Tonton, ou la Princesse de Savoie

Tonton, ou la Princesse de Savoie, comédie mêlée de couplets, de Pain et Lafortelle, 16 août 1814.

Théâtre des Variétés.

Titre :

Tonton, ou la Princesse de Savoie

Genre

comédie mêlée de couplets

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

16 août 1814

Théâtre :

Théâtre des Variétés

Auteur(s) des paroles :

MM. Joseph Pain et Lafortelle

Journal des arts, des sciences et de la littérature, n° 312 (Cinquième année), 10 août 1814, p. 188 :

[Un gascon, dans une pièce qui se passe à Troyes et met en scène une princesse de Savoie, pourquoi pas ?]

Samedi 6 août.

On répète au théâtre des Variétés Tonton, ou la Princesse de Savoie, ouvrage attribué à deux auteurs du Vaudeville. Bosquier Gavaudan doit jouer dans cet ouvrage le rôle d’un gascon.

Journal des arts, des sciences et de la littérature, n° 314 (Cinquième année), 20 août 1814, p. 235 :

[Notons d’abord le caractère politique qu’on peut prêter à la pièce, dans le contexte du temps (le retour des Bourbons ouvre, aux yeux du critique, une ère de liberté : on peut en douter, bien sûr). Et ensuite que la pièce n’a pas vraiment réussi, malgré les couplets, et le jeu des acteurs : trop longue, et finissant mal. La pièce raconte l'histoire d'une « pauvre fille, orpheline, bâtarde même » à la recherche d'une condition, et qu'on prend pour une princesse de Savoie qui fuit sa patrie parce qu'elle a épousé son amant contre la volonté paternelle. La jeune fille finit par se prendre au jeu, jusqu'à ce que son amant la reconnaît... et l'épouse. Un tel dénouement n'est pas apprécié.]

T H É A T R E D E S V A R I É T ÉS.

Tonton, ou la Princesse de Savoie, Vaudeville par MM. Joseph Pain et Lafortelle.

On dit que sous le règne précédent cette pièce avait été ajournée, sous prétexte que Tonton, que l'on faisait passer pour une princesse, n'étant qu'une aventurière, on pouvait faire des allusions malignes..... – Depuis le retour à l'ordre, on a jugé que cet ouvrage était sans danger, et les auteurs se sont empressés de l'offrir au public, qui s’est montré peu reconnaissant d'une pareille attention. Ce n'est pas d’aujourd'hui qu'on a dit que le public était un ingrat ; demandez plutôt aux auteurs sifflés.

Tonton est une pauvre fille, orpheline, bâtarde même, ce n'en est pas moins une grosse réjouie de bonne mine. Elle avait une condition excellente, elle l'a perdue, et pour en trouver une autre, elle s'est mise en route, à la grâce de Dieu. Tonton arrive à Troye, dans une auberge, où on la reçoit assez mal, parce qu'elle n'a pas d'argent. Il n'est bruit dans toute la ville que d'une princesse de Savoie qui s'est sauvée de chez son père avec l'amant qu'elle a épousé en secret. Des ordres sont donnés pour arrêter les fugitifs. L'agent des deux amans, afin de leur donner les moyens d'échapper, fait passer Tonton pour la princesse. Tous les habitans lui rendent hommage, et comme la misère la rend traitable, elle finit par se faire une douce violence ; elle se persuade même qu'elle peut être issue d'une princesse. Un barbier gascon joue le rôle de l'amant, et il retrouve sa maîtresse dans Tonton qu'il épouse.

Ce petit roman est soutenu par le jeu de Mlle. Elomire et de Bosquier Gavaudan ; quelques couplets assez piquans ont été applaudis, mais la pièce a paru longue, et le dénouement a été mal accueilli ; cependant les auteurs ont été nommés. On a remarqué avec surprise qu'ils n'avaient point fait usage de l'air Ton Ton Tontaine Tonton.

SARRAZIN.          

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 19e année, 1814, tome IV, p. 421 :

[Encore une pièce qui n’a pas rencontré le succès, avec comme explication deux éléments : elle est « peu vraisemblable et peu gaie ».]

