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Tankmar de Saxe

Tankmar de Saxe, mélodrame en trois actes, à grand spectacle, de Duperche, musique de Quaisain, ballets de Richard, 23 germinal an 13 [16 avril 1805].

Théâtre de l’Ambigu-Comique.

La date du 16 avril 1805 est celle que donne Charles Beaumont Wicks, The Parisian stage: alphabetical indexes of plays and authors, tome I, p. 71. C'est aussi la date que propose le Courrier des spectacles.

Titre :

Tankmar de Saxe

Genre

mélodrame à grand spectacle

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en prose

Musique :

oui

Date de création :

23 germinal an 13 (16 avril 1805)

Théâtre :

Théâtre de l’Ambigu-Comique

Auteur(s) des paroles :

Duperche

Compositeur(s) :

Quaisain

Chorégraphe(s) :

Richard

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Fages, 1805 :

Tankmar de Saxe, mélodrame en trois actes, à grand spectacle, Orné de danses, Combats, Pantomimes, etc. Par J. J. M. Duperche ; musique de M. Quaisain ; ballets de M. Richard, Pensionnaire de l’Académie Impériale de Musique ; Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l’Ambigu-Comique, en Germinal an 13 (avril 1805).

Courrier des spectacles, n° 2984 du 27 germinal an 13 [17 avril 1805], p. 3 :

[Juste un bref article pour dire que la pièce a reçu un accueil mitigé, et que le critique reviendra sur le sujet.]

Théâtre de l’Ambigu-Comique.

Tankmare de Saxe.

L’auteur de ce nouveau mélodrame n’a point encore acquis la réputation de Messieurs Guilbert-Pixérécourt et Caigniez, et cette production n’annonce point sans doute un rival bien redoutable ; elle est, sous beaucoup de rapports, foible et sans couleur aussi son succès n’a-t-il pas été bien décidé. Les orages se sont souvent élevés au milieu de la représentation , mais ils ont été de peu de durée, et le calme s’est facilement rétabli.

L’auteur de cet ouvrage, dont nous parlerons avec plus d’étendue, est Monsieur Duperche.

Courrier des spectacles, n° 2985 du 28 germinal an 13 [18 avril 1805], p. 2-3 :

[L’article promis la veille a bien « plus d’étendue », et il s’ouvre par l’observation de ce qui se passe avant la représentation. Le critique agite la grave question de savoir s’il s’agit dun sujet historique ou d’une fiction. Les premières scènes lui rappellent Zéangir et Mustapha, une tragédie bien oubliée de Chamfort, créée en 1777 et qui a eu 15 représentations au Théâtre Français, à moins qu’il ne s’agisse de la pièce homonyme de François Belin, créée en 1705 et qui a connu 21 représentations (la base La Grange donne pour les deux le titre de Mustapha et Zéangir). Il voit dans les deux pièces la même intrigue : « un fils persécuté par sa belle-mère, et secouru par son frère du second lit », mais la comparaison s’arrête là : le « mélodrame offre une pompe de spectacle, des tournois, des emprisonnemens, des ballets, ressources que n’a point la tragédie », ce qui lui promet un succès inconnu de la tragédie, même si ce succès est parfois mêlé d’un peu d’amertume. Il s’agit maintenant de résumer l’intrigue, ce qui n’est pas une mince affaire, tant les rebondissements et les coups de théâtre sont la règle de ce mélodrame comme de tous les autres (emprisonnement du héros, libération, retour en prison ; conjuration contre le duc, que sa femme veut faire enlever ; fausses accusations ; combat entre chevaliers masqués, pour savoir si Tankmar est un traître, ou si c’est Mathilde, la femme du duc, qui veut la perte de son mari, l’un étant Tankmar qui se bat pour sauver son père, et l’autre une jeune femme qui le protège (on se perd un peu dans les motivations de ces combattants). Finalement, le duc reconnaît l’innocence de Tankmar, son fils, et exile Mathilde son épouse. Que dire d’une telle pièce ? Que le premier acte est « bien conçu, bien conduit, et plein d’effets dramatiques », mais qu’il contient des longueurs  que les deux autres actes ne le valent pas  qu’il y a des invraisemblances, mais c’est la règle dans les mélodrames, et il n’y a pas à s’en étonner ; qu’il y a des ballets « assez bien exécutés », et ce n’est pourtant pas la spécialité de ce théâtre.]

Théâtre de l’Ambigu-Comique.

Tankmar de Saxe.

En lisant l’affiche, et avant le lever du rideau, plusieurs s’entretenoient du nouveau mélodrame ; l’un citoit les acteurs, les actrices, les danseurs qui dévoient y figurer ; un autre se promettoit de voir de belles décorations, un autre des combats , un autre des situations pathétiques et du fracas, personne ne demandoit ce que c’étoit que le héros de la pièce. Je m’avisai de faire cette question : Connoissez-vous Tankrmar ? savez vous si ce personnage appartient à l’Histoire ou aux romans ? Non, Monsieur, répond un voisin ; ni moi, ni moi, disent alternativement beaucoup d’autres, et tout en me consolant d’une ignorance que je partageois avec tant d’autres, j’attendis que l’on commençât. Après quelques scènes d’exposition, scènes longues et assez mal accueillies, je crus démêler quelque ressemblance entre Tankmar de Saxe et la tragédie de Zéangir et Mustapha ; en effet, c’est dans la pièce nouvelle comme dans l’ancienne, un fils persécuté par sa belle-mère, et secouru par son frère du second lit ; mais quelle comparaison entre les deux ouvrages ?

