La Vallée suisse

La Vallée suisse, opéra-comique en trois actes, de Sewrin et Chazet, musique de Weigel, 29 octobre 1812.

Théâtre de l’Opéra-Comique.

Titre

Vallée suisse (la)

Genre

opéra-comique

Nombre d'actes :

3

Vers / prose ?

prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

29 octobre 1812

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

MM. Sewrin et Chazet

Compositeur(s) :

M. Weigel

Pièce qui a connu plusieurs états, qu’on peut suivre à partir de la notice de la Vallée suisse dans le catalogue de Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 437 :

  • une comédie intitulée Pauvre Jacques, de Sewrin et Chazet, jouée au Vaudeville en 1807 ;

  • une adaptation en opéra-comique en allemand, sur une musique de Weigel, die Schweizer Familie ;

  • une « parodie » en français, la Vallée suisse, jouée à l’Opéra-Comique en 1812. ;

  • dernière réincarnation, sa reprise le 6 février 1827, au Théâtre de l’Odéon.

Il est attribué à la pièce 6 représentations, sans doute reprise comprise.

Dans les Supercheries littéraires dévoilées, volume 5, p. 639, Joseph-Marie Quérard affirme que Sewrin n’est pas l’auteur de cette pièce :

Cette pièce n'est point de M. Sewrin, mais une traduction de l'allemand de Castelli (par qui ?), et arrangée pour la scène française par celui dont elle porte le nom.

Elle a été reprise et réimprimée à Paris, en 1827, sous le nouveau titre de : « Emmeline, ou la Famille suisse. Paris, Bezou, in-8. — Le titre de cette édition indique que c'est une traduction de l'allemand.

L'original est intitulé : « Die Schweitzer Familie ». La musique de Weigl a été conservée pour la traduction.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Fages, 1812 :

La Vallée suisse, opéra-comique en trois actes ; Paroles de M. Sewrin, Musique de M. Weigel ; Représenté à St. Cloud, devant Sa Majesté l’Impératrice et Reine, le Jeudi 29 Octobre 1812 ; Et le Samedi suivant, à Paris, sur le Théâtre impérial de l’Opéra-Comique.

Journal des arts, des sciences et de la littérature, onzième volume (1812), n° 185 (Troisième année), 5 septembre 1812, p. 163-164 :

[La pièce a tellement peu plu au malheureux critique qu’il exprime d’abord un vif embarras et pose des questions déontologiques tout à fait pertinentes : comment rendre compte de façon juste de ce qu’on n’a pas aimé. Parce qu’il n’a aimé de la pièce que la musique : sujet pas original, livret très pauvre, pièce trop longue, personnages inutiles.]

Première représentation de Pauvre Jacques, ou la Vallée suisse, paroles de M. Sewrin, musique de M. Weigel.

Quand on ne cherche pas à devenir chef de secte, et surtout quand on s'estime assez pour montrer de la franchise, il est difficile de rendre compte d' un ouvrage insignifiant. Ne dire que peu de mots, ce serait blesser l'amour-propre de l'auteur ; faire de nombreux éloges, ce serait mentir à sa conscience; s'appesantir sur de longues critiques, ce serait injustice ; s'il faut s'en tenir au chapitre des réflexions, on marche sur le bord de l'écueil.

Encore, si quelque vieille profession de foi vis-à-vis de mes lecteurs, m'obligeait de redire de temps en temps, à propos de Mérope ou de Cinna, que Voltaire est un méchant homme, et que tous les philosophes sont autant de fripons ! je trouverais aisément, dans mon porte-feuille, un petit ambigu pour chaque pièce nouvelle. Rien n'est moins pénible ni plus ingénieux que d'attaquer les morts pour épargner les vivans : c'est tenir à peu près, en littérature, les registres de l'état-civil, et délivrer aux uns des certificats de naissance, quand on semble donner aux autres un second acte de décès.

