ne lit que celle de Victor ; la femme de chambre lit les deux autres : elle est si choquée de la fatuité de celle de Melval, quelle [sic] se déguise en comtesse, et s'amuse à le mystifier en lui faisant accroire qu'elle meurt d'amour pour lui, et qu’elle a soixante mille livres de rente.

On est un peu surpris de voir dans la chambre de la veuve ces trois jeunes gens, et on ne l'est pas moins d'apprendre que la veuve est une femme qui a vingt-cinq mille livres de rente, que son oncle avoit déjà destinée à épouser Victor, et que le père de Victor avoit déjà proposée à son fils. Il ne faut pas examiner de près le fond de cette bagatelle ; mais la forme en est vive, légère, étourdie : l’auteur pourroit passer pour le quatrième fou, mais pour un fou très-aimable, plein d'esprit et d'enjouement : ce qui vaut presque toujours mieux au Vaudeville que la raison. Mlle Rivière est charmante dans son rôle de jeune veuve, et Mlle Minette très-comique dans ses déguisemens. Les trois fous sont Armand, Guénée et Henry. La pièce est jouée chaudement. L’atuteur a été demandé et nommé, nonobstant deux ou trois sifflets qu'on entendoit à peine : c’est M. Dartois.

Geoffroy.          

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, année 1810, tome VI, p. 137-138 :

[Un compte rendu presque positif... Bien jouée, avec une actrice justement applaudie dans le rôle de la suivante qui se déguise, mais une intrigue pauvrement imaginée et une poésie un peu négligée.]

Théâtre du Vaudeville.

Les trois Fous, ou la jeune Veuve, vaudeville en un acte , joué le 29 octobre.

Un poète, .un musicien et un comédien de société sont les trois fous. Après quelques folies faites à Paris, ils viennent occuper une maison de campagne, voisine de celle d'une jeune veuve, madame de Melville. Cette dame, qu'un oncle veut marier, refuse l’époux qu'on lui propose, parce qu'elle ignore que c'est le poète qu'elle aime. Elle fait jeter un billet doux dans le jardin des trois fous. Chacun d'eux croyant que ce billet lui est adressé y répond. Lisette, suivante de la veuve, se déguise en niais pour connoître ses voisins, puis en femme du grand ton, pour s'amuser aux dépens du comédien fat.

Madame de-Melville reconnoît que celui qu'elle aime est précisément le mari que son oncle lui proposoit. Rien n'arrête plus leur mariage.

La pièce a été jouée avec ensemble ; Mademoiselle Minette a fait valoir ses trois rôles, et a mérité les applaudissemens.

L'auteur est M. Dartois. On peut lui reprocher d'avoir fait peu d'efforts d'imagination : mais surtout d'avoir un peu négligé sa poésie, dont les rimes ne sont rien moins que riches.

L'Esprit des journaux français et étrangers, 1810, tome XII, décembre 1810, p. 294-296 :

[Un compte rendu beaucoup plus sévère... Dès le résumé de l’intrigue, le critique note que le dénouement est prévisible dès les deux premières scènes, et il reproche à l’auteur de n’avoir guère mis d’obstacles sur la route de ces jeunes gens à la conquête d’une jeune veuve. De plus, il considère comme un simple allongement de la pièce « une autre petite intrigue » qui consiste en une mystification » et ridiculise le rebondissement final : « cela procure au public le plaisir de s'entendre raconter ce qu'il a déjà vu ». Il ne reste plus, dans le dernier paragraphe, qu’à énumérer les griefs contre la pièce : « L'intrigue est sans vraisemblance, les caractères sans vérité et les scènes incohérentes ». Manque aussi d’originalité dans l’intrigue (le critique accumule les références) comme dans les couplets « plaisanteries usées »). Paradoxalement cette pièce très faible a été jusqu’à sa fin, avec aussi peu d’applaudissements que de sifflets, et l’auteur a pu être nommé.]

Les Trois Fous , ou la Jeune Veuve, vaudeville en un acte , de M. Arm. Dartois.

