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Uthal

Uthal, opéra en un acte et en vers, paroles de M. Saint-Victor, musique de M. Méhul ; 17 mai 1806.

Théâtre de l'Opéra-comique.

Titre :

Uthal

Genre

opéra

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

vers

Musique :

oui

Date de création :

17 mai 1806

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

de Saint-Victor

Compositeur(s) :

Méhul

Almanach des Muses 1807.

Uthal, jeune guerrier plein d'audace et de férocité, a épousé Malvina, fille unique du roi Larmor. Il tourne bientôt ses armes contre son beau-pere, et le détrône. Celui-ci implore le secours de Fingal, guerrier fameux, qui s'avance aussitôt contre Utjal. Malvina veut en vain réconcilier son époux et son pete. Le comabt s'engage : Uthal est vaincu, et condamné à l'exil. Malvina déclare alors qu'elle partagera son sort, et déploie tant d'amour et de générosité, qu'Uthal revient à lui, confesse ses torts, et se réconcilie avec son beau-pere.

Un style pur ; quelques scenes d'une couleur neuve et locale. Musique très dramatique, pleine de force et de verve.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez M.me Masson, 1806 :

Uthal, opéra en un acte et en vers, imité d’Ossian, Paroles de . de St. Victor, Musique de M. Méhul. Représenté pour la première fois sur le théâtre de l’Opéra-Comique, le 17 mai 1806.

Le texte de la pièce est précédé d’une dédicace à Girodet et d’une préface :

A Girodet.

Je vous dédie, mon cher GIRODET, une faible esquisse de ces héros dont vous avez tracé des images immortelles. Le grand Fingal, ses fils, Gaul, Dermid, s'ils ont jamais existé, ressemblaient, sans doute, aux nobles caractères que vous avez créés. Ils devaient réunir aux proportions idéales des héros d'Homère, je ne sais quoi de sauvage et de barbare qu'on sent plus qu'on ne peut l'exprimer. Ce mélange de rudesse et de beauté, votre pinceau a su le rendre avec une perfection qui vous a valu la critique haineuse des envieux, et l'admiration de tous ceux qui peuvent apprécier les grandes productions des beaux-arts. Vous savez que je vous aime autant que j'estime votre talent : ma dédicace est tout à la fois un hommage au peintre sublime des héros d'Ossian, et un témoignage d'attachement que je donne à mon ami.

J. B.... de Saint-Victor.

Préface.

Parmi les reproches que l'on a faits à cet ouvrage, on l'a sur-tout accusé de manquer de vraisemblance ; cette critique est principalement celle à laquelle je crois devoir répondre.

J'ai placé la scène en Ecosse, et mes personnages sont des héros d'Ossian. Il ne s'agit pas d'examiner ici si ces héros sont réels ou fabuleux, si la tradition de leurs mœurs est vraie ou supposée ; il suffit, je pense, que cette tradition soit reçue, pour que j'aie dû m'y conformer : notandi sunt tibi mores. Si l'on m'accorde ce point qu'il est difficile de me refuser, alors tout s'explique. Les Poésies Galliques sont remplies d'aventures où les filles des Rois courent la nuit, seules, dans les forêts, pour y chercher leurs pères ou leurs époux ; on y voit, à chaque page, des héros bravant, combattant des armées entières ; c'était un usage consacré parmi eux de ne jamais attaquer un ennemi pendant la nuit : s'ils arrivaient sur son territoire avant le jour, ils attendaient le lever du soleil pour donner la bataille, et toute l'armée s'endormait au son des harpes. Les guerriers généreux, ceux de Fingal sur-tout, ne profitaient jamais de l'avantage qui faisait tomber entre leurs mains un ennemi seul et désarmé ; ils le renvoyaient à la tête de ses braves et aimaient à combattre à armes égales ; enfin lorsque les personnages les plus illustres d'entr'eux éprouvaient quelque grande affliction, les Bardes essayaient de les consoler ou de ranimer leurs espérances, en leur chantant quelque aventure analogue à leur situation, et dont l'issue avait été heureuse. Cette coutume, la plus singulière de toutes, est celle qui revient le plus souvent dans les poésies d'Ossian.

