Le Voyage d'Epernay

Le Voyage d'Epernay, opéra en un acte, en prose, paroles d'un anonyme, musique parodiée sur les morceaux connus des plus célèbres compositeurs d'Europe (Haydn, Paësiello, Cimarosa, Vincenzo-Martini, Fabrici et Parenti), 23 frimaire an 9 [14 novembre 1800].

Théâtre Lyrique rue Feydeau

Titre :

Voyage d’Epernay (le)

Genre

opéra

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose, avec couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

23 brumaire an 9 (14 novembre 1800)

Théâtre :

Théâtre Lyrique, rue Feydeau

Auteur(s) des paroles :

resté anonyme

Compositeur(s) :

Haydn, Paësiello, Cimarosa, Vincenzo-Martini, Fabrici et Parenti

Almanach des Muses 1802

Poème que n'a pu soutenir la musique d'Haydn, de Mozart, de Paësiello, de Cimarosa, etc.

Courrier des spectacles, n° 1351 du 24 brumaire an 9 [15 novembre 1800], p. 2 :

[C’est d’une chute que le critique doit rendre compte. Il propose deux causes à cet échec, « la nullité d’intrigue et le vuide de la plupart des scènes qui se succèdent sans motif comme sans vraisemblance ». L’intrigue repose sur la rivalité de deux hommes pour obtenir la main d’une jeune fille. C’est par la ruse que Florval arrive à ses fins, en transformant sa maison en fausse auberge, et en utilisant la capacité de son domestique à se déguiser, en milord anglais, puis en coquette. Le rival tombe dans le piège que lui tend la coquette, et Florval épouse Elise. La pièce a suscité des murmures, puis des sifflets. Inutile de s'appesantir : l’auteur a déjà mieux fait (le critique saurait son nom ?). Quant à la musique, elle paraît meilleure que ce qu’en ont fait les interprètes. L’orchestre a été excellent, et a rappelé à bien des spectateurs qu’ils ont entendu ces airs si bien interprétés il y a quelques années.]

Théâtre Feydeau.

Le Voyage d’Epernay n’a pas été heureux ; c’est tout au plus si les voyageurs ont pu arriver au bout de leur carrière. La chûte de cet ouvrage a eu deux causes, la nullité d’intrigue et le vuide de la plupart des scènes qui se succèdent sans motif comme sans vraisemblance. Voici le sujet :

Florval, qui possède une riche habitation dans les environs d’Epernay, apprend qu’Elise, qu’il aime, doit arriver bientôt dans la ville avec madame Dubertrand, sa mère, et un certain Rolanville, espèce d’imbécile qui compte épouser la jeune personne et rétablir ses affaires avec la dot. Florval, pour traverser ce bisarre projet, gagne le conducteur de la voiture et fait ensorte que les voyageurs sont obligés de s’arrêter dans sa maison, qu’il a transformée en auberge, au moyen d’une enseigne mise au hasard. Lui-même se déguise en aubergiste. Quand ils sont tous arrivés, il cherche les moyens de dégoûter Rolanville du mariage qu’il a en vue. A cet effet, Frontîn prend tour-à-tour l’extérieur et le langage d’un Mylord qui veut aussi épouser Elise, et d’une coquette qui attire à elle les vœux du sot personnage, en se faisant passer pour fort riche; et c’est lorsque Rolanville est aux genoux de cette prétendue femme, que Florval, Elise et Madame Dubertrand viennent le désabuser sur son étrange conquête, et lui persuader qu’il ne peut plus compter sur la main d’Elise, décidément donnée à Florval.

Cette pièce a été entendue avec beaucoup de murmures, auxquels ont bientôt succédé les sifflets.

Nous n’épuiserons pas ici les traits de la critique ; l’ouvrage est jugé ; l’auteur peut faire mieux et l’a déjà prouvé.

Quant à la musique adaptée aux paroles, qui se lasseroit de l’entendre, si elle étoit confiée à des voix dont aumoins les avantages fussent assez sensibles pour en faire valoir toute la richesse ?

L’orchestre seul a soutenu les beautés des diverses compositions. N’oublions pas qu’un grand nombre de spectateurs ont encore les oreilles frappées des voix enchanteresses qui out chanté les mêmes morceaux à ce théâtre, il ÿ a quelques armées.

B * * *.          

Réimpression de la Gazette nationale, tome 23 (Paris, 1800 ?), Gazette nationale, ou le Moniteur universel, n° 57 (27 brumaire an 9) p. 224 :

[Compte rendu sévère d’une œuvre qui n’a pas réussi. La critique part de la lettre que l’auteur a fait paraître dans un journal pour présenter sou travail, et critique vertement le résultat : pour utiliser la musique de maîtres aussi prestigieux que ceux qu’il mis à contribution, il faut s’élever à leur hauteur; « rendre digne d'eux le cadre dans lequel on introduirait leurs productions », et non « donner un ouvrage négligé sous tous les rapports ». Les interprètes n’ont rien pu pour sauver une telle œuvre.]

