Théophile, ou les Deux poètes

Théophile, ou les Deux poètes, comédie en un acte mêlée de vaudevilles, de Joseph Pain et Dumersan 1er messidor an 12 [20 juin 1804].

Théâtre du Vaudeville

Titre :

Théophile, ou les Deux poètes

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose, avec couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

1er messidor an 12 (20 juin 1804)

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Joseph Pain et Dumersan

Almanach des Muses 1805

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Léopold Collin, an xiii – 1804:

Théophile, ou les deux Poètes, comédie en un acte et en prose, mêlée de vaudevilles, par MM. Joseph Pain et D***, Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du Vaudeville, le premier messidor an xii, 1er de l’empire.

D***, c’est Dumersan.

La pièce est précédée d’un prologue en vers, dont les personnages sont M. Laporte et M. Hippolyte, deux acteurs qui se plaignent de ne pas avoir eu de rôle dans la pièce, et un machiniste et un garçon de théâtre qui les chassent des coulisses ils ne font que gêner, avant que Laporte chante le couplet d’annonce, qui demande au public de ne pas brûler Théophile en effigie sur le théâtre, comme on a brûlé son effigie autrefois.

Courrier des spectacles, n° 2672 du 2 messidor an 12 [21 juin 1804], p. 2 :

[Le compte rendu commence par un exposé d’histoire littéraire et parle de la vie de Théophile, poète du 16e siècle en butte à la persécution, jusqu’à sa condamnation à mort, qui ne sera pas mise en œuvre. De cette histoire fort peu amusante, Pain, donné ici comme seul auteur (le critique parlera de plusieurs auteurs à la fin, mais sans donner d’autre nom) a fait un vaudeville en utilisant l’ingrédient habituel de ce genre de pièces, un projet de mariage avec une jeune fille qui ne le connaît que par ses vers. L’intrigue telle que la résume l’article est centrée sur le voyage que Théophile fait pour se mettre à l’abri des persécutions, au cours duquel il craint bien de se faire arrêter. Le dénouement ne fait pas preuve de beaucoup d’invention : alors qu’il se trouve en compagnie de Colletet, un autre poète persécuté lui aussi, arrive la charmante Sylvie qui apporte la grâce de Théophile (le moyen n’est pas neuf). La pièce a du succès : le critique lui reconnaît « beaucoup de gaîté », les couplets en sont bien tournés et ont le mérite de ne pas utiliser de calembours, dont il semble qu’on abuse à cette époque. « C’est une fort jolie petite pièce ». Elle comporte « les impromptus les plus saillans de Théophile », ce que le critique porte au crédit des auteurs. La pièce comporte un prologue, lui aussi « beaucoup applaudi ». Et les acteurs ont été bons.]

Théâtre du Vaudeville.

Première Représentation de Théophile.

Théophile, poëte du XVIe. siècle, fut encore plus célébré par son malheur que par son talent. Ses mœurs peu régulières, ses poésies licencieuses et sur-tout l’inimitié du jésuite Garasse, lui attirèrent beaucoup de persécutions.

Il fut d'abord chassé du royaume, et ensuite rappelé dans sa patrie, grâce aux sollicitations de ses amis. Mais on l’accusa peu de tems après d’être l’auteur du Parnasse satyrique ; et , sur ce soupçon, le parlement condamna provisoirement ce poète à être brûlé. La punition étoit un peu sévère, mais au 16e. siècle. on n’entendoit pas raillerie sur l’article de l’impiété, prouvée ou non. Théophile ne jugea pas à propos de se laisser brûler, et prit le parti d’aller se cacher au Catelet, tandis qu’on le faisoit flamber en effigie à Paris. Il n’en fut pas encore quitte : il fut arrêté dans sa retraite et conduit à la Conciergerie, où on l’enferma dans le cachot que Ravaillac avoit occupé. Ce séjour n’étoit pas fort gai ; mais Théophile se consola en composant plu sieurs ouvrages en prose et eu vers.

Après deux ans de réclusion, il fut de nouveau rejugé par le parlement, qui se contenta cette fois, de le condamner au bannissement. Le poète se rendit chez le duc de Montmorency, son ami, et y mourut.

C’est de cette histoire que M. Pain a fait un vaudeville. Il suppose que Théophile doit se marier, au Catelet, avec une jeune personne fort aimable nommée Sylvie, qui aime déjà le jeune poëte sans le connaître autrement que par ses vers.

