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Une nuit de Frédéric II

Une nuit de Frédéric II, comédie vaudeville en un acte, en prose, de Coupigny, Favière et Dieulafoy, 21 messidor an 8 [10 juillet 1800].

Théâtre de l'Opéra Comique national, rue Favart

Titre :

Une nuit de Frédéric II

Genre

comédie vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose, couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

24 messidor an 8 (13 juillet 1800)

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique national, rue Favart

Auteur(s) des paroles :

André-François de Coupigny, Michel Dieulafoy et Edmond-Guillaume-François de Favières

Almanach des Muses 1801

Le Bottier de Frédéric, fier de son titre de bottier du roi, a une fille qu'il ne veut marier qu'à un lieutenant de l'armée prussienne ; et sa fille, cependant, a choisi pour amant un simple Grenadier. Celui-ci, pour obtenir les bonnes graces du père, lui propose de passer quelques heures au cabaret avec des camarades ; et le Bottier, qui n'a jamais refusé de boire, a accepté. Le Grenadier n'a pas beaucoup d'argent, l'écot peut être cher, il met son sabre en gage pour en payer les frais. Dans ces entrefaites, arrive Frédéric déguisé en lieutenant, qui, en traversant la place, reçoit du Grenadier la confidence de son amour, et de son sabre mis en gage. La fille du Bottier a promis à son amant de venir causer avec lui ; et le Grenadier, ne pouvant attendre le moment de l'entretien, engage Frédéric, si sa maîtresse paraît, à rester auprès d'elle jusqu'à ce qu'il revienne. la jeune fille paraît en effet ; et une sorte d'imbécille, rival du Grenadier, la surprenant avec le roi, court avertir le père, qui arrive aussitôt avec ses camarades. Le rendez-vous est nocturne ; le galant surpris est liutenant. Vous épouserez ma fille, dit le père. Le roi sort d'embarras en signant l'ordre à l'officier du poste voisin de faire battre un rappel. L'ordre est exécuté ; Frédéric, qui avait disparu, revient sous son habit ordinaire, et passe la revue du poste. Il s'apperçoit que le Grenadier-amant n'a qu'un sabre de réforme, et que ce sabre est cassé. Il l'interroge sur ces deux faits ; et se rappelant qu'un Grenadier du même régiment lui a sauvé la vie dans une affaire, reconnaît ce brave dans celui qu'il trouve en faute. La faute est pardonnée ; le Grenadier est élevé au rang de lieutenant, et le Bottier du roi, ne craignant plus de mésalliance, unit sa fille à celui qu'elle aime.

Des situations plaisantes ; des mots heureux ; des couplets bien tournés. La scène d'un directeur de l'Opéra, dans laquelle on a fait des applications malignes, et que les auteurs auraient pu supprimer par suite des égards qu'on doit à un homme chargé d'une administration pénible, par suite des abus que peut entraîner cette sorte d elicence.

Joli ouvrage qui a complètement réussi.

Courrier des spectacles, n° 1224 du 21 messidor an 8 [11 juillet 1800], p. 2 :

[Le critique nous apprend que la pièce, dont il déforme le titre, a eu du succès, et donne la liste de ses auteurs. Puis il résume l’intrigue, une de ces anecdotes concernant Frédéric II, qui reconnaît le soldat qui lui a sauvé la vie et le promeut au grade de lieutenant, ce qui permet à celui-ci d’épouser la fille du bottier du roi. Aucun commentaire n’accompagne ce résumé.]

Théâtrc Favart.

Le vaudeville donné hier à ce théâtre, sous le titre de : Une Soirée de Frédéric II, a eu du succès. On a vivement demandé l’auteur ; on est venu nommer les citoyens Coupigny, Dieu- la- Foi et Favières.

Le grenadier Kram a eu son sabre cassé dans un combat où il a sauvé la vie à Frédéric. Ce roi n’ayant pu découvrir son défenseur, cette belle action est restée sans récompense. Le brave grenadier est amant aimé de mademoiselle Blum, fille d'un ancien militaire, qui après avoir quitté le service est devenu bottier de sa Majesté. Cette dignité a enflé le cœur de Blum, au point qu’il prétend n’accorder la main de sa fille qu’à un homme fait pour s’allier avec le bottier du Roi. Il s’imagine qu’un lieutenant de la garnison de Potsdam vient faire la cour à sa fille, et il est continuellement à l’épier. Une partie de bouteille, qui lui est proposée par Kram, a assez de pouvoir pour lui faire négliger un peu sa surveillance. Le grenadier quitte ses camarades, tandis qu’ils sont occupés à boire, et vient à un rendez-vous qu’il a donné à Mlle Blum ; mais Frédéric, qui a choisi ce moment pour une de ses tournées, rencontre le grenadier sans en être connu, apprend de lui qu’il vient de régaler des amis avec de l’argent qu'il s’est procuré en mettant son sabre en gage, et qu’il les a quittés pour venir à un rendez-vous que lui a donné mademoiselle Blum. Sur les craintes que le Roi inconnu donne au grenadier qu’on ne batte un rappel avant qu’il ait retiré son arme, ce dernier. le prie de dire à son amante qu’il va revenir et court pour tâcher qu’on lui rende son arme. Tandis que Frédéric est au singulier poste que lui a confié Kram, Blum et ses compagnons de bouteille sortent du cabaret ; ils trouvent le Roi baisant la main de la jeune personne.

