Un jour à Paris, ou la Leçon singulière

Un jour à Paris, ou la Leçon singulière, opéra en trois actes, paroles d’Étienne, musique de Nicolo Isouard ; 24 mai 1808.

Théâtre de l'Opéra-Comique.

Titre :

Un jour à Paris, ou la Leçon singulière

Genre :

opéra-comique

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

prose, parties musicales en vers

Musique :

oui

Date de création :

24 mai 1808

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

Étienne

Compositeur(s) :

Nicolo (Isouard)

Almanach des Muses 1809.

Un pere qui, pour corriger son fils de ses travers, feint lui-même de les partager, et finit par persuader à son jeune étourdi qu'il est ruiné, bien qu'il n'en soit rien, ce qui donne occasion au fils de développer toute la bonté de son cœur ; voilà, en peu de mots, le sujet de cette piece très morale dans son but, et non moins agréable dans ses détails, dont l'exposé serait trop long.

De l'esprit, de la gaieté, une peinture malheureusement trop vraie des écarts de quelques jeunes fous qui vivent à Paris, loin de leurs parents ; musique agréable.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mad. Masson, 1808 :

Un jour à Paris, ou la Leçon singulière, opéra-comique, en trois actes, mêlé de musique : Paroles de M. Etienne, Musique de M. Nicolo. Représenté, pour la première fois, par les Comédiens ordinaires de S. M. l’Empereur et Roi, sur le Théâtre d el’Opéra-Comique, le 24 mai 1808.

Geoffroy, Cours de littérature dramatique, tome cinquième, seconde édition (Paris, 1825), p. 421-425 :

[Article du 8 mai 1808.

La pièce a eu bien du mal à voir le jour, et Geoffroy raconte les mésaventures d’une pièce que personne n’est pressé de monter, ni les acteurs, ni l’administration. Pièce en trois actes, morale, en musique : c’est « une entreprise difficile ». L’idée n’« est pas nouvelle ». Mais c’est l’exécution qui compte : corriger quelqu’un en imitant son défaut, « il ne s'agit point d'examiner si la manière est bonne, mais si elle est théâtrale ». Geoffroy se livre ensuite à son activité favorite, rappeler les pièces qui lui semblent se rapprocher de celle dont il doit parler (et dont, donc, il n’est pas en train de parler). Le sujet ne lui paraît pas sans inconvénients : le jeune homme ne paraît guère un mauvais sujet et est prompt à s’améliorer ; le fils voit dans le comportement de son père, non « des vices et de l’immoralité », mais « un dérangement du cerveau » ; enfin, l’intrigue se résout bien facilement. La musique, qui met mieux en valeur la chanteuse que ne le font les paroles, « est vive, piquante, originale, pleine d'effets dramatiques », et prend peut-être le pas sur le dialogue. Pièce « d'un style léger, abondant en sarcasmes, en épigrammes, en mots plaisans et en critiques de mœurs » : il n’y a là pas que des éloges !

Les Originaux de Fagan sont une comédie en un acte et en prose, de 1737.]

UN JOUR A PARIS, OU LA LEÇON SINGULIÈRE.

On désespérait presque de voir cette pièce : longtemps un mauvais génie prit plaisir à la persécuter ; tous les acteurs qui devaient y jouer éprouvaient des accidens fâcheux : celui-ci était affligé d'un rhume, celui-là tremblait la fièvre, et ce qu'il y avait de pis, quand l'un guérissait, l'autre tombait malade. Les auteurs, fatigués d'avoir à lutter contre tant d'influences malignes, avaient pris le parti de retirer leur ouvrage pour rendre la santé aux acteurs. Le bruit d'ailleurs se répandait que les coryphées de ce théâtre avaient résolu de fermer, pendant deux mois de l'été, pour aller faire la moisson en province. Les auteurs voyaient avec peine que la représentation de leur nouveauté allait se trouver bien près de la clôture du théâtre : ils avaient donc jugé à propos d'attendre des temps plus heureux.