Théâtre Feydeau.

Le Journal de Paris contenait le 23 la lettre suivante :

On donne aujourd’hui, 23, au théâtre Feydeau le Voyage d’Epernay, opéra en 1 acte. La musique est en grande partie connue. Elle est de Haydn, Paësiello, Cimarosa, Vincenzo-Martini, Fabrici, et d’un autre maître italien qui est en France1. Cette piece n’est cependant point une traduction, ni une parodie d’un ouvrage étranger.

En attachant au fond léger de ce petit ouvrage,quelques morceaux faits par des compositeurs si chéris et si célebres, je n’ai eu d’autre but que de procurer des jouissances aux amateurs de la musique, et de fournir à l’orchestre du théâtre Feydeau, qui est familiarisé avec les chefs-d'œuvre, une nouvelle occasion de faire briller sa charmante exécution.

J’ai suivi en ceci une idée indiquée dans les Mémoires de Grétry sur la musique.

Je serai trop heureux que des noms si beaux me servent d’appui.

L’auteur du Voyage d’Epernay.

Il est vrai, l'on peut suivre hardiment un conseil donné par Grétry, et ce n'est pas seulement en fait de musique et de pieces de théâtre. Sans parler du talent dont il est doué, quel compositeur a plus souvent et mieux étudié le goût national ? qui peut dire avec plus de raison que lui, en avoir fait d'heureuses épreuves ? D'autres doivent leur expérience à des revers : il doit la sienne â des succès sans nombre. On doit donc l'écouter et l'en croire ; mais avant de suivre son conseil, il faut être certain de l'avoir bien entendu.

Par exemple , il est impossible de croire que Grétry ait pensé qu'un ouvrage de la derniere médiocrité réussirait en France par respect pour la célèbrité des compositeurs dont on aurait emprunté la musique. Celle de Grétry lui-même n'eût pas sauvé de l'oubli de tels ouvrages ; mais la plupart des pieces pour lesquelles il a travaillé, sont des modeles dans le genre de l'opéra comique. Ces ouvrages heureusement choisis quant au sujet, habilement traités et soutenus d'une musique expressive, variée, locale et sur-tout chantante ; ils plairont toujours, et, ce qu'il y a de mieux, ils plairont à tout le monde.

Si donc l'auteur du Voyage d'Epernay eût bien entendu le conseil donné par l'auteur des Essais sur la musique, il eût aisément reconnu que plus le nom des compositeurs qu'il mettait à contribution était célebre, plus il fallait rendre digne d'eux le cadre dans lequel on introduirait leurs productions : qu'au lieu de donner un ouvrage négligé sous tous les rapports, sorte de cannevas dont les situations communes sont à peine indiquées, dont les scenes sont à peine écrites, il devait employer tout ce qu'il peut avoir de talent, du moins pour ne pas compromettre celui des autres : il desirait que les noms célebres lui servissent d'appui ; mais pour être soutenu par quelqu'un, il faut au moins s'approcher de lui : or, notre auteur s'est tenu à une telle distance de ceux dont il empruntait le secours, qu'ils n'ont pu le soutenir dans sa chûte. Son but était louable, sans doute ; il ne voyait en tout ceci que la gloire des compositeurs italiens, et nullement la sienne. Le public a traité comme une négligence , ce qui n'est peut-être au fond que du désintéressement. On sait que le public aime rarement qu'on soit avec lui désintéressé , au point de ne pas mériter ses suffrages. Si l’on ne peut blâmer les premiers sujets du théâtre de n’avoir pas concouru à la représentation de cet ouvrage, on doit des éloges au zèle et aux efforts que les seconds ont inutilement faits pour lui obtenir des succès.

S....

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, VI. année (an viii, 1800), tome quatrième, p. 269 :

Théâtre Feydeau.

Le Voyage d'Epernay.

Cet opéra a été joué le 23 brumaire, sans succès. On avoit pourtant espéré que les noms de Haydn, Pæsiello, Cimarosa, Vicenzo Martini et Fabrici, pour la musique, soutiendroient le poëme ; mais sa foiblesse a excité les murmures, et déterminé sa chute ; d'ailleurs, la musique étoit connue : c'étoient des morceaux choisis de divers opéras, joués avec succès au théâtre Feydeau.

1 Francesco Parenti, professeur habile, et compositeur plein de goût , qui , par modestie sans doute , n'a pas voulu se nommer après ses maîtres. --- ( Note du rédacteur. )

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