Le brave Blum qui n’est rien moins qu’endurant, veut que le coupable qui se dit intendant épouse sa fille. Frédéric ne sachant comment se tirer d’embarras, envoie ordre à un capitaine de faire battre un rappel ; ce qui force les grenadiers de se retirer et motive sa retraite. Il revient bientôt, passe sa garnison en revue, visite les armes, arrive au grenadier Kram, qui n’ayant pu ravoir son sabre, a mis en place celui qui a été cassé entre ses mains à la bataille. Le Roi reconnoît le courageux soldat qui lui a sauvé la vie, il le fait lieutenant ; et le fier Blum ne craignant plus de se mésallier , lui donne sa fille.

La Décade philosophique, littéraire et politique, an 8, 4e trimestre, n° 31 (10 Thermidor an 8), p. 240-243 :

[Noter la discussion finale sur les limites du droit à la satire contre les personnes : la morale condamne les « personnalités », les attaques personnelles, sauf si elles sont drôles, justifiées, et qu'elles restent dans les limites du raisonnable...]

Théâtre de l'Opéra-Comique.

Une Nuit de Frédéric, Vaudeville en un acte.

Frédéric II, dans ses promenades nocturnes, s'amusait, comme on sait, à voir par ses propres yeux, ce que les princes et les gouvernans ne voient guères.

Un souverain déguisé qui dépouille son éclat, et dont on ne peut soupçonner la présence, est sûr de donner lieu à des méprises plaisantes, et il ne peut manquer de résulter des situations comiques de la familiarité qu'autorise son déguisement. Aussi en avons-nous vu quelques exemples au théâtre ; mais l'art est de choisir avec goût les situations qui, sans avilir le personnage célèbre, donnent au contraire à son caractère un relief de plus.

C'est ce que viennent de concevoir et d'exécuter, avec beaucoup d'esprit, les citoyens Coupigni, Favière et Dieulafoy, dans la petite comédie, mêlée de vaudevilles, intitulée : Une Nuit de Frédéric.

Le bottier du roi, fier de son titre et de son emploi, ne veut marier sa fille qu'à un lieutenant tout au moins. La fille, moins ambitieuse, a donné son cœur à un simple grenadier aussi tendre que brave. Celui-ci pour tâcher de gagner le père de sa maîtresse, veut le régaler, ainsi que quelques-uns de ses camarades, le fait entrer au cabaret, et met son sabre en gage pour subvenir aux frais du régal.

Frédéric, déguisé en lieutenant, passe sur la place, et reçoit du grenadier la confidence et de son amour et du sabre mis en gage, il cherche à faire rougir le militaire de cette action qui peut l'exposer à se trouver sans armes : le grenadier convient de ses torts, et promet de les réparer. Il prie, en attendant son retour, le faux lieutenant de rester avec sa maitresse. Un rival imbécille et jaloux surprend le Roi avec la fille du bottier, ne doute pas que ce ne soit un amant aimé, court avertir le père qui arrive aussi-tôt avec ses quatre convives, et veut à l'instant forcer le prétendu lieutenant à épouser sa fille : on conçoit l'embarras comique du roi de Prusse qui, sans perdre la tête, écrit un mot au poste voisin, et se débarrasse de ses témoins en fesant battre un rappel.

Ce rappel a encore un autre but. C'est de savoir quel est le grenadier qui a mis son sabre en gage. Il revient en effet sans déguisement, et passe la revue du poste: Il aperçoit le grenadier avec son sabre de réforme et l'interpelle de répondre ; il s'aperçoit que le sabre de réforme est cassé, il se rappelle qu'un grenadier du même régiment lui a sauvé la vie et reconnait ce brave homme dans le grenadier dont le sabre est en gage. Se souvenant alors de la double confidence du soldat et de l'ambition de son bottier, il fait le grenadier lieutenant, et trouve le secret de payer un service, et de dénouer tous les nœuds à-la-fois, en fesant le bonheur de tout le monde

Il serait difficile de trouver une situation plus gaie, un dénouement plus neuf à-la-fois, et plus heureux ; aussi le succès n'en est-il pas équivoque.