J'ai introduit toutes ces choses dans mon petit drame ; on peut trouver le caractère Ossianique un peu bisarre ; mais il me semble qu'on ne doit pas m'accuser d'invraisemblance, parce que j'ai peint avec soin des mœurs extraordinaires, ni me faire un reproche d'avoir rendu fidèlement ce que je voulais rendre.

J'ai dû également, pour être fidèle en tout, conserver les formes du style d'Ossian, et je l'ai fait, autant que les convenances théâtrales et le respect dû à la langue m'ont permis de le faire.

Au reste, les opinions ont été fort partagées sur mon ouvrage. Le plus grand nombre des journaux m'a traité avec indulgence ; les deux qui m'ont critiqué avec le plus d'amertume (le Courrier des Spectacles et le Publiciste) prétendent, l'un que mon sujet est sans intérêt, l'autre que je devais faire trois actes d'un sujet aussi intéressant. Quot capita, tot sensus. Je n'ai rien à répondre au premier, sinon que ce sujet me semble l'un des plus touchans qu'il soit possible de trouver, et qu'il était digne d'être traité par une plume plus habile et plus exercée que la mienne. J'invite le second à y réfléchir quelques instans, et je ne doute point qu'il ne reconnaisse que son opinion a été avancée un peu légèrement, et qu'une situation purement passive, telle que celle de Malvina entre son père et son époux, situation qu'il est d'ailleurs impossible de varier, ne pouvait être prolongée pendant trois actes, sans devenir froide et fatiguante. Le reproche qu'il m'a fait d'avoir seulement esquissé les caractères de Larmor et d'Uthal est encore moins fondé. N'eût-il pas été mal-adroit de leur faire partager l'intérêt qui doit reposer tout entier sur cette femme, modèle de piété et d'amour ? La colère de l'un et l'orgueil de l'autre, suffisant pour développer le caractère principal, j'ai dû n'employer que ces deux ressorts.

J'espère qu'on me pardonnera cette courte défense d'un ouvrage auquel je n'attache d'ailleurs que l'importance qu'il mérite. Mon but, en composant ce petit nombre de scènes, était de fournir à un grand Compositeur une couleur et des effets nouveaux. J'y ai réussi, et cette faible production, qui n'était rien sans lui, est devenue, par ses chants sublimes, un monument précieux et durable.

Courrier des spectacles, n° 3390 du 18 mai 1806, p. 2 :

[Le critique veut convaincre ses lecteurs que la pièce jouée à l’Opéra-Comique vaut bien ce qu’on donne à l’opéra : « il ne lui manque, pour ressembler parfaitement à un grand opéra, que des ballets et un récitatif chanté », le style est celui de la tragédie, les interprètes peuvent être comparés à ceux du Théâtre Français (Monvel, Talma, Mlle Duchesnois). Elle est écrite en vers, dans un style pur et élégant. Un seul reproche : un plan faible, voire bizarre, avec « peu de vraisemblance et d’intérêt » dans les situations. Mais le succès est dû à l’excellente musique de Méhul, au jeu irréprochable des acteurs et à une mise en scène soignée. Après cette cascade de compliments, le critique se lance dans le résumé de l’intrigue, une imitation d’Ossian : lutte entre le roi et son gendre, qui a détrôné son beau-père. Le pauvre roi, que sa fille aimerait ramener à la raison, cherche l’appui d’un « prince brave et généreux ». Rencontrant son mari, elle a avec lui « un dialogue très-pathétique » qui n’aboutit à rien : Uthal se bat contre l’armée de son beau-père, perd le combat et se retrouve enchaîné. Mais Malvina, en refusant de l’abandonner, émeut aussi bien son père et son mari, et tous se réconcilient. Joie générale dans les deux armées... Le jugement sur la pièce commence par reprendre la comparaison avec les vrais opéras, ceux de l’Académie impériale : Uthal est supérieur à certains de ces opéras par le mouvement, la mise en scène et le chant. C’est d’ailleurs la musique que le critique met en valeur : elle se distingue par l’absence de violons dans les accompagnements, ce qui est inédit. L’ouverture a été très applaudie, elle imite un orage. Quelques airs sont signalés, et le principal reproche que fait le critique est qu’ils ne sont pas assez nombreux. De même choeurs et morceaux d’ensemble « sont féconds en effets vrais, profonds et dramatiques ». Les interprètes sont remarquables, avec une mention particulière pour madame Scio. On a failli oublier le nom du librettiste, il est signalé sans fioritures dans la dernière phrase de l'article  son livet ne vaut apparemment pas la musique de Méhul...]