Peut-être, en effet, serait-ce un exemple à suivre et une source inépuisable d'articles que cette haine vouée au parti philosophique ; mais encore faudrait il qu'elle fût désintéressée, et que les ouvrages des philosophes valussent tout le mal qu'on veut en dire. Je sais bien qu'il serait facile de troubler encore une fois les cendres de Jean-Jacques, en parlant de la Vallée suisse, et que, d'attaque en attaque, on pourrait arriver à la fin de l'article ; mais qu'y gagneraient mes lecteurs ? des pointes, des jeux de mots, de l'ennui, jamais le sel de l'à-propos.... Autant vaudrait parler de Voltaire ou d'Homère en cinq mortelles colonnes , à propos de Jérusalem délivrée.

La Vallée suisse est un sujet déjà connu sous le titre de Pauvre Jacques. D'une chanson on avait fait un vaudeville ; du vaudeville on a voulu faire un opéra comique, et la distance qu'il y avait à franchir entre ces deux intervalles, ne serait pas remarquable, si le talent de M. Weigel ne plaçait aujourd'hui l'opéra fort au-dessus de l'ancien vaudeville.

Je ne dirai pas, comme un de nos journaux, que la pièce ne vaut que par la musique : je craindrais que l'auteur des paroles ne me cherchât querelle en fait de grammaire, et que la querelle ne fût pas à mon avantage : mais je conviendrai que le poëme a exigé peu d'invention ; que, sans le secours de la musique, il serait mort sans doute avant terme ; et que M. Sewrin doit à M. Weigel une existence de trois actes.

Comme Nina, une paysanne suisse, contrariée dans ses jeunes amours, devient folle tout à coup ; comme Nina, la vue de son amant suffit pour la guérir : voilà le sujet sur lequel roule toute l'action. L'auteur a bien donné deux rôles obligés au père et à la mère de cette nouvelle Nina ; mais il a conservé un seigneur, un concierge et un niais, dont les spectateurs se seraient volontiers passé. Généralement l'ouvrage, copié mot à mot sur l'ancien vaudeville, n'est qu'ébauché : il eût été charmant en un acte ; il est fastidieux en trois.

Cependant, il faut en tout un juste systême de compensation ; aussi la musique a-t-elle suffi pour dédommager du vide du poëme et de la langueur des paroles. L'ouverture est d'un bon caractère ; elle est agréable autant que savante : quelques passages sont plus chantans qu'harmonieux ; mais aujourd'hui ce défaut est si rare, qu'on est forcé de l'excuser : d'ailleurs, l'ensemble a mérité de nombreux applaudissemens, et l'on n'a critiqué que la fin, qui a paru moins soignée. Le premier air du premier acte a produit peu d'effet ; mais le finale du second, un quatuor, et deux duos, ont entraîné tous les suffrages.

Lesage a fort bien rempli le rôle du niais : c'est peut-être le premier acteur qui, dans de tels emplois, conserve une figure plutôt originale que naïve, et le seul qui s'éloigne également du trivial et de l'affectation. On dirait presque qu'il a su donner de la noblesse à la niaiserie.

Mlle. Regnault ne mérite point de nouveaux éloges : elle a paru dans le rôle d'Emmeline, ce qu'elle a toujours été et ce qu'elle sera constamment, une excellente actrice, une musicienne agréable. Son jeu a souvent ému le spectateur ; mais il eût produit plus d'effet sans une scène ridicule où le niais, qui se croit aimé de la jeune paysanne, achève toutes les phrases que lui arrache le délire, et s'empare d'un nœud de rubans, qu'elle croit donner à Jacques Fribourg. Le pathétique approche quelque fois un peu du ridicule, la parodie se plaît souvent à confondre ces deux genres ; mais ce sont deux voisins d'un caractère trop opposé pour qu'il soit possible de les réunir sur un grand théâtre.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 17e année, 1812, tome VI, p. 170-171 :

[Cette pièce est une fausse nouveauté, et l’intrigue n’est pas très originale (allusion à Nina ou la Folle par amour, l'opéra-comique de Marsollier, musique de Dalayrac, 1787, bien connu des spectateurs et des lecteurs). Par contre la musique est mise en avant : elle est dans un style rarement pratiqué en France...]