Théophile proscrit, écrit à l’aimable Sylvie qu’il va se rendre au Catelet, pour se mettre à l’abri de la persécution. Il arrive presqu’aussitôt que sa lettre, sous un nom supposé et se disant capitaine. Il est suivi de son domestique qui se dit soldat, et prend le nom de Fier-à-bras. Ils ont fait route avec un homme qu’ils ne connaissent point. Cet étranger a pris le poëte en amitié, et lui confie qu’il est lieutenant criminel, et qu’il est à la poursuite de Théophile. D’après cette confidence, Théophile se met sur ses gardes et avoue qu’il a été l’ami de ce poëte, et que Fier-à-Bras a été à son service. Le lieutenant criminel demande à ce dernier, si le signalement qu’il a est bien exact, ce que l’autre ne manque pas de démentir. Tandis que le lieutenant fait les perquisitions, Colletet, auteur du Parnasse satyrique, arrive pour se sauver dans la même maison. Sylvie le prend pour Théophile et le fait cacher, mais bientôt après Colletet a une entrevue avec Théophile, se dispute avec lui, et veut le dénoncer ; celui-ci, pour le coup, déclare qu’il se nomme Colletet, mais le lieutenant criminel qui a aussi des notes contre Colletet, veut les faire arrêter tous deux. Sur ces entrefaites, Sylvie, fort prévenue en faveur du soi-disant capitaine, et très-peu en faveur de Colletet, qu’elle prend pour Théophile, vient déclarer qu’elle apporte la grâce de Théophile.

Tel est, à-peu près, le fond de l’intrigue de cette nièce qui a été fort applaudie. Il y a beaucoup de gaîté dans cet ouvrage ; des couplets bien tournés et point de calembourgs. C’est une fort jolie petite comédie.

Les auteurs ont fait entrer dans leur pièce les impromptus les plus saillans de Théophile. C’est un mérite de plus. Avant la pièce, il y avait un prologue fort agréable que l’on a beaucoup applaudi. Les acteurs ont très-bien joué.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, IXe année (an xii, 1804), tome V, p. 565-566 :

Théophile ou les deux Poètes.

Encore un tableau ajouté à la galerie du Vaudeville.

Le poète Théophile, persécuté par les jésuites, dénoncé au cardinal de Richelieu, et condamné au feu pour un ouvrage qui n'étoit pas de lui, fuit au Catelet, dont le gouverneur est son ami, et espère y trouver un asyle. Le hazard lui a fait rencontrer l'officier chargé de l'arrêter ; ils ont fait route ensemble et arrivent au château de M. Menellier, qui est absent, et dont la fille les reçoit. C'est là que Théophile apprend avec qui il a voyagé. Colletet, véritable auteur de l'ouvrage en question, arrive au même endroit, est pris pour Théophile par les gens de la maison ; ce qui fâche d'autant plus la demoiselle, . que son père lui a parlé de mariage avec lui, et que ce poète n'a rien pour plaire. Après plusieurs quiproquos très-plaisans, et des situations adroitement ménagées, la grace de Théophile obtenue par le crédit du duc de Montmorency, vient terminer l'imbroglio et remettre chacun à sa place.Tous les couplets de cette pièce ont été applaudis. Henry, dans le rôle de Théophile, et mademoiselle Desmares, dans celui de Silvie, ont montré beaucoup de talent. Les auteurs sont MM. Pain et un anonyme.

Mercure de France, littéraire et politique, tome dix-septième (an XII), n° CLVI du 4 Messidor an 12 (Samedi 23 Juin 1804), p. 33-37 :

Théâtre du Vaudeville.

Théophile, ou les Deux poètes, par MM. Pain et .....

Le poète qui figure avec Théophile, dans cette pièce est Colletet, père de celui contre lequel Boileau a fait ces deux vers très-peu dignes de lui :

Tandis que Colletet, crotté jusqu'à l'échine,
Va mendier son pain de cuisine en cuisine.

Les auteurs font jouer à Colletet un rôle infâme, et un très-brillant à Théophile. Ce dernier, incrédule et libertin, fut soupçonné d'être l'auteur du Parnasse Satyrique, recueil de méchancetés, de débauches et d'impiétés, et condamné, comme criminel de lèse-majesté divine, à être brûlé ; ce qui fut exécuté en effigie. Arrêté au Catelet, en Picardie, et ramené à Paris, il fut renfermé dans le même cachot où avait été Ravaillac. On recommença son procès, et, malgré ses protestations d'innocence, il fut condamné à un bannissement. Il revint à Paris, où il mourut à 36 ans dans l'hôtel du duc de Montmorenci, qui lui avait donné un asile. Il avait de l'imagination et peu de jugement. On est persuadé que le père Garaste, dans sa doctrine curieuse, a outre-passé la médisance à son égard, quoiqu'il y eût du dérèglement dans ses mœurs, et du cynisme dans ses discours et dans ses écrits. Racan disait que son plus grand tort était de n'avoir pas fait de meilleurs vers.

Le couplet d'annonce était naturel et facile. C'est bien assez, dit-on, qu'autrefois

Il ait été brûlé dans cette ville ;
Aujourd'hui n'allez pas siffler
Son effigie au Vaudeville.