La pièce pétille d'ailleurs de traits ingénieux dans le dialogue et dans les couplets : nous citerons ceux-ci.

Frédéric parle de Voltaire , et dit :

Air: Trouverez-vous un Parlement.

Chaque siècle eut ses noms fameux,
Sophocle brille après Homère,
Tacite et Newton après eux
Du génie étendent la sphère.
L'âge par Voltaire embelli,
Ne regrette plus leurs ouvrages;
Dans Voltaire il a ressaisi
Les grands hommes de tous les âges.

Brandt, le brave grenadier, fait cette double application.

Qu'un héros un moment s'arrête
Pour prendre un instant de repos,
La Victoire bat en retraite,
Et semble quitter nos drapeaux ;
Mais aux lieux qu'illustra sa gloire,
S'il reprend son vol immortel.
Et la Fortune et la Victoire
Entendent bientôt son rappel.

Les Auteurs spirituels et malins de ce petit ouvrage ont trouvé moyen d'insérer dans leur cadre la pétition d'un Directeur d'opéra, dont le style précieux a beaucoup fait rire aux dépens de l'écrivain.

Il serait possible, à la rigueur, que le trait satirique frisât le danger des personnalités contre lesquelles il est du devoir de la morale de s'élever fortement : ici néanmoins la fidélité avec laquelle les Auteurs ont mis en couplet la lettre si ridicule et si connue, dont tous les journaux ont parlé, parait en quelque sorte porter avec soi son excuse. Il est impossible de n'en pas rire, et la gaieté est le correctif de la satire : il ne faudrait pas cependant que le succès de cette petite excursion, encourageât les feseurs de vaudevilles à en risquer l'usage habituel. On ne serait pas toujours aussi heureux peut-être, et on alarmerait la tranquillité individuelle : rions, ne blessons pas. Telle doit être la devise de la comédie moderne.

L. C.

L’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-neuvième année, tome XI, thermidor an VIII [juillet-août 1800], p. 190-192 :

[Ce compte rendu adopte un point de vue particulier, centré sur l’anecdote du roi et du grenadier, au détriment de l’intrigue sentimentale que d’autres choisissent de mettre en avant. La conséquence, c’est que le critique trouve l’anecdote bien mince, et qu’il souligne les épisodes destinés à lui donner plus de consistance (il en donne trois exemples). Il trouve les couplets, souvent satiriques, « piquans et bien tournés », mais regrette la lenteur de la pièce, qu’il souhaite voir fortement réduite, jusqu’à la suppression d’un personnage secondaire. A cette condition, la pièce aura un long succès. Il nous donne ensuite les auteurs, puis les acteurs qui ont joué « d’une manière satisfaisante ».]

Une Nuit de Frédéric.

Frédéric II, roi de Prusse, aime à se déguiser & à rôder la nuit dans les rues de Berlin. Dans une de ses courses nocturnes, il rencontre un grenadier pris de vin, & lui fait diverses questions auxquelles celui-ci répond d'une manière assez piquante. Frédéric lui demande entre autres choses, comment, n'ayant qu'une paie modique, il peut se procurer le vin dont il
s'enivre. « Comment ? dit le soldat ; parbleu ! quand je n'ai pas d'argent, je mets en gage – vos armes ? – la lame de mon sabre. – Mais à la parade, le roi ne peut-il pas s'en apercevoir ? Il n'y regarde pas de si près..... » Ce dernier mot décide Frédéric à bien examiner son homme : le lendemain, passant la revue, il le reconnoît & lui ordonne de tirer son sabre ; le grenadier confus ne peut montrer qu'une lame cassée ? « Qu'est-ceci ? s'écrie le roi d'un ton colère ; pourquoi une arme de réforme ? – sire, je la préfère à toute autre.– Que veux-tu dire ? J'en ai rompu le fer à la bataille de ***, en parant un coup qu'on portoit à votre majesté. » Frédéric regarde fixement le coupable, & reconnoît en lui son libérateur. Il le fait sortir des rangs, le proclame lieutenant, & lui dit ensuite à l'oreille : « Désormais, n'engage plus tes armes pour aller boire. »