THÉATRE DE L'OPÉRA COMIQUE.

La Vallée suisse, opéra comique en trois actes, jouée le 31 novembre.

Cette pièce, de MM. Sewrin et Chazet, fut jouée au théâtre du Vaudeville, il y a cinq ou six ans, sous le titre de Pauvre Jacques. Tout le monde connoît la romance qui en avoit fourni le sujet. La pièce eut peu de succès. Voici en quelques mots comment les auteurs avoient arrangé leur fable.

Ils supposèrent qu'une jeune paysanne de la Suisse, transportée en Allemagne, loin de Jacques Fribourg, son amant, y devient folle ou malade de chagrin. Le seigneur allemand, qui doit une grande reconnoissance aux parens de cette nouvelle Nina, fait arranger leur habitation comme celle qu'ils occupoient dans leur patrie. Le jeune Fribourg ne tarde pas à se rendre dans cette terre ; il y arrive par-dessus les murs, et l'air de Pauvre Jacques, chanté quelques instans après, opère la reconnoissance et le dénouement.

M. Weigel, maître de chapelle de S. M. l'impératrice d'Autriche, a repandu dans cette composition un charme devenu bien rare parmi nous, c'est celui d'un chant soutenu et d'une grande douceur d'accompagnemens. Les connoisseurs ont principalement admiré un duo très-original, et un chœur nocturne des plus harmonieux.

Mademoiselle Regnault s'est acquittée en habile comédienne du rôle d'Eméline. Paul a mis beaucoup de franchise dans celui de Jacques Fribourg. Chenard, Lesage, Juliet, Gavaudan, et Mademoiselle Desbrosses, n'ont pas moins contribué au succès de l'ouvrage.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome XII,décembre 1812, p. 277-280 :

[Pas besoin de s’étendre sur le sujet de la Vallée suisse, il n’a rien d’original et reprend, en moins bien, celui de la très populaire Nina ou la Folle par amour, l'opéra-comique de Marsollier, musique de Dalayrac, 1787. Le résumé de l’intrigue est donc rapide et prend soin de faire les rapprochements nécessaires. L’intrigue est d’abord « une comédie larmoyante », Pauvre Jacques, dont un compositeur allemand (dont le nom est d’ailleurs déformé : Weigel est devenu Weber) s’est emparé pour en faire un « drame lyrique », revenu en France sous forme d’une « parodie » (des paroles françaises sont substituées aux paroles allemandes). C’est donc surtout de la musique qu’il va être question, pour en dire du bien : elle « a le mérite d'une expression juste, d'un ton approprié à la situation de chaque morceau et de chaque personnage ; elle a du naturel et du chant ». L’orchestre est bien utilisé, sans démesure. Hélas, les interprètes français sont de trop piètres chanteurs pour qu’on puisse apprécier ce qu’ils chantent. Occasion pour le critique pour faire la différence entre deux visions de l’opéra, en France et à l’étranger, où « on fait des opéras pour qu'ils soient chantés », quand en France, on se contente qu’ils soient bien joués. Autre problème, celui de l’adaptation des paroles, qui n’est pas réussie : « on distingue à peine la prose du dialogue de la prose rimée et quelquefois sans mesure et sans rime, écrite pour la musique de M. Weber », victime comme d’autres d’une traduction mal faite. Pourtant, sa musique comporte dans tel morceau « un motif et des effets neufs et harmonieux ». Et le critique de proposer qu’on donne des paroles françaises à Weber/Weigel pour qu’il y exerce son talent.]

THÉÂTRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.

La Vallée suisse, opéra en 3 actes.

Peu de mots nous suffiront pour donner une idée du sujet de la Vallée suisse. Ce sujet est celui de Nina fort affaibli. Nina n'a qu'un acte qui est attachant et bien coupé ; la Vallée suisse en a trois qui sont vides et languisans ; tout l'intérêt attaché à une telle situation restera donc à la pièce de M. Marsollier tant qu'il y aura une actrice capable d'y rappeller Mme. Dugazon.