Cette mesure a produit un effet théâtral : les chefs de l'Opéra-Comique n'ont pas tardé à s'apercevoir que leur projet de clôture n'était pas fort goûté ; et comme l'expédient de cette fugue les exposait à quelques reproches, ils ont rejeté la faute sur ceux même qui en étaient les victimes ; ils ont donné pour prétexte à la clôture cette même pièce si long-temps retardée, et qu'on venait de leur retirer ; ce qui leur retranchait, disaient-ils, tout moyen d'existence, et les réduisait à chercher fortune ailleurs. Les auteurs ont senti le coup : ne voulant pas paraître coupables de la clôture, eux qui ne se retiraient que dans la clôture, ils ont remis à tout hasard leur pièce dans la circulation, et par cet acte de dévouement ils ont fait taire la malveillance ; peut-être même arrêteront-ils la désertion dont la capitale était menacée.

Une pièce en trois actes, et une pièce morale en musique, est une entreprise difficile à l'Opéra-Comique : l'idée n'en est pas absolument neuve ; mais dans ces sortes d'ouvrages, c'est l'exécution que l'on considère plus que l'invention. Les Lacédémoniens enivraient, dit-on, des esclaves, les faisaient danser devant leurs enfans pour leur inspirer l'horreur de l'ivresse ; ce moyen d'éducation, assez inhumain, est probablement le germe de tous les contes ou drames où le spectacle d'un vice est employé pour le corriger : il ne s'agit point d'examiner si la manière est bonne, mais si elle est théâtrale. Il est possible que beaucoup de jeunes gens soient corrompus plutôt que corrigés en voyant leurs défauts imités par les autres ; mais ce genre de leçon est piquant au théâtre, parce qu'il est singulier et nouveau. Voilà pourquoi toutes les jeunes femmes colères, tirées du roman de madame de Genlis, ont réussi sur la scène, quoiqu'il puisse arriver que beaucoup de jeunes femmes colères soient aigries plutôt qu'adoucies par la violence de leurs maris.

On donne souvent les Originaux de Fagan, pièce épisodique où l'on se propose d'instruire un jeune homme en lui faisant voir dans les autres les vices auxquels il est lui-même enclin ; et réellement à la fin de la pièce, qui n'est qu'un très-petit acte, le jeune homme se trouve entièrement converti ; mais ce n'est qu'au théâtre qu'on voit de pareilles conversions. Depuis le temps qu'on joue sur la scène des libertins, des joueurs, des prodigues, ce spectacle n'a jamais corrigé aucun jeune homme, et souvent il est arrivé que le comédien qui représentait le joueur s'est lui-même ruiné au jeu.

Dans la jeune Femme colère, c'est un mari qui affecte la violence et l'emportement pour corriger l'humeur trop pétulante de sa femme : dans le nouvel opéra comique, c'est un père qui contrefait le débauché, le prodigue et le joueur pour l'instruction de son fils, jeune homme doux et bien né, mais facile, imprudent, et qui s'est trop livré à la dissipation de Paris. On eût désiré que cette leçon singulière fût préparée et motivée avec plus de soin ; car Saint-Romain (c'est le nom du jeune homme) est d'un si aimable caractère, il paraît si docile et si respectueux envers son père, ses désordres sont d'une nature si légère, qu'il semble que le bonhomme eût pu se dispenser d'en venir, pour les corriger, à de pareilles extrémités, et n'avait pas besoin de tant faire le fou pour le rendre sage. Mais la folie est la sagesse du théâtre.

Un autre inconvénient du sujet, c'est que le jeune homme, dans la subite métamorphose de son père, voit plutôt un dérangement du cerveau et un accès de démence, que des vices et de l'immoralité : il est plus affligé qu'il n'est instruit. Les excès dont il est témoin lui déplaisent, parce qu'ils détruisent sa fortune sans lui donner de plaisir ; il blâme son père de ce qu'il a la fantaisie de se ruiner lui-même plutôt que de se laisser ruiner par son fils, suivant l'usage. Ce qui le consterne plus que tout le reste, c'est qu'il croit son père amoureux d'une jeune personne dont il est lui-même épris. Il voit le barbon donner à sa maîtresse pour cent mille francs de diamans, et ne sent que la douleur de ne pouvoir pas faire lui-même de semblables présens : c'est une mortification cruelle, mais non pas une leçon pour lui. Si cela n'est pas très-moral, cela du moins est théâtral ; et l'effet théâtral est ce qu'on cherche avant toutes choses, même dans les pièces morales. Le jeune homme est désolé, épouvanté des extravagances de son père, qui l'attaquent sensiblement dans sa fortune et dans son amour ; mais cette douleur et cette frayeur passagères ne détruisent pas dans son cœur les passions qui sont le germe de tous les vices.

