Les Tuteurs vengés

Les Tuteurs vengés, comédie en 3 actes, en vers, d’Alexandre Duval. 16 frimaire an 8 [7 décembre 1799].

Théâtre français de la République

Titre :

Tuteurs vengés (les)

Genre :

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

vers

Musique :

non

Date de création :

16 frimaire an 8 [7 décembre 1799]

Théâtre :

Théâtre français de la République

Auteur(s) des paroles :

Alexandre Duval

Almanach des Muses 1801

Dans le vieux et le nouveau répertoire de nos comédies, les Tuteurs étaient toujours dupes des amans et des valets ; dans celle-ci, un Tuteur que l'on veut tromper, est heureusement prévenu des tours qu'on lui prépare, et s'amuse aux dépens de ceux qui croyaient s'amuser aux siens.

Des scènes très-comiques. Du succès.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Vente, nivôse an viii :

LesTuteurs vengés, comédie en trois actes et en vers, Représentée pour la première fois, sur le Théâtre français de la République, le 16 Frimaire an VIII, Par Alexandre Duval.

Courrier des spectacles, n° 1009 du 17 frimaire an 8 [8 décembre 1799], p. 2 :

[La tradition est de montrer des tuteurs trompés par leur valet, et les comédies montrent toujours les mêmes personnages que le critique énumère. Or la pièce d’aujourd’hui choisit au contraire de venger les tuteurs dans une pièce en trois actes. Le critique se pose la question de savoir s’il a raison. Il avance que ce qui est drôle, c’est la peinture des ridicules, comme le traditionnel tuteur amoureux de sa pupille (ou de sa dot) : pourvu que la décence soit respectée, il est permis de se moquer de ces tuteurs oublieux de leur devoir. La comédie nouvelle montre un tuteur sensé, prêt à faire le bonheur de sa pupille en la mariant avec un jeune homme qui, pour sa part a l’idée de paraître sous un faux nom, sans se faire connaître. Sa bien aimée est déçue d’apprendre l’arrivée de cet importun à qui on veut la marier. Le tuteur fait semblant d’entrer dans son jeu, mais le dénouement rétablit l’ordre des choses : les deux jeunes gens sont unis. La pièce a réussi, mais le critique pense qu’elle pouvait être restreinte à un seul acte, au lieu de trois. Seul l’acte 3 est à la fois plein et agréable par son comique de situation. L’interprétation est bien jugée. Par contre le critique s’en prend à l’habitude qu’il juge récente de faire dire aux acteurs des compliments destinés à leurs collègues (on peut y voir une confusion entre acteur et personnage : le critique y voit une destruction de l’illusion).]

Théâtre Français de la République.

Depuis long-tems on est habitué à voir au -théâtre les Tuteurs dupes des ruses des valets, qui aident plus ou moins habilement leurs maîtres à épouser les Pupilles ; de sorte que c’est presque une règle dans la comédie d’y mettre un Tuteur inepte, un Valet adrroit, un jeune homme bien amoureux, une jeune fille bien tendre, une Soubrette bien complaisante. Le citoyen Duval, indigné sans doute que la vieillesse, pour laquelle il a raison de recommander le respect,soit toujours victime de sa bonhommie, a voulu venger une bonne fois les Tuteurs, et il l’a fait avec succès, hier, dans une comédie en trois actes, les Tuteurs Vengés.

Avant de donner l’analyse de cet ouvrage, nous pourrions peut-être examiner si le citoyen Duval a raison de s’offenser de l’usage établi par nos grands maîtres. Nous pensons qu’il se trompe, et que la comédie devant peindre les ridicules, elle n’en peut offrir un plus comique que celui que présente un vieux Tuteur amoureux de sa Pupille, ou plus souvent de sa dot ; que cette supposition admise, il est permis, sans choquer la décence, de tromper ces originaux qui tout en tenant la place d’un père auprès de leurs pupilles, en remplissent si mal les devoirs. Il suffit alors, par respect pour la décence, que les ruses soient inventées et exécutées par des valets et que les jeunes amans ne fassent, en quelque sorte, que céder à la nécessité.

Sophie a pour tuteur Bonnard, homme sensé, qui ne veut que son bonheur, et à qui, par cette raison, elle devroit confier son amour pour Berval. Ce jeune homme voulant s’introduire auprès de sa maîtresse, forme le projet, sans l’en informer, de se faire passer, lui pour Blainville, et son valet Dubois pour Derrnont, tous deux attendus d’Amérique par Bonnard, et dont le premier prétend à la main de Sophie. Il a fallu mettre dans leur confidence Suzette, suivante de Sophie, et Charles, autre domestique de la maison. Ce dernier confident pourroit paroître inutile dans la pièce, mais il ne l’est cependant pas, car sans lui, qui prévient Bonnard de tout ce brave tuteur,qui est l’hommebon de la pièce, n’en seroit peut-être que le bonhomme (*). Quoiqu’il en soit, on prévient Sophie de l’arrivée de Blainville. Le chagrin qu’elle en a lui fait desirer de rester dans son appartement. Bonnard profite de cette disposition et reçoit les deux prétendus voyageurs. Il fait accroire au faux Blainville que c’est sa sœur, dont il a promis la main et qui a reçu de lui des lettres d’amour. Le jeune homme, dans la crainte de se trahir, feint d’accepter volontiers la main de Mlle. Bonnard, malgré son âge. Le tuteur jouit de l’embarras des deux fourbes, et dans des scènes fort plaisantes qui composent le troisième acte, les joue avec adresse jusqu’à l’arrivée de. sa sœur, qui vient avec son contrai de mariage. Berval, ne pouvant alléguer aucune raison pour ne le pas signer, est obligé d’avouer sa ruse : Bonnard se montre d’abord sévère ; mais satisfait de lui avoir donné une leçon, il renvoie Suzette et Dubois et unit les deux jeunes gens.

