Les Véritables honnêtes Gens

Les Véritables honnêtes gens, comédie en 3 actes, de la citoyenne Villeneuve [François Cizos-Duplessis], 29 vendémiaire an 6 [20 octobre 1797].

Théâtre de la République

Titre :

Véritables honnêtes gens (les)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

prose

Musique :

non

Date de création :

29 vendémiaire an 6 (20 octobre 1797)

Théâtre :

Théâtre de la République

Auteur(s) des paroles :

Citoyenne Villeneuve [François Cizos- Duplessis]

Almanach des Muses 1799 (qui donne comme titre les Vrais honnêtes gens).

Pièce de circonstance.

Peu d’action, des scènes agréables.

La pièce se déroule sous le Directoire et évoque le 18 fructidor an V, date d’un coup d'État fomenté par trois des cinq directeurs, censé empêcher une action des partisans de la Royauté désireux de mettre fin au régime républicain. Les deux directeurs favorables au rétablissement de la monarchie sont destitués, de nombreux suspects de sympathies royalistes (députés, prêtres, journalistes) sont déportés en Guyane.

Le Dictionnaire historique, littéraire et bibliographique des Françaises de Fortunée Bernier Briquet (Paris, an XII – 1804), p. 338, consacre une brève notice à la pièce et à son auteur(e) supposé(e) :

VILLENEUVE, a donné, au mois de brumaire an 6, au Théâtre de la République, les vrais Honnêtes-gens, comédie. C'est une pièce de circonstance. On y trouva peu d'action; mais elle renferme des scènes agréables.

Le Censeur dramatique de Grimod de la Reynière, tome I, n° 7 (10 brumaire an 6), p. 414-418 :

[L’intrigue est résumée de façon précise. Le critique signale même ses omissions (et les justifie : personnage nul, ou personnage sentencieux) dont une est surprenante (affirmation du fait que l'événement du 17-18 fructidor est « absolument étranger à la Pièce », ce qu’on pourrait discuter). Le jugement porté sur la pièce est sévère : « l’action en est froide, l’intrigue invraisemblable et mesquine », les caractères sont tous identiques, scènes à l’enchaînement arbitraire, pièce sans intérêt, sans esprit, au style trivial et commun (suprême injure, « on croit lire les Journaux du temps de Robespierre »). Une telle pièce aurait dû ne pas aller à la fin, mais le critique a une explication à cette apparence de succès : la salle était occupée par « les Frères et Amis » et par « les Amis de l’Auteur », soupçonnés d’être payés, il eût été risqué de siffler, et « les Gens sages, les Spectateurs désintéressés » sont restés tranquilles. On a donc pu nommer l’auteur, dont le critique conteste qu’elle soit, comme annoncé, une « femme très connue ». Il voit en elle une « très jeune personne » à qui il donne des conseils comme il aime en donner : « nous l’invitons à mûrir ses idées, à combiner ses plans, à travailler ses caractères, et à apprendre sur-tout à écrire », parce que le patriotisme même ardent ne suffit pas. Par ailleurs, il doute que les femmes soient aptes à écrire des comédies. Les interprètes sont cités, et le jugement sur eux est difficile à interpréter : « Tous ces talens sont jugés depuis long temps ; et nous ne nous sentons pas assez de force pour nous élever à la hauteur des Réflexions que nous aurions à leur offrir. »

Cette critique est utilisée par Sophie Marchand, «Le temps du théâtre d’après le “Censeur dramatique”», Studi Francesi [Online], 169 (LVII | I) | 2013, online dal 30 novembre 2015, consultato il 13 août 2023. URL: http://journals.openedition.org/studifrancesi/3291, § 14.]

THÉÂTRE DE LA RÉPUBLIQUE.

Pièce nouvelle

LE 29 vendémiaire, on a donné sur ce Théâtre la première Représentation des Véritables Honnêtes-Gens, Comédie en trois actes et en prose.

DORVAL, riche Négociant Étranger, peu satisfait de son Pays, est venu chercher la tranquillité en France, au commencement de 1a Révolution, ce qui n'étoit pas le plus sûr moyen de la trouver. Il a amené avec lui sa femme et sa fille Cécile, et s'est fixé à Paris dans une maison sur les Boulevarts.