Enfin le père, poussant jusqu'au bout la feinte, déclare à son fils, avec toutes les apparences du désespoir, qu'il est ruiné, abîmé sans ressource : le bon jeune homme le croit ; il offre à son père de travailler pour le soutenir dans son malheur. Quand le Mentor juge que la leçon a suffisamment opéré sur le cœur de son Télémaque, il lui avoue son stratagême, lui fait épouser l'aimable Pauline, son élève et sa pupille, dont il avait paru être amoureux, et emmène les jeunes époux à son vieux château. La leçon ne lui coûte que douze mille francs, et c'est acheter à bon marché l'instruction et le bonheur d'un fils chéri.

Si M. Étienne, auteur des paroles, n'a pu fournir de quoi faire briller le talent de l'actrice, M. Nicolo, compositeur de la musique, a fait valoir la cantatrice de manière à lui attirer des applaudissemens universels. La musique a plu généralement : elle est vive, piquante, originale, pleine d'effets dramatiques. Peut-être l'a-t-on trop prodiguée au préjudice du dialogue, dans un ouvrage dont on a voulu faire une comédie.

La pièce est d'un style léger, abondant en sarcasmes, en épigrammes, en mots plaisans et en critiques de mœurs. On y remarque des situations, des scènes agréables ; mais quelquefois le comique n'en est pas d'un choix assez délicat, et l'intérêt est étouffé en plusieurs endroits par le spectacle et le fracas. (26 mai 1808.)

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VII, juillet 1808, p. 266-272 :

[Un compte rendu bien construit, qui traite successivement tous les points qui permettent de tout savoir sur la pièce nouvelle. D’abord une présentation très favorable de l’auteur, dont les pièces allient si bien but moral et comique. On en vient à la pièce en disant sur quoi elle porte, une tentative (réussie) « de corriger un défaut, en l'exagérant aux yeux de celui qui s'y abandonne », idée qui n’est pas neuve au théâtre, l’auteur l’ayant déjà utilisée, mais ici, il l’utilise fort bien. Ce que démontre ensuite ce qui n’est pas vraiment un résumé de l’intrigue. Le jugement sur la pièce s’ouvre sur une pluie de compliments : « la pièce est bien conçue ; la marche en est vive, rapide, naturelle », le comique de la situation est très bien exploité, le dialogue est « gai, piquant, naturel ». Le critique défend même Étienne de l’accusation d’avoir fait « des personnalités » (des allusions personnelles), qu’il voit comme « des peintures générales de mœurs, de caractères et de ridicules » indispensables à la comédie. Les caractères sont réussis : celui du père, « bien fait, et naturellement écrit », celui du fils « fort intéressant ». Là aussi le critique croit utile de défendre l’auteur, en montrant que le revirement u fils était prévisible dès le début. Dans toute critique, il faut un point négatif. Ici, c’est « la multiplicité des tableaux » qui en diminue l’effet. Et l’auteur de l’article dresse la liste de ces tableaux à la succession si rapide. Ce n’est pas un opéra comique qu’il devait écrire, mais une comédie où il aurait pu donner plus de développement à ces événements. L’interprétation ? Elle est excellente, entre les acteurs et chanteurs vedettes de la troupe et ses valeurs montantes. Une habile transition amène le sujet délicat de cette critique, celui de la musique. La composition de Nicolo, accusé de se disperser, manque vraiment d’originalité et d’adaptation au sujet. C’est ce que fait si bien Grétry. Nicolo, qui est un digne représentant de l’école italienne (c’est un maltais d’origine française, mais peu importe), en a « le style aimable et facile », mais ce n’est pas suffisant, et le critique attend de lui une musique plus originale, plus variée en fonction des situations.]

Un jour à Paris.