Cette petite comédie a été bien accueillie. Nous croyons qu’en en supposant le sujet théâtral, on eût pu en faire un acte plein et très-joli : mais les deux premiers nous ont paru tout-à-fait vuides ; le troisième seul renferme des scènes très-agréables et dignes de leur auteur qui a souvent fait preuve de son talent pour le comique de situation. Cette pièce est très-bien jouée par les citoyens Dazincourt, Larochelle , Michot, Armand, les citoyennes Devienne, Suin et Mars. C’est le citoyen Michot qui est chargé du rôle du tuteur. Il y met beaucoup de rondeur, de vérité et de finesse ; c’est, à notre avis, un des rôles qui lui conviennent le mieux.

Nous ne finirons pas cet article sans nous élever contre la manie qui paroit s’introduire depuis peu au théâtre, de mettre dans la bouche de chaque acteur des complimens pour l’un de ses camarades. Ce ridicule nous a sur-tout frappés trois ou quatre fois dans la pièce d’hier ; et lorsque le public entend dire à Suzette qu’elle est une soubrette admirable, à Dubois qu’il est un valet habile, et à Charles qu’il n’est pas un sot, il est fort naturel qu’il ne voye plus que la citoyenne Devienne, les citoyens Dazincourt et Larochelle, et l’application qu’il leur fait détruit l’illusion.

Le Pan.          

(*) Nous avons remarqué avec étonnement que le cit. Duval s'attache dans cet ouvrage à rendre synonimes ces deux expressions si différentes.

La Décade philosophique, littéraire et politique, an VIII de la République, IIe trimestre, n° 11 (20 nivôse), p. 121, signale la publication de la pièce et en cite une phrase clé qui explique le sens que l’auteur a voulu donner à sa pièce :

Les Tuteurs vengés, comédie en trois actes et en vers, représentée pour la première lois sur le théâtre français de lu République, le 16 frimaire an 8 ; par Alexandre Duval.

« J'ai vengé les vieillards outragés trop long-tems. »

(Les Tuteurs vengés, scène dernière.)

A Paris, chez Vente, libraire, boulevard des Italiens: prix, 1 fr. 25 cent.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, cinquième année (an VIII – 1799), tome quatrième, p. 543-544 :

Théâtre Français de la République.

Les Tuteurs vengés.

La pièce donnée sous ce titre, le 16 frimaire an VIII, a pour but de venger les tuteurs de la manière bizarre ou ridicule dont on les met toujours en scène. En effet, on les représente toujours vieux, avares, jaloux, ridiculement amoureux. Le C. Duval, dans sa nouvelle pièce, a fait de son tuteur un galant homme, réunissant à l'autorité d'un père, dont il est revêtu, la tendresse et la prudence qu'exigent ses fonctions ; Bonnard est tuteur de Sophie. Celle ci aime Berval et en est aimée ; au lieu de se confier au tuteur, ils s'écrivent secrètement. Bonnard qui n'est point instruit de leur tendresse, se propose de marier Sophie à Blinville, jeune homme qu'on attend d'Amérique avec son ami Dermont. Berval, pour s'introduire dans la maison, prend le nom de Blinville ; et Dubois, son valet, celui de Dermont : ils ont mis dans la confidence la femme de-chambre de Sophie, et le valet de Bonnard qui a tout révélé à son maître. Bonnard reçoit très-bien les deux étrangers, et propose de les présenter à la future. Alors on amène M.lle Bonnard, sœur du tuteur , le contrat de mariage est apporté, mais le jeune étourdi refuse de signer, se découvre et implore son pardon. Bonnard fait aux jeunes gens une sévère leçon, mais finit par consentir à leur union.

Cette pièce a été parfaitement jouée par les CC. Michot, Dazincourt, La Rochelle, Armand, et par les C.es Suin, Devienne et Mars.

Le C. Michot surtout a mis dans le rôle du tuteur toute l'expression qu'on pouvoit desirer. Le C. Dazincourt, dans le rôle du valet déguisé, a joué avec une gaîté qui lui a mérité les plus vifs applaudissemens. Le récit de son naufrage, où il entend le ramage du rossignol se mêler au bruit des flots, est on ne peut pas plus piquant.

Le Mercure de France, journal littéraire et politique, tome quarante-unième (1810), n° CCCCLIV (samedi 31 Mars 1810), p. 312, signale une reprise de la pièce au théâtre de l’Impératrice, reprise couronnée de succès ; il lui donne comme titre le Malin Bonhomme, ou les Tuteurs vengés.

La base César me paraît ignorer cette pièce.

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