Théâtre de l’Opéra- Comique.

Uthal, imité d'Ossian.

Cet opéra-comique est du genre tragique ; il ne lui manque, pour ressembler parfaitement à un grand opéra, que des ballets et un récitatif chanté. Le style est de la haute tragédie ; la pièce a son Monvel dans la personne de Solié, son Talma dans celle de Gavaudan, et sa Duchesnois dans Mad. Scio. Elle est écrite presque toute entière en grands vers chargés de toute la pompe des figures et des épithètes. Le style est pur, et souvent élégant ; mais le plan en est foible, et quelquefois bisarre. Les situations ont peu de vraisemblance et d’intérêt ; cependant la représentation a eu un très grand succès, d’abord, parce que la musique est de M. Méhul, et qu’elle est digne de la réputation de ce célèbre et savant compositeur ; en second lieu, parce que les acteurs ont joué leurs rôles d’une maniere très distinguée ; et enfin, parce que l’ouvrage est monté avec beaucoup de soin, et soutenu de tout l'appareil théâtral.

Uthal , jeune guerrier plein d’ambition, d’audace et de férocité, a détrôné le Roi Larmor, vieillard foible et pacifique, et s’est en même tems emparé du cœur de Malvina, fille unique de ce prince malheureux. Larmor réduit à errer seul dans les forêts, y retrouve sa fille désolée elle-même du crime de son époux et des infortunes de son père ; elle cherche en vain à calmer son ressentiment ; le vieillard refuse de rien entendre, et invoque l’appui de Fingal, prince brave et généreux. Fingal marche aussi-tôt avec ses soldats, résolu de punir Uthal, et de replacer Larmor sur son trône. Malvina éperdue, parcourt la forêt au milieu des ténèbres, dans l’espoir d y rencontrer quelque guerrier qui s'intéressera à sa cause, et arrêtera l’effusion du sang. Uthal seul et séparé de son épouse, erroit de son côté, dans l’espoir de la trouver. Malvina s’adresse d’abord à lui sans le reconnoître ; Uthal se refuse à toute médiation et se nomme. Ici il s’engage un dialogue très-pathétique entre les deux époux; Malvina presse Uthal de renoncer au trône qu’il a usurpé, et ce Prince lui répond par ce vers, qui paroîtra peut-être un peu singulier :

Pour ne pas être vil, je reste criminel,

comme si le crime étoit une chose bien honorable. Cependant Larmor arrive avec une grande armée ; Uthal la brave tout seul, et cette grande armée a la générosité de le laisser faire et de lui permettre de quitter le champ de bataille, pour aller lui-même se mettre à la tête de ses soldats. Malvina qui n’a pu le ra mener, le quitte et se jette dans le parti de son père. Le combat s'engage ; Uthal est vaincu et cnchainé ; Larmor le condamne à l’exil. Malvina déclare alors qu’elle le suivra. La générosité de cette femme extraordinaire et courageuse émeut le père et le gendre ; ils se reconcilient, et les deux armées se réunissent pour celebrer ce grand événement.

Il y a dans cet ouvrage beaucoup plus de mouvement, d’appareil et de richesses lyriques que dans plusieurs opéra de l’Académie Impériale. La partie musicale est d’une grande beauté d’expression et d’harmonie. On y remarque sur-tout une circonstance neuve, c’est qu’il n’y a pas de violon dans les accompagnemens. L’ouverture a excité de grands applaudissemens ; c’est la peinture d’un orage. L’air de Solié : Ombre de mes ayeux, est d’un style solemnel et touchant tout à-la-fois. Ceux de Gavaudan et de Batiste font regretter que l’auteur ne les ait pas multipliés davantage, mais les chœurs et tous les morceaux d’ensemble sont féconds en effets vrais, profonds et dramatiques. Les acteurs et sur-tout Mad. Scio, que l’on a redemandée après la représentation, ont déployé des talens très-distingués. L’auteur du poème est M. de St.-Victor.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1806, tome III, p. 433-434 :

[Une critique plutôt sévère !]