L' auteur de ce nouvel opéra comique, M. Etienne, mérite d'être remarqué parmi ceux qui ont assez d'esprit, et un assez bon esprit pour ne jamais perdre de vue la devise obtenue de Santeuil par Dominique ; le fameux Castigat ridendo mores. Toutes ses pièces ont un but moral ; et ce but, il s'attache toujours à l'atteindre sans sortir du véritable genre de la comédie ; on ne peut l'accuser d'avoir cherché dans le genre larmoyant les effets qu'il est si facile d'y produire, les émotions qu'on y fait naître à si peu de frais d'invention et de style. Il a déjà beaucoup fait rire au théâtre, et ne s'est encore rendu coupable d'aucun drame. Tantôt il présente dans un petit cadre le tableau des effets funestes, dans une jeune femme, de l'habitude de ne supporter aucune contrariété, et de l'emportement qui en est la suite nécessaire ; tantôt il s'attache au ridicule d'une éducation trop brillante à la fois et trop superficielle, dans les classes de la société auxquelles la fortune prescrit des travaux utiles, et défend un luxe ruineux ; ailleurs il peint la faveur et ses effets, les amis nombreux qu'elle donne, l'abandon, l'isolement où elle nous laisse lorsqu'elle se retire, les vœux qu'elle fait naître et qu'elle anéantit, les sentimens qu'elle inspire et qu'elle détruit tour-à-tour ; dans un autre ouvrage, il présenta la gaieté aux prises avec le malheur, et l'égalité du caractère rachetant l'inégalité du sort et l'inconstance de la fortune. Dans son nouvel opéra, le but moral est encore plus en évidence ; le sujet est très-sérieux, c'est le danger de la dissipation et de la prodigalité ; mais ce sujet est traité avec des moyens plaisans et comiques ; ainsi le grand maître de la scène a fait sentir le danger des mésalliances dans l'ouvrage où le comique le plus vrai et le plus hardi sert de passeport aux vérités les plus essentielles, à une moralité effrayante, à cette terrible situation de Georges Dandin , qu'un homme très-connu par l'originalité de son esprit et la vivacité de ses réparties, appellait la plus tragique qu'il y eût au théâtre.

Tenter de corriger un défaut, en l'exagérant aux yeux de celui qui s'y abandonne ; pour lui montrer combien il fait mal, faire à ses yeux cent fois plus mal que lui ; et par les funestes conséquences de ce qu'on fait pour l'éprouver, lui apprendre les suites de ses propres fautes, ce n'est pas une idée absolument neuve au théâtre ; c'est même un moyen que M. Etienne a employé heureusement, et c'est en quelque sorte un emprunt qu'il se fait à lui-même, ainsi qu'à beaucoup d'autres ; mais ici la situation est mieux combinée, et la leçon est plus forte qu'ailleurs, car elle est payée fort cher par celui même auquel elle est donnée.

En effet, quand M. de Saint-Romain, riche propriétaire, surprend, à Paris, son fils livré à de faux amis, à des intrigans qui le ruinent, à des valets qui le volent ; s'il imagine de devenir à l'instant plus dissipateur et plus prodigue que son fils, s'il se livre à des folies mille fois plus dispendieuses, s'il allarme à la fois son fils et sur sa fortune et sur son amour, s'il feint de combler des plus riches dons une jeune maîtresse, et de perdre au jeu la totalité de sa fortune, certes les effets de cette apparente dissipation retombant directement sur le fils qui allait s'y abandonner, sont de nature à lui inspirer une terreur salutaire, à lui donner une leçon qu'il n'oubliera jamais, et par conséquent à produire des situations et des scènes très-théâtrales; c'est sous ce rapport que l'ouvrage diffère de ceux qui l'ont précédé et en diffère à son avantage.

La pièce est bien conçue ; la marche en est vive, rapide, naturelle ; d'une idée première qui est comique, il a dû résulter beaucoup de situations de rôles et de traits de dialogue qui le sont aussi ; M. Etienne, sous le dernier rapport, n'a rien laissé à désirer dans l'exploitation de la mine féconde qu'il s'était ouverte. Son dialogue est gai, piquant, naturel : on lui reproche des traits qui ressemblent à des personnalités, et que la malignité publique peut applaudir comme tels ; mais la comédie ne peut exister que dans des peintures générales de mœurs, de caractères et de ridicules. Si quelques applications particulières sont faites, qu'elles soient ou non méritées, l'auteur n'en peut être responsable ; de comique qu'il devait être, il ne devient pas satyrique : c'est l'auteur de ces applications qui est le satyrique et qui l'est seul ; tandis que l'auteur comique n'a fait que remplir sa tâche, et user de la plénitude de ses droits.