THÉATRE DES VARIÉTÉS.

Tonton, ou la Princesse de Savoie, comédie en un acte, mêlée de couplets, jouée le 16 août.

On apprend, dans une auberge de Champagne, que la Princesse Amélie de Savoie, a fui avec un amant préféré pour se soustraire à un hymen qu'elle redoute. Le Prince, son père, offre une brillante récompense à qui la ramènera, et une somme plus forte encore à l'amant, s'il renonce à la Princesse.

Une paysanne romanesque, nommée Tonton, qui arrive montée sur un âne, est prise pour la Princesse, par l'aubergiste ridicule, par un échevin plus ridicule encore. L'intendant de la belle fugitive, pour lui donner le temps de s'éloigner, entretient l'erreur des Champenois, et fait cesser, pour finir la pièce, la courte élévation de Tonton et d'un barbier gascon son amant qui avoit passé pour le ravisseur.

Cette pièce, peu vraisemblable et peu gaie, a eu peu de succès.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome IX, septembre 1814, p. 278-282 :

[Le critique trouve la pièce ridicule, et il ne le cache pas. Il ouvre son article par du lyrisme de pacotille, pour introduire celle qui sera Tonton, probablement. Puis il s’amuse à dialoguer avec ses lecteurs pour raconter une avant-scène compliquée, tout en rejetant l’idée qu’il s’agit d’un roman (d’un mauvais roman) : c’est d’une farce qu’ils ‘agit, d’une extravagance en un acte. Et d’une extravagance très compliquée : il y a trop d’événements pour tout dire. Il se limite donc à l’avant-scène, avant de passer enfin à l’action proprement dite. Tonton est prise pour la princesse de Savoie, qui bien entendu loge dans la même auberge qu’elle, ce qui provoque un quiproquo pas vraiment nouveau au théâtre. L’arrivée du roi de Savoie, le père de la princesse permet de tout dénouer. Les auteurs présentent leur pièce comme une anecdote : le critique se moque allègrement de cette prétention. Leur pièce est ennuyeuse, ses couplets sont sans esprit, le dialogue est rempli de choses bêtes. La pièce ne doit sa survie qu’aux acteurs, dont l’article fait l’éloge. La pièce n’est pas tombée, mais ce n’est pour le critique que partie remise.]

Tonton, ou la Princesse de Savoie, comédie anecdote en un acte, mêlée de couplets.

A cette heure où le soleil n'éclaire plus l'horizon que de rayons incertains, où l'approche de l'astre pâle et silencieux rappelle les villageois des travaux du jour au repos de la nuit, une paysanne entend sur la lisière d'un bois des cris faibles et douloureux. Elle approche d'un pas tremblant et un berceau s'offre à ses yeux ; il renferme une petite fille dont les bras étendus vers elle semblent implorer son secours ; elle se charge de ce précieux fardeau que la providence paraît elle-même confier à sa pitié.

Eh ! bon Dieu ! qu'est-ce que vous nous contez donc là..... Le commencement d'un roman bien sentimental, intitulé la Fille du Malheur ? — Non, je vous explique l'avant-scène d'une farce du théâtre des Variétés. Mais vous n'y êtes pas ; il a fallu réunir bien d'autres combinaisons dramatico-romanesques pour établir et achever ce grand ouvrage. Une princesse de Savoie, la fille d'un roi, pour parler comme Pothier dans la Chatte merveilleuse, préférant les plaisirs solides de l'amour, aux frivoles honneurs du rang, est devenue folle d'un comte. Comme elle ne peut l'élever jusqu'à elle, elle se dépêche de descendre jusqu'à lui, et sa première démarche est de prendre le galop dans une chaise de poste pour aller mener joyeuse vie avec son amant loin de tous les pères et de tous les rois du monde. — Arrêtez, arrêtez.... Voilà encore un second roman. — Eh ! non, c'est une seconde exposition de l'extravagance en un acte. — Mais quel rapport la Princesse de Savoie a-t-elle avec l'orpheline de la lisière du bois, et qu'ont-elles de commun l'une et l'autre avec la Tonton des Variétés ? — Parbleu, lecteurs, vous êtes bien pressés ; vous ne savez donc pas que si je voulais vous donner une analyse détaillée de tous les événemens qui motivent l'action d'un petit acte, je ferais un article plus long que la pièce ? — En ce cas nous aimons autant l'aller voir ; courez au fait, soyez court, ou laissez-nous. — Je ne sais pas si vous prendriez le meilleur parti, le mien est d'obéir... Je me dépêche.