THÉATRE DE L'OPÉRA COMIQUE.

Uthal, opéra imité des Poésies d'Ossian.

Comme on refait tout, on a voulu refaire les Bardes. Dieu sait si les larmes de Malvina, la haine de Larmor, et les fureurs d' Uthal, sont bien un sujet d opéra-comique, et si les grottes de Fingal, les cyprès, les nuages, le chant des Bardes, ont quelque chose d'amusant. Un roi détrôné, une fille qui court de son amant à son père et de son père à son amant, et qui finit par les raccommoder, le tout assaisonné de chants, peut-être fort beaux, mais toujours à contre-temps; en un mot, un acte qui dure cinq quarts d'heure. Voilà la pièce nouvelle.

On a rendu justice à la composition de M. MÉHUL; mais on eût désiré qu'en donnant à son ouvrage la teinte du sujet, il ne fût pas tombé dans une monotonie fatigante. La suppression des violons dans l'orchestre produit moins d'effet qu'elle n'a semblé bizarre. A l'excéption d'un fort beau chœur, on n'a remarqué aucun morceau saillant.

L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1806, deuxième trimestre, tome V, Mai 1806, p. 271-276 :

[Premier problème soulevé : est-ce bien un opéra comique que cet Uthal ? Le critique y voit plutôt une tragédie lyrique en un acte, par « le sujet, 1e rang des personnages, le ton du dialogue, le caractère de la musique » (la question du genre est importante à cette époque). Deuxième problème : l’imitation d’Ossian, dont la pièce ne garde que les noms de personnages et le lieu, l’intrigue étant « d’invention ». L’analyse de cette intrigue fait apparaître l’abondance des événements censés se dérouler au cours d’un acte unique, ce que la synthèse finale souligne : « un cadre plus étendu » était nécessaire pour tous ces épisodes, tous ces tableaux. Deux épisodes ont pourtant touché le public, comme le style de la pièce, même s’il est trop descriptif, trop figuré, et donc trop peu théâtral. La musique a eu aussi un grand effet. Le critique discute la décision de Méhul de ne pas faire appel aux violons et de n’utiliser que les quintes (les altos, ou un instrument proche de l’alto ?). Sans critiquer cette décision, il se montre plutôt réticent (obtient-on une « harmonie aussi complette et aussi variée qu'elle peut l’être » ?). La richesse de cette musique impose qu’on l’écoute plusieurs fois pour qu’on l’apprécie à sa juste valeur, mais elle est jugée digne de son maître, et digne d’être un objet d’étude pour les musiciens. L’interprétation est excellente : Uthal marque le retour au premier plan de madame Scio, bien secondée par les chanteurs qui l’entourent. Une réticence seulement à propos des choeurs.]

Théâtre de l'Opéra–Comique.

Uthal ne semble pas avoir été primitivement destiné à faire partie du répertoire de l'Opéra-Comique. C'est une tragédie lyrique en un acte : le sujet, 1e rang des personnages, le ton du dialogue, le caractère de la musique, tout justifia ce titre, et tout paraissait devoir fixer la place d'un ouvrage de cette nature sur notre grande scène lyrique. Ainsi devaient y paraître, dans le temps où ces ouvrages ont été donnés, la Médée, de Chérubini, le Télémaque, de le Sueur, productions musicales du premier ordre, qui exigeaient un théâtre du premier rang, et qui, faute du spectacle, des accessoires, et des développemens que leur sujet comportait, n'ont pas obtenu, un succès aussi long qu'il a été vif et mérité.