Ce Dorval a acquis des Domaines nationaux, ce qui le rend un grand patriote. Il a toujours des sentimens patriotiques, et même révolutionnaires à la bouche ; et ce rôle n'est guère qu'un enchaînement de réflexions puisées dans les Gazettes. Il a pour Ami un Citoyen Fontaine, être à-peu-près nul, mais qui pense comme lui. Il lui destine sa fille, dont les inclinations sont d'accord avec les siennes ; ce qui est assez rare dans une Comédie.

Ce Fontaine a un Rival, nommé Gercourt, jeune homme à la mode, grand Aristocrate, quoiqu’ayant fait fortune à la Révolution, ce qui n’est ni juste ni honnête. Gercourt a mis dans ses intérêts la Soubrette Julie ; elle remet de sa part un billet à Cécile ; celle-ci le donne à sa mère, qui chasse aussi-tôt la Soubrette : cette dernière médite de se venger. Voilà le premier Acte.

Le second commence par une longue scène entre Dorval et Mathurin son Fermier, qui vient lui conseiller de ne point paroître dans ses Terres, parce que les Paysans menacent d'inquiéter les Acquéreurs de Domaines nationaux. Cela donne lieu à Dorval de faire de grandes dissertations patriotiques; et il finit par donner à Mathurin 240 liv. pour acheter le Presbytère, qu’un Paysan qui a des remords et des scrupules, veut revendre à perte. Quelques scènes vides, une dissertation entre Dorval et Fontaine, et l'Aristocrate Gercourt remplissent cet Acte ; à la fin duquel la Soubrette reparoît ; et pour effectuer ses projets de vengeance, détermine, sous prétexte d’un acte de bienfaisance, sa jeune Maîtresse à se rendre le lendemain, à quatre heures du matin, sur le Boulevart, par la grille du jardin. On voit déjà qu’il s’agit d'un enlèvement.

En effet , au troisième Acte , la scène est sur le Boulevart. Julie arrive, accompagnée de Gercourt, déguisé en Vieille. Cécile, trompée par ce travestissement, croit faire un acte de charité, et tombe dans un piége. Gercourt veut l'enlever; elle crie. Fontaine, qui se trouve là â point nommé, accourt; et comme il ne se croit pas aimé, il se persuade qu’elle est là de concert avec son Rival. Il veut généreusement le persuader au père, qui s’obstine à n’en rien croire. Enfin, tout se dénoue, au moyen d’une lettre écrite par Cécile à Julie, et qui se trouve au fond de la bourse destinée à la Vieille. Gercourt et Julie ne reparoissent plus, et le Patriote Fontaine épouse Cécile.

Nous n’avons point parlé de Mme Dorval, dont le rôle est de toute nullité, ni de Philippe, Valet-Philosophe, qui ne paroît que pour débiter des sentences.

Nous n'avons pas dit non plus que l’action se passe le 17 et le 18 fructidor, et qu’on entend, au troisième acte le canon d’alarme, parce que cela est absolument étranger à la Pièce.

Telle est, en peu de mots , l’Analyse de cette Comédie.

Il est facile de voir combien l’action en est froide, l’intrigue invraisemblable et mesquine ; tous les caractères jetés dans le même moule, et, parlant le même langage : rien n’y est prévu ni motivé ; les entrées y sont des promenades, les scènes des conversations inutiles, et sans esprit ; nulle espèce d’intérêt, rien qui annonce la moindre lueur d'esprit, ni la plus légère entente du Théâtre.

Quant au style, rien de plus trivial, de plus commun, ni de plus dégouttant. On croit entendre une Gazette mal écrite ; on croit lire les Journaux du temps de Robespierre ; on s’imagine que c’est sous sa dictée que la plupart des scènes ont été écrites.

D’après cela, l’on s’étonnera sans doute d'apprendre qu’un pareil Ouvrage ait été jusqu’à la fin. Mais comme d’une part, on auroit pu, en le sifflant, se faire des affaires avec les Frères et Amis, qui-garnissoient tous les coins de la Salle; comme de l’autre, les Amis de l’Auteur étoient en grand nombre, et sans doute bien payés ; les Gens sages, les Spectateurs désintéressés ont préféré de garder le silence. La Pièce a donc fini paisiblement. Quelques voix ont même demandé l'Auteur, et le Citoyen Després s’est empressé de venir annoncer que la Pièce étoit de la Citoyenne Villeneuve, femme très connue. Ce n’est assurément pas en Littérature ; car voilà la première fois que ce nom frappe nos oreilles.