C'est sa fuite au Catelet qui a fourni le canevas du drame. Là se trouve Silvie, à laquelle le talent de Théophile a inspiré en sa faveur la plus tendre prévention. Il est l'ami de son père, (qui est absent), et il vient se réfugier chez lui, déguisé en capitaine et accompagné de Fier-à-Bras, son domestique, vêtu d'un uniforme de soldat. Il a fait route avec M. Trousset, prévôt, chargé de l'arrêter, et qui ne l'a point reconnu sous son déguisement. Cet officier de robe courte ne cesse de répéter qu'il est fin, et cependant il dit son secret au premier venu. Le prétendu capitaine avoue que Théophile est son ami, et le prétendu soldat confesse qu'il a été à son service. M. Trousset demande si le signalement qu'on lui en a donné est bon. Il se défie de son exactitude :

Car en fait de signalemens,
On en fait de si ressemblans,
Qu'ils ressemblent à tout le monde.

Celui dont il fait lecture est bien celui du poète. Ficr-à-Bras lui persuade le contraire, et lui en dicte un tout opposé. Moyennant ce stratagème, le capitaine s'imagine n'avoir rien à craindre. Il voit Silvie, dont il est enchanté, et qui, de son côté, le trouve charmant.Elle voudrait bien, que Théophile, dont elle le croit l'ami, lui ressemblât. La suivante de Silvie, Florine, remontre à sa maîtresse qu'elle a tort de se passionner pour ce poète qui est peut-être laid ou difforme. Elle répond qu'un homme d'esprit ne peut être désagréable :

Crois-moi, Florine, le génie
Embellit même la laideur.

Bientôt elle change de langage. Colletet, le véritable auteur du Parnasse Satyrique, qu'il a méchamment mis sur le compte de Théophile, arrive au Catelet chez le père de la belle Silvie, avec lequel il est lié. Il vient pour s'y cacher, parce qu'il a aussi quelque sujet d'inquiétude. Un mal-entendu fait que Silvie le prend pour Théophile. Comme il a l'air sombre et farouche, Silvie le trouve infiniment moins agréable que le faux capitaine, et son engouement s'évanouit

Les deux poètes se rencontrent, se disputent à l'occasion de leurs vers. Colletet tourne en dérision ces deux-ci de Théophile, qui sont véritablement des modèles de mauvais goût :

Le voici ce poignard, qui du sang de son maître
S'est souillé lâchement ; il en rougit, le traitre !

« Pour les tiens, répond Théophile, personne ne te les reprochera ; on s'en rappelle pas un seul. » Colletet réplique par la menace de le faire connaître au prévôt. Au fort de la querelle, Trousset survient ; il a tout entendu. Le capitaine et le soldat prétendent que Colletet est Théophile. Colletet, furieux, a beau crier à l'imposture, le prévôt donne ordre de le saisir. A la réflexion, il demande cependant ses papiers à Théophile, et comme le poète n'en a pas, Trousset ne sait plus que croire. Colletet commence à espérer ; mais l'officier de robe courte lui déclare qu'il à aussi des notes contre Colletet, et s'assure des deux poètes.

Cependant Silvie accourt, elle a été joindre son père à une demi-lieue du château. En revenant de Paris, il avait versé et s'était légèrement blessé. Sa fille apporte la grâce de Théophile, que le père a obtenue. Elle a su que les deux prisonniers répudiaient l'un et l'autre ce nom, parce qu'il était proscrit. Pour découvrir quel est celui à qui il appartient, elle témoigne le plus vif intérêt pour Théophile : ce poète, enivré d'amour, tombe à ses genoux, et, au péril de sa vie, lui témoigne sa joie et sa reconnaissance. Silvie lui apprend qu'il a sa grâce, et lui dit que son père a quelque autre chose à lui communiquer. Il devine sans peine ce qu'elle n'ose dire, et passe du sein de l'infortune au comble du bonheur. Silvie annonce à Colletet que le parlement veut bien se borner à mépriser le Parnasse Satyrique ; et Théophile déclare lui pardonner ses méchans vers, pourvu qu'il ne les mette plus sur son compte. Il en est quitte pour quelques sarcasmes qu'on lui lance. Il faut, dit-on, l'excuser,

S'il n'eût mal parlé de personne,
Personne n'eut parlé de lui.

Les couplets de ce vaudeville sont, en général, très-bien tournés. Il y en a un qui peint très-agréablement le sort du poète , et qui finit ainsi.

Il attend la gloire long-temps,
      Et toujours la fortune.

Ce joli drame a le double mérite de l'intérêt et de la gaieté. L'esprit y est répandu avec une juste mesure. Je n'y ai remarqué qu'un calembourg; et on peut passer un calembourg unique dans un vaudeville, et dans la bouche d'un valet. Celui de Théophile, en parlant de son arrêt et de son amour , lui dit :

Vous ne pourrez sortir d'affaire ;
Car je vous vois entre deux feux.

On a demandé l'auteur. M. Pain a été nommé; on a ajouté qu'il avait un collaborateur qui voulait garder I'anonime. La pièce a été très-bien jouée par MM. Henri et Chapelle, et par mademoiselle Desmares. Elle a eu un succès soutenu et mérité.

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