L'auteur d'Uthal est M. Saint-Victor, connu déjà très-avantageusement par les poèmes, intitulés l'Espérance et le Voyage du poète,et aussi par quelques ouvrages qui ont réussi au théâtre. Il annonce que sa pièce est imitée des poésies d'Ossian, et cette expression est tout-à-fait propre ; car en parcourant le recueil des poèmes publiés par Macpherson, et récemment traduits avec un talent distingué par M. Baour-Lormihan, on voit que M. Saint-Victor n'a précisément puisé son sujet dans aucun de ces poèmes, ni même dans celui qui porte le titre de sa pièce. Il n'a réellement pris au Barde antique que les noms de ses personnages, le lieu de la scène, les images et le style figuré qui appartiennent à ce genre. Le sujet est véritablement d'invention : du moins les deux scènes principales qui ont paru le plus fixer l'attention et l'intérêt des spectateurs, lui appartiennent-elles sans contestation.

Uthal, prince calédonien, a détrôné Lormor, père de Malvina, son épouse. Une ambition aveugle l'a porté à ce crime, et tout son amour pour Malvina n'a pu l'arrêter au moment de le commettre. Lormor a pris la fuite, et suivi de sa fille, appui généreux de sa veillesse [sic], qui, pour son pére, a abandonné son coupable époux, cet OEdipe nouveau a imploré des secours chez les guerriers de Morven, à la cour du puissant Fingal. Ces guerriers promettent de le défendre et de punir son ennemi ; ils attendent le jour pour marcher contre Uthal, lorsqu'on voit paraître ce prince qui, regrettant une épouse chérie, recherche ses traces et la demande à tout ce qu'il voit. Les guerriers de Fingal reposent. Malvina, tremblante pour les jours de son père, dans le combat qui va se livrer, cherche un guerrier auquel elle puisse confier le soin de défendre une tête si chère, de le couvrir de son bouclier et de parer les traits lancés contre lui. Dans l'ombre de la nuit, elle s'adresse à Uthal lui-même, et ne le reconnaît qu'au moment où les guerriers de Fingal prennent les armes, et trouvent seul et environné, l'ennemi qu'ils allaient combattre. Lormor est à leur tête, Lormor veut qu'Uthal avoue son crime et le répare. Uthal préfère mourir les armes à la main, et seul défie l'armée qui le menace ; mais les lois de l'honneur ne permettent pas ce combat inégal. Les Bardes élèvent la voix, et Uthal est renvoyé libre ; on ne le combattra que quand il reparaîtra à la tête des guerriers de Dunthalmon dont il est le chef. Avant de se retirer, il presse son épouse de le suivre, mais Malvina reste à son père malheureux, et refuse de suivre son époux rebelle.

Uthal revient bientôt à la tête des siens ; mais la fortune se déclare pour la cause la plus juste, Lormor est vainqueur, et les guerriers de Fingal traînent Uthal enchaîné. Son exil est prononcé : Malvina, toujours fidèle au parti malheureux, va suivre son époux comme elle avait suivi son père. Ce que n'avait pu le devoir, la prière de Malvina, le danger ; ce que n'eût pu la mort même, la vertu de Malvina l'obtient de son époux : il tombe aux pieds de son père, avoue son crime, demande et obtient sa grace.

Cet opéra n'a qu'un acte, et l'on voit que le sujet exigeait plus de développement, et comportait une variété et une pompe de spectacle, des épisodes et des tableaux accessoires, qu'un cadre plus étendu aurait facilement renfermés. Cependant l'auteur, en se resserrant dans de si étroites limites, a encore eu le mérite de disposer deux situations intéressantes et théâtrales, celles où Malvina quitte son époux pour son père, et ensuite son père pour son époux. Ces situations ont assuré le succès du drame, dont au reste on a remarqué le style : il a de l'élévation, de la correction, de la vigueur ; il a bien la couleur des poésies d'Ossian ; mais on sait qu'en général ce style descriptif et figuré, puisant toujours ses images dans les mêmes objets, abonde en répétitions comme en épithètes, et est très-peu dramatique.

On eût senti à la représentation ce vice inhérent au sujet, si le dialogue eût été plus long, et si la musique riche, harmonieuse et savante de M. Méhul n'était venue souvent-le couper par des morceaux d'un style tout-à-fait en harmonie avec le sujet, les localités, et le ton des personnages.