Tel est le sujet de la pièce en vaudevilles ; jouée dernièrement, pour la première fois, & avec succès, à ce théâtre, sous le titre d'une Nuit de Frédéric. Au trait historique qui en a donné l'idée & qu'on a un peu dénaturé, l'on a joint plusieurs épisodes qui suppléent à la foiblesse du fond. De ce nombre sont ; 1°. l'amour du grenadier pour la fille du bottier du roi (amour qui amène des quiproquos nocturnes où Frédéric joue, malgré lui, le rôle de confident) ; 2°. la scène où le directeur de l’Opéra de Berlin vient demander en style amphygourique la permission de n'ouvrir son spectacle qu'à 9 heures du soir ; 3°. celle où une chanteuse des chœurs réclame le secours des physiciens, pour décomposer la fumée dont son théâtre est rempli lorsqu'on y figure un embrâsement, &c. &c. Il y a dans le cours de cette pièce plusieurs allusions satyriques qui provoquent & obtiennent de nombreux applaudissemens. Les couplets en sont assez généralement piquans & bien tournés, notamment celui du directeur & de la choriste d'opéra ; mais la marche est lente, le dialogue est prolixe ; en un mot, la pièce est trop longue. Nous conseillons aux auteurs d y faire de grandes suppressions, & surtout d'en retrancher le personnage insignifiant d'un imbécille, qui n'est nullement comique, malgré tout le talent de l'acteur chargé de ce rôle. Nous croyons pouvoir assurer qu'après avoir subi ces faciles corrections, l'ouvrage paroîtra très-plaisant, & pourra même être placé à côté de nos plus jolis vaudevilles.

Les auteurs ont été demandés & nommés ; ce sont les CC. Dieu-la-Foi & Favières, déjà connus par des succès au théâtre, & le C. Coupigni.

Les principaux rôles de cette pièce ont été joués d'une manière satisfaisante par les CC. Chesnard, Gavaudan, Dozainville & Moreau, & par Mme. Gavaudan, qui a un talent particulier pour chanter le vaudeville.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 6e année, 1800, tome II, p. 273-274 :

[Frédéric II jouit d’un prestige qui peut surprendre dans la France du temps, et il est le personnage principal d’une belle série de pièces de théâtre. Dans celle-ci, le thème de la bienfaisance du roi est associé à un autre thème tout aussi fréquent, celui du sauveur inconnu (un homme qui sauve un puissant sans se faire connaître, discrétion volontaire ou fruit des circonstances). Ce double thème prend place dans une intrigue amoureuse plus que classique (l’homme modeste à qui un père ambitieux refuse la main de sa fille). Le compte rendu de la pièce résume cette intrigue sans la juger, et le point de vue critique ne porte ensuite que sur une « scène épisodique », qui sert à faire « des épigrammes assez mordantes » sur le directeur de l’opéra de Paris, sous prétexte de montrer celui de l’opéra de Prusse.]

Une Soirée de Frédéric II.

Le grenadier Kram a eu son sabre cassé dans un combat où il a sauvé la vie à Frédéric. Le roi n'a pu découvrir son défenseur, et cette belle action est restée sans récompense. Kram est l'amant aimé de M.lle Blum, dont le père, ancien militaire, est bottier du roi. Cette dignité a enflé le cœur de Blum, qui ne veut pas d'un simple grenadier tel que Kram. Celui-ci cependant le fait entrer dans un cabaret, dont il sort pour venir au rendez-vous que lui a donné M.lle Blum. Mais Frédéric fait sa tournée, et Kram lui raconte sans le connoître qu'il a mis son sabre en gage pour se procurer l'argent dont il régale ses camarades ; il court pour le retirer, et confie sa maîtresse à Frédéric. Blum sort du cabaret au moment où le roi baise la main de la jeune personne, et veut qu'il épouse sa fille. Frédéric, pour se tirer d'embarras, fait dire à un capitaine de faire battre le rappel, les grenadiers se retirent, et le roi revient bientôt passer la revue. Kram, qui n'a pas eu le temps de retirer son sabre, met en place celui qu'il a cassé à la bataille ; Frédéric le reconnoît, le fait lieutenant, et Blum lui donne sa fille.

La scène épisodique, du directeur de l'opéra de Sa majesté, par des allusions très-piquantes, a contribué en partie au succès de cet ouvrage. Des épigrammes assez mordantes n'y sont point épargnées sur les belles phrases du directeur de notre opéra, sur la fumée, sur les feux de Bengale , etc., etc. Ce vaudeville a été joué le 21 messidor ; il est des CC. Dieulafoy, Coupigny et Favieres.

Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l’Opéra Comique, répertoire 1762-1792, p. 434, attribue le livret à André-François de Coupigny, Michel Dieulafoy et Admond-Guillaume-François de Favières, la musique étant composée de vaudevilles. Première représentation le 13 juillet 1800, reprise le 23 septembre 1801. Le titre devient parfois Une soirée de Frédéric II, ou Une nuit de Frédéric. Ils rapportent le jugement sévère de l’Almanach des spectacles pour l’an IX : »Portrait du grand Frédéric totalement manqué. Couplets critiques assez bien tournés, mais déplacés ».

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