Emeline, la Nina nouvelle, est une paysanne de la vallée de Griswald. Le comte de Walstein, à qui le père d'Emeline a sauvé la vie dans la glacière, a emmené la famille dans ses terres en Allemagne, et lui a assuré une retraite honorable et paisible.

Cette famille reconnaît les bontés du comte, qui a eu la délicate attention de figurer dans sa terre la Chaumière suisse et tout ce qui pouvait rappeller la Vallée ; c'est le trait du prince d'Estherasy après l'incendie de la maison d'Haydn. Mais Jacques Fribourg, le pauvre Jacques dont la romance est si connue, n'a pas pu suivre Emeline en Allemagne, et la raison de la jeune helvétienne s'est aliénée. Mais comme le Germeuil de Nina, Jacques Fribourg arrive, et la fameuse romance, qui le fait reconnaître comme celle de Blondel, fait sur Emeline l'effet du baiser de Germeuil, elle la rappelle à la raison et au bonheur. Voilà le sommaire de l'ouvrage, on voit combien on y trouve d'idées appartenant à l'auteur. Il en avait fait le sujet d'une comédie qui a eu peu de représentations. Le Théâtre Allemand s'en est emparé, et grâce à la musique de M. Weber, maître de chapelle de S. M, l'empereur d'Autriche, l'ouvrage qui est assez dans le goût allemand a eu beaucoup de succès aux théâtres de Vienne et de Prague.

C'était sa première métamorphose ; par l'effet d'une seconde nous le revoyons de nouveau et sur un autre théâtre ; la comédie larmoyante du Pauvre Jacques est aujourd'hui un petit drame lyrique, auquel le désir d'entendre une composition d'un maître étranger attirera sans doute les amateurs de musique.

Cette composition a le mérite d'une expression juste, d'un ton approprié à la situation de chaque morceau et de chaque personnage ; elle a du naturel et du chant. L'orchestre traité avec habileté, mais sans étaler un luxe déplacé, se fait remarquer par une heureuse distribution des instrumens, et particulièrement un usage agréable de ceux à vent. Toutefois cette composition ne peut guère être appréciée telle qu'elle est exécutée à Paris. La plupart des chanteurs auxquels elle est confiée, n'ont pas à un degré assez caractérisé la qualité de voix qui serait nécessaire, ou n'en ont pas du tout ; en Allemagne et en Italie on fait des opéras pour qu'ils soient chantés : ici, lorsqu'ils sont bien joués, le public le plus souvent n'exige rien de plus ; il se montre très-satisfait : mais le compositeur, qui n'a pû être apprécié et senti, qui n'a pas vu ses effets rendus, doit être moins content.

Un autre inconvénient se fait remarquer dans la métamorphose subie par l'ouvrage en question. Le compositeur a écrit sa partition sur des paroles allemandes ; il a fallu les parodier en français, et ce travail auquel personne ne se livre parce qu'il est pénible et sans gloire, se trahit ici par sa difficulté même ; on distingue à peine la prose du dialogue de la prose rimée et quelquefois sans mesure et sans rime, écrite pour la musique de M. Weber. Ce défaut était de nature à frapper beaucoup de personnes à Paris ; ailleurs on ne s'en serait pas apperçu et on n'eût donné d'attention qu'au compositeur. M. Weber n'est pas au reste le premier de sa nation dont les compositions aient été affaiblies dans leur effet théâtral par de semblables parodies ; c'est un inconvénient inhérent à notre langue, et au goût plus sévère, plus littéraire que musical du spectateur français. Cependant ou a singulièrement applaudi son ouverture, un duo fort original, un trio et un morceau d'ensemble nocturne pour le sommeil de la Nina, dans lequel, sans imiter Paësiello ni Dalayrac, M. Weber a trouvé un motif et des effets neufs et harmonieux. On ne peut que souhaiter, après avoir entendu cette composition, qu'à l'exemple des plus fameux maîtres des deux écoles, au lieu de voir sa musique parodiée, M. .Weber s'exerce lui-même sur des paroles françaises et nous donne une idée encore plus favorable, c'est-à-dire, encore plus juste de son talent.               S......

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