M. Méhul, pour cet opéra, a renoncé à l'emploi du violon, dans son orchestre : les quintes seules se font entendre à la place de cet instrument ; la composition en reçoit dans son ensemble un caractère plus solennel ; son harmonie en devient plus grave et plus mélancolique : nous n'entreprendrons pas de demander à un maître, tel que M. Méhul, si, avec ce système, il croit son harmonie aussi complette et aussi variée qu'elle peut l'être, et si les violoncelles ne se confondent pas trop ici avec les quintes dans des accords d'une gravité et trop constante, et trop uniforme : il est évident qu'une telle innovation n'est qu'une application particulière à un sujet que le compositeur en a cru susceptible, et l'effet qu'elle a produit en cette occasion peut le justifier. Nous voudrions citer les morceaux qui ont été le plus applaudis : tous ont paru porter le cachet du maître ; mais la plupart ont besoin d'être entendus souvent, et d'être étudiés. C'est le propre d'une composition aussi dramatique, aussi sérieuse et aussi savante. Son succès ne peut ressembler en rien à celui d'une production légère, brillante de verve et de gaité, mais il est plus durable comme il est plus difficile à obtenir : il serait en effet possible que cette composition ne fût pas d'abord appréciée à sa juste valeur par les simples amateurs ; mais parmi les connaisseurs, les étrangers, et sur-tout parmi les Allemands, très-amis de ce genre de style, nul doute qu'elle ne devienne un nouveau titre de gloire pour son auteur, et un objet d'étude pour les gens de l'art.

La pièce a été très-bien jouée. Mme. Scio a retrouvé dans le rôle de Malvina le talent qu'elle déployait d'une manière si brillante dans Calypso, Médée, Elisa et Juliette, cette diction expressive, ce jeu énergique, et cet accent dramatique qui lui eussent assigné un rang distingué parmi les actrices tragiques, si la rare beauté de sa voix ne l'avait engagée dans une autre carrière. Gavaudan et Solié la secondent très-bien. Les chœurs ont de l'ensemble et de la fermeté, mais pas assez -de corps. La partie instrumentale a saisi avec habileté l'esprit et les intentions du compositeur.

L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1807, deuxième trimestre, tome V, Mai 1807, p. 289 :

Théâtre de Bruxelles.

[...]

Uthal.

C'est selon moi un contre-sens que de faire résonner la harpe d'Ossian à l'Opéra-comique. Quelle production gaie qu'Uthal ! Un vieillard détrôné, plein de fiel et de haine, un jeune guerrier, féroce et ingrat, une fille qui court de son amant à son père, et de son père à son amant, et finit par les raccommoder ; voilà les trois personnages qui traversent alternativement la bruyère, et se disent force injures toutes les fois qu'ils se rencontrent. Quel sujet d'opéra-comique, que les larmes de Malvina, la haine de Larmor et les fureurs d'Uthal ! Les auteurs ont sans doute pris les habitués du parterre pour des habitans des Hébrides, et ont cru que la grotte de Fingal, ses cyprès, les nuages et les chants des Bardes, avaient quelque chose de fort amusant. Pour moi qui n'aime pas les enterremens et la musique d'église à l'Opéra-comique, j'avoue qu'Uthal m'a complettement endormi, et les sons monotones des quintes ont prolongé mon assoupissement. La suppression des violons, plus bizarre qu'étonnante, est un tour de force de la part du compositeur, et prouve sa facilité et son génie ; mais la musique d'Uthal ne sera jamais de la musique d'opéra, et à l'exception d'un beau chœur et de l'hymne, elle n'offre pas de morceau saillant.

Comme le climat des Hébrides est glacial, la pièce est également glacée. Les acteurs de Bruxelles ont eu beau fatiguer leurs poumons, ils ne l'ont pas réchauffée. Le talent de Mme. Berteau, la chaleur de M. Hurteaux, l'exactitude et la sévérité de son costume, que nous avons remarquées avec plaisir, ne suffisent pas pour rendre Uthal supportable. M. Huet était entièrement déplacé dans Larmor. De pareils rôles ne lui conviennent nullement, et s'il a joué celui-ci par complaisance pour l'administration, il doit à l'avenir, par intérêt pour elle et pour lui, n'en plus prendre de semblables. Déclamer ou psalmodier des vers, ne sont pas même chose.

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