Une dame charitable élève l'orpheline, la baptise noblement Tonton, et lui donne une éducation aussi distinguée que son nom ; la dame meurt, les héritiers chassent Tonton, qui court le monde avec un petit-paquet en rêvant à son cher Hardicrac, perruquier gascon, qui a fait sa conquête à Arcis-sur-Aube. En allant toujours devant elle, Tonton arrive à un village où on lit la Gazette de France (elle a toujours été fort répandue en Champagne). La feuille annonce la fuite de la princesse de Savoie, et promet récompense honnête à qui en donnera des nouvelles. Il est bon qu'on sache que l'occupation de Tonton, chez sa bienfaitrice, était de lire des romans qui lui ont tant soi [sic] peu dérangé la cervelle. Pendant un instant de sommeil, elle rêve tout haut et laisse échapper quelques mots qui persuadent à un aubergiste imbécille et à un échevin plus imbécille encore, que c'est la princesse. Alors enfin la pièce commence ; elle est remplie par les gaucheries plus ou moins plaisantes du Ricco-femelle qui se refuse d'abord aux honneurs qu'on lui rend, et qui finit par trouver commode de se laisser faire. La véritable princesse et son amant sont dans l'auberge ; on les déloge pour l'auguste Tonton ; et leur intendant, afin de leur donner le temps de fuir, entretient tout le monde dans l'erreur ; il paie même, pour représenter le comte italien, un drôle de corps qui se trouve être le même Hardicrac, l'objet des soupirs de Tonton. Après le départ de ses maîtres, l'intendant découvre la fraude ; on se divertit aux dépens de la princesse et du comte postiches ; il est même question d'envoyer Hardicrac en prison. Mais comme une intrigue de cette importance ne pourrait se dénouer sans l'intervention d'un dieu ou tout au moins d'un roi, on annonce que le roi de Sardaigne a envoyé par un courrier la grace des deux fugitifs qu'il rappelle à sa cour. Une pension et une dot sont la récompense qu'ils donnent à Tonton et à Hardicrac, pour les avoir burlesquement représentés.

Les auteurs disent que le sujet de leur pièce est une anecdote ; je ne m'amuserai pas à en contester l'authenticité historique. Mais l'histoire est quelquefois ennuyeuse, ainsi que les pièces qu'on en tire. Peu d'esprit dans les couplets : un dialogue saupoudré de bêtises qui n'étaient que bêtes ; une action grotesquement prétentieuse, tout cela aurait infailliblement décidé la chute de la pièce-anecdote, sans le talent des acteurs. Mademoiselle Elomire a joué Tonton avec une gaucherie très plaisante, sans cesser d'être naturelle ; Bosquier-Gavaudan a mis une gaîté originale et une fanfaronnerie vraiment gasconne dans le rôle du barbier Hardicrac; Dubois a été ce qu'il fallait être, bien gauche (le mot est consacré à ce théâtre), dans le personnage de l'aubergiste, et Oudry a souvent fait rire par la caricature qu'il a donnée au rôle d'un échevin bègue, espèce de Bridoison champenois.

Les auteurs ont bien pu conjurer l'orage le premier jour ; mais je doute qu'ils parviennent à soutenir long-temps au répertoire une pièce qui finira par produire sur eux le même effet que sur le public.

Martainviille.          