Ce mélodrame offre une pompe de spectacle, des tournois, des emprisonnemens, des ballets, ressources que n’a point la tragédie ; d’ailleurs, Mustapha et Zéangir sont peu connus aux Boulevards, et paroissent oubliés, et Tankmar va peut-être avoir cinquante représentations. Quel avantage sur ses rivaux ! Son premier début lui a cependant appris avant-hier qu’il n’y a point de plaisir sans amertume, et s’il a réussi, ce n’est pas sans avoir eu à essuyer quelques sifflets qui se mêloient au concert d’applaudissemens de ses amis.

Henri, duc de Saxe, marié en secondes noces avec Mathilde, fait venir son fils à sa cour, et fait reconnoître pour son héritier le jeune Othon, fils de celte princesse. Quelques instans avant la cérémonie, un écuyer s’étoit introduit dans le palais, dans l’intention de parler au Duc. Comme les gardes s’y opposoient, il avoit déclaré son nom. C’étoit Tankmar, fils du Duc, abandonné dès son enfance avec sa mère. Mathilde qui craint que la vue de ce fils ne diminue l’affection de son époux pour elle et pour Othon, l’empêche de pénétrer jusqu’au Duc et le fait conduire en prison. Tankmar avoit été accueilli par Alix, fille du meûnier Weldorf, jeune personne d’un courage au-dessus de son sexe. Elle veille sur lui, et au moment où Othon, fait Chevalier et associé au trône de Saxe, offre sa protection à tous ses vassaux, elle embrasse les genoux du Prince, et demande la grâce de Tankmar. A ce nom Henri se sent ému, il fait biser les fers de son fils, et peut-être va faire pour lui plus encore, lorsqu’on lui annonce que Mathilde est en proie à la douleur et au désespoir ; il court la consoler après avoir déclaré à Tankmar qu’il ne peut, pour éviter de faire le malheur d’une épouse adorée, le garder plus longtems auprès de lui, quelque désir qu’il en ait. Mais cette femme abuse cruellement du pouvoir que le foible Duc lui a laissé prendre. Elle n’en continue qu’avec plus d’ardeur à exécuter le projet qu’elle a médité avec deux de ses officiers : c’est d’enlever son époux, de le confiner dans un château fort, et de mettre son fils Othon à sa place. Weldorf le meûnier est dans la confidence, parce que les conjurés ont eu besoin de son moulin pour l’exécution de leurs projets. Il connoît Tankmar sans savoir cependant qu’il est fils du Duc de Saxe : il se fie assez à son courage pour le mettre de la partie, et lui révèle tout le complot.

Tankmar consent à le suivre, mais dans l’intention de sauver son père. La nuit, le Duc est enlevé: Tankmar le délivre, mais accablé par un renfort des conjures, on le ramène en prison, et on l’accuse auprès du Duc d’avoir cherché à lui ôter le jour pour se venger de lui. Othon qui a déjà plusieurs fois défendu Tankmar contre sa mère, délivre le prisonnier, et lui donne une escorte pour traverser plus sûrement la forêt voisine. Le chef de cette escorte est un des conjurés ; il surprend Tankmar qui se défend, et parvient à attirer son ennemi dans un lieu à l’écart, où il lui arrache la vie et s’empare de son armure. Ainsi déguisé, il revient à la ville. Il sait qu’un chevalier inconnu a demandé à combattre en champ clos pour prouver que Tankmar est innocent, et lui à son tour se présente la visière baissée, pour prouver l’innocence de Mathilde que son époux, à qui elle a fait, sans le connoître, confidence de ses projets , a fait conduire en prison. Tankmar, en combattant pour son ennemie, est persuadé qu’elle a été guidée moins par sa haine contre lui que par son affection pour son fils Othon. Les deux champions se mesurent, combattent ; le casque de l’un d’eux tombe et découvre Alix aux yeux de Tankmar étonné. La lutte finit, le Duc embrasse son fils et exile son épouse.

Le premier acte, sauf les longueurs de l’exposition, est bien conçu, bien conduit, et plein d’effets dramatiques ; mais les deux autres ne sont pas, à beaucoup près, aussi forts de situation. Quant aux invraisemblances, il ne faut pas en parler : un mélodrame raisonnable seroit une piètre production que personne ne reviendroit voir. Les ballets sont assez bien exécutés ; cependant on remarque que cette partie n’est pas généralement assez soignée à ce théâtre.

Le critique n’a pas résolu la question de savoir si la pièce a un fond historique, ou si c’est pure invention. La réponse est peut-être dans un site de généalogie, qui déploie la lignée de Othon Ier de Saxe, dit Othon le Grand, fils de Henri Ier l'Oiseleur et de Mathilde de Rheingelheim, et qui a un demi-frère, Tankmar de Germanie, fils de Hatebruge de Alstadt, la première femme de Henri l’Oiseleur, tous ces gens vivant à cheval sur les 9e et 10e siècles.  Mais, en 1805 comme aujourd'hui, l'arbre généalogique des souverains de Saxe n'est pas connu du grand public.

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