Quant à la manière dont les rôles sont tracés, celui du père qui combine l'épreuve et la pousse jusqu'au bout est bien fait, et naturellement écrit ; celui du fils est fort intéressant ; à mesure que sa situation devient plus critique et que son père paraît se ruiner, on souffre du mal qu'il éprouve, on rit du tour qu'on lui joue : sa conversion n'est pas si subite qu'on a paru le croire, car ses propres excès l'avaient entraîné : il donne bien un bal masqué au commencement de la pièce, mais ce bal est le dernier ; le jeune homme connaît déjà les effets de la dissipation, il est convenablement disposé pour la leçon qu'il doit recevoir. Le rôle du roué qui s'attache au fils quand il se ruine, et le quitte pour le père quand ce dernier paraît en train d'en faire autant, celui du valet qui improvise un hôtel magnifique, vingt domestiques; de fastueux équipages, des fêtes brillantes, sont aussi tracés d'une manière très-piquante dans un genre où il est bien difficile d'être neuf.

Toutefois on peut penser avec raison que dans cet ouvrage la multiplicité des tableaux nuit à leur effet, que les événemens se succèdent avec tant de rapidité, que si l'action ne languit pas, les scènes ne peuvent être développées et traitées avec soin. Calculez le temps que prennent les seuls mouvemens de la scène, un bal masqué, la liaison d'une intrigue amoureuse, l'établissement de M. de Saint-Romain dans son superbe hôtel, la revue de son immense domestique, ses préparatifs de fêtes, le cercle qui se forme chez lui, les parties de jeu qui se lient, le concert dont elles sont accompagnées, le souper qui les interrompt, l'orgie qui suit le souper, la reprise du jeu, la ruine complette du père, nombre d'autres incidens, et enfin le dénouement quand la leçon est assez forte : calculez ensuite la part presque toujours nulle pour le dialogue que revendique le musicien, et vous aurez une idée du peu de développement que doivent offrir et les caractères, et les rôles et les situations ; mais ici, si l'on regrette que M. Etienne ait dérobé à la comédie un sujet dont il pouvait l'enrichir, on ne peut trop lui reprocher d'avoir sacrifié au goût actuel, et d'avoir fait quelquefois d'un sujet vraiment comique, un opéra un peu bouffon.

La pièce est jouée avec un ensemble parfait, et elle est confiée à l'élite des acteurs ; Solié, Elleviou et Martin donnent à leurs rôles le cachet comique qui leur est propre. Paul, dont les progrès sont de jour en jour plus sensibles, joue avec talent, et Mme. Duret chante. On voit combien il est rare de trouver une telle réunion formée pour le succès d'un ouvrage ; celui-ci, indépendamment de son mérite, a cet avantage particulier, que l'auteur y est aussi bien servi par les comédiens, que le compositeur par les virtuoses.

Ce compositeur est M. Nicolo, dont la fécondité facile contribue singulièrement à varier le répertoire ; il serait à désirer qu'il parvînt aussi à varier un peu d'avantage les formes de son style, ses motifs, et l'ensemble de sa manière ; c'est un talent qui est exigé parmi nous, et c'est celui sur-tout auquel Grétry doit le plus sa renommée ; Grétry que l’on reconnaît dans tous ses ouvrages précisément à l'art avec lequel, variant sa manière, il donne à chaque composition et à chaque rôle une couleur différente. M. Nicolo a le style aimable et facile de l'école dans laquelle il a été nourri ; tous ses morceaux sont bien écrits, et sont entendus avec plaisir : il leur faudrait, il n'en peut douter, un degré de plus de force, d'intention et de comique : un morceau d'une mélodie pure, mais vague et idéale, peut plaire dans un opéra s'il est bien placé et surtout bien chanté ; mais ce style ne peut être en France celui de tout un opéra. Nul compositeur, parmi ceux qui ont acquis une grande réputation, ne se sont abusés à cet égard; Piccini, Sacchini, Monsigni, Cimarosa, Paësiello, et je ne cite à l'auteur que ses propres maîtres, ne comptent de succès véritables parmi nous que ceux de leurs ouvrages qui sont le plus particulièrement remarquables par la justesse de l'intention comique, la variété du style, le cachet donné à chaque ouvrage, à chaque rôle, en joignant à ces qualités si rares le charme particulier d'une mélodie expressive, élément de leur composition, ce don naturel reçu dans leur patrie, et fortifié â leur école.                          S....

D’après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 430, l’opéra-comique d’Etienne et Nicolo (Nicolas Isouard) a été joué jusqu’en 1826.

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