Mémorial dramatique: ou Almanach théâtral pour l'année 1815, neuvième année, p. 163-164 :

[La pièce mal accueillie malgré « de jolis couplets », mais qui a « paru d'une longueur excessive » (la « longueur excessive » est un reproche courant), mais la véritable cause, c’est que ce n’est pas « un bon ouvrage », mais à part la longueur, on ne sait pas ce qui fait un bon ouvrage.

Le corps de l’article emprunte largement au Journal des arts, des sciences et de la littérature.]

TONTON, ou la princesse de Savoie, comédie-vaudeville eu un acte par MM. Pain et Lafortelle. (16 août.)

Tonton est une pauvre fille orpheline, bâtarde même ; ce n'en est pas moins une grosse réjouie de bonne mine. Elle avait une condition excellente : elle l'a perdue, et pour en trouver un autre, elle s'est mise en route à la grâce de Dieu. Tonton arrive à Troyes, dans une auberge où on la reçoit assez mal, parce qu'elle n'a pas d'argent. Il n'est bruit dans toute la ville que d'une princesse de Savoie qui s'est sauvée de chez son père avec l'amant qu'elle a épousé en secret. Des ordres sont donnés pour arrêter les fugitifs, L'agent des deux amans, afin de leur laisser les moyens d'échapper, fait passer Tonton pour la princesse. Tous les habitans lui offrent leurs hommages, et comme la misère la rend traitable, elle finit par se faire une douce violence ; elle se persuade même qu'elle peut être issue d une princesse. Un barbier gascon joue le rôle de l'amant, et il retrouve sa maitresse dans Tonton qu'il épouse.

La pièce n'a pas été bien accueillie, Il serait injuste cependant de nier qu'on y trouve de jolis couplets : mais ce qui lui a fait tort, c'est qu'elle a paru d'une longueur excessive. Un bon ouvrage produit-il un tel effet ?

Journal de Paris, n° 240 du 28 août 1814, p. 2 :

[Non sans intention satirique (et un peu anti-anglaise – on est avant les Cent-Jours et Waterloo !), le journal raconte comment un journal anglais a transformé une intrigue de vaudeville en « fait historique ». La conclusion du journal est bien sûr une belle pique contre les Anglais.]

Le Courrier (Journal anglais), a pris l'analyse de la pièce jouée aux Variétés sous le titre de Tonton pour une anecdote arrivée récemment à Troyes, et la rapporte comme telle sous la rubrique des nouvelles étrangères. Voici de quelle maniere il rend compte de ce fait historique.

« Un aubergiste de Troyes avait lu dans un journal que la princesse Amélie de Savoie avait quitté clandestinement la cour de son père ; qu'elle voyageait en France accompagnée d'un comte italien, et que S. M, sarde avait donné ordre d'arrêter les fugitifs partout où l'on pourrait les rencontrer.

« Toutefois si le roi avait ses émissaires, la princesse avait aussi les siens. Le sieur Marcel, son intendant, qui se trouvait à Troyes, s'avisa pour tromper les émissaires du roi, de faire passer une paysanne, nommée Tonton, pour la princesse de Savoie. Il est difficile de concevoir comment les habitans de Troyes ont été trompés par ce déguisement , car on dit que Mlle Elemire Tonton ressemble fort peu à une princesse. Ce qui a pu les induire en erreur, c'est qu'on trouva dans sa valise une bourse pleine d'or avec un cachet aux armes de Savoie. Un perruquier gascon , nommé Bosquier Gavaudan, s'était chargé de faire le personnage du comte italien ; il partageait tous les honneurs qu'on rendait à la princesse Amélie Tonton. L'intendant Marcel ayant gagné par ce stratagème le temps dont il avait besoin, a fini la mascarade, en mariant le perruquier Gavaudan à Mlle Elomire-Tonton. »

Et voilà justement comme on écrit l'histoire.

On trouve trace dans le Journal de Paris de juillet à décembre 1814 de 6 représentations de la pièce, les 16, 17, 18, 19, 20 et 22 août. Sans oublier l'article du 28 août, dernière trace trouvée de la pièce dans ce recueil de journaux.

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