Un mur mitoyen sépare les jardins de deux maisons de campagne. Dans l'une habite Mme. de Melville ; jeune veuve d'un vieux mari ; dans l'autre viennent s'établir trois jeunes gens, Victor, Melval et Charles, l'un poëte, le second comédien futur et le troisième musicien. Mme. de Melville a un oncle, nomné Dorimon, qui voudrait la remarier ; mais elle craint que l'époux qu'il lui destine ne soit encore un vieillard ; et ce qui l'éloigne encore de cet hymen, c'est qu'elle a conçu de l'amour pour un jeune homme nommé Victor. De son côté, Victor a reçu la proposition d'épouser une jeune veuve, nièce de M. Dorimon, et affligée de vingt-cinq mille livres de rente, mais il la croit laide, et est d'autant moins disposé à consentir à ce mariage, qu'il a vu à Paris Mme. de Melville et en est devenu amoureux. On apprend tout cela dès les deux premières scènes, et par conséquent le dénouement est déjà prévu. Il suffira, pour l'opérer, de mettre Victor et Mme. de Melville en présence, et cela ne sera pas difficile, puisqu'ils ne sont séparés que par le mur mitoyen. L'auteur aurait pu cependant faire naître des obstacles, soit par l'intervention de l'oncle de la veuve, soit par celle des créanciers des jeunes gens qui en ont beaucoup ; mais il ne s'en est pas donné la peine, espérant sans doute que la singularité des détails qu'il voulait répandre dans sa pièce, couvrirait le manque d'intérêt. En effet, ses Trois Fous ne sont pas plus tôt en scène, qu'ils tirent au sort à qui épousera les 25,000 livres de rente de la veuve destinée à Victor. Ensuite, pour se désennuyer, Melval chante une romance dont les paroles sont de Victor et la musique de Charles. Mme. de Melville l'entend, et aussitôt, en femme prudente, elle leur jette un billet doux par-dessus le mur. Chacun prétend que c'est à lui qu'il s'adresse. Leurs voix s'élèvent dans la contestation, et Mme. de Melville, s'appercevant alors que le chanteur a deux camarades, dépêche sa soubrette, déguisée en petit paysan, pour leur demander une réponse et s'informer si l'un des trois n'est pas son amant. La soubrette s'acquitte sans peine de la commission, car les trois amis, qui n'ont pas les mêmes raisons de garder l'incognito que ceux d'Amour et Mystère, lui disent leurs noms sans se faire prier. Chacun lui remet aussi une lettre pour sa maîtresse ; et dès que Mme. de Melville les a lues, elle envoie chercher Victor. Voilà donc les amans réunis, et l'on croit que la pièce est finie ; mais une autre petite intrigue se noue ici pour la prolonger. Le chanteur Melval est un fat qui se croit adoré de toutes les femmes. Pendant que Victor et Mme. de Melville s'éloignent pour s'entretenir plus librement de leurs amours, la soubrette se charge de le mystifier : elle prend les habits de sa maîtresse, et reçoit Melval sous le nom d'une femme de qualité. Le chanteur est dupe de la ruse ; il croit sa fortune faite , et se jette aux pieds de la généreuse comtesse. Alors tous les autres personnages paraissent et lui apprennent la vérité. C'était au moins là le moment de laisser tomber la toile; mais le musicien Charles se rappelle que c'est lui que le sort a condamné à épouser la nièce de Dorimon ; il en dit un mot. Mme. de Melville s'en étonne, cela procure au public le plaisir de s'entendre raconter ce qu'il a déjà vu. Ce récit, au reste, est le dernier prétexte qui restât à l'auteur pour reculer son dénouement. Il faut bien enfin que Mme. de Melville avoue que M. Dorimon est son oncle, et la pièce finit comme on l'a deviné.

Il y a longtemps qu'on n'avait donné au Vaudeville un ouvrage aussi faible. L'intrigue est sans vraisemblance, les caractères sans vérité et les scènes incohérentes. On a pu s'appercevoir aussi que l'auteur n'a pas fait de grands frais d'imagination, qu'il a emprunté et employé assez mal-adroitement plusieurs idées de Maison à Vendre et d'Amour et Mystère, et que la mystification de Melval est prise d'Attendez-moi sous l'Orme. Il n'y a guères plus d'originalité dans ses couplets, qui roulent sur des plaisanteries usées, ou tellement exagérées que le public en a murmuré. Avec tous ces défauts, la pièce est cependant allée jusqu'à la fin d'une manière assez douce ; on n'a presque point applaudi, mais aussi on a peu sifflé ; on a même laissé nommer l'auteur très-paisiblement ; et, tout bien compensé, nous consentirons volontiers qu'il prenne ce résultat pour un succès, pourvu qu'il nous permette à son tour de le considérer comme une chûte.

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