Si , comme nous n’en doutons pas , cette Citoyenne Villeneuve est une très jeune personne, nous l’invitons à mûrir ses idées, à combiner ses plans, à travailler ses caractères, et à apprendre sur-tout à écrire. Il ne suffit pas d’être douée d’un ardent Patriotisme pour faire une Comédie : la sienne en est la preuve (44). En tout, nous ne croyons pas que ce genre d’Ouvrage soit l’apanage du beau Sexe. Beaucoup de femmes s'y sont exercées, et aucune n’y a complètement réussi. Ce qu’il y a de sûr au moins, c'est qu’aucune Comédie, composée par une femme, n’est restée au Théâtre; et nous ne croyons pas que celle de la Citoyenne Villeneuve fasse exception à la règle.

Cette Pièce est-jouée par les Citoyens Desrozières, Després, Brion, Dugazon, Michot ; les Citoyennes Baptiste-bru, Saint-Clair, et Mlle Desbrosses. Tous ces talens sont jugés depuis long temps ; et nous ne nous sentons pas assez de force pour nous élever à la hauteur des Réflexions que nous aurions à leur offrir.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 3e année, 1797, tome IV, p. 118-120 :

[Après avoir résumé l’intrigue, le critique donne une opinion équilibrée sur la pièce : le titre ne lui paraît pas adapté, mais les caractères sont plutôt bien conçus, bien que de façon trop politique. Froideur du style, lenteur de l’action. Les scènes les plus plaisantes sont celles « qui ne tiennent en rien au fonds de ce sujet ». Les interprètes ont été remarquables.]

On a donné le 30 Vendémiaire, au théâtre de la République , les véritables Honnêtes Gens,
comédie en trois actes et en prose.
M.
Dorval, retiré du commerce, a promis à Fontaine homme de près de quarante ans, sa fille Cécile, qui l'aime et le préfère à Floricourt, jeune fat.

La soubrette donne à Cécile une lettre de ce Floricourt, que la jeune personne remet à sa mère, et la soubrette est chassée pour s'être chargée de cette commission ; elle veut se venger en servant Floricourt, et engage Cécile à venir le lendemain, dès la pointe du jour, à la grille du jardin pour y secourir une de ses parentes pauvre et âgée. Cécile tient le secret sur cette bonne action, se rend le lendemain à la grille avant que personne soit levé, et trouve, au lieu de cette vieille parente, Floricourt déguisé, qui se découvre et veut l'enlever ; mais le bruit du canon d'alarme , qui annonce la matinée du 18 Fructidor, a conduit Fontaine dans cet endroit ; sa vue fait fuir le jeune audacieux ; la fourberie est découverte, ainsi que l'innocence de Cécile, qui épouse Fontaine.

L'intrigue ne répond nullement au titre de la pièce ; mais les caractères des personnages qui sont, à l'exception de Floricourt et de la soubrette, les véritables Honnêtes Gens, sont assez bien traités. On pourrait cependant reprocher à l'auteur de n'avoir tracé ces caractères que sous le rapport politique, ce qui ne remplit pas parfaitement le titre, qui sembloit annoncer toute autre chose.

Le style est froid, l'action lente ; quelques scènes cependant ont fait beaucoup de plaisir ; mais ce sont des scènes qui ne tiennent en rien au fonds de ce sujet, et qui ne font que ralentir la marche de l'action principale. Le troisième acte est beaucoup plus intéressant que les deux autres, qui sont froids et monotones. Cette comédie ne peut être mise qu'au rang des pièces de circonstance. L'auteur est la citoyenne Villeneuve, connue par quelques ouvrages dramatiques.

Michaut dans le rôle de valet, la citoyenne Desbrosses dans celui de soubrette, ont été justement applaudis; Dugazon sur-tout s'est surpassé dans le rôle de paysan dont il étoit chargé.

Eugène Jauffret, le Théâtre révolutionnaire (1789-1799) (Paris, 1869), p. 387, rend compte de cette pièce sous le titre de les Véritables honnêtes gens, en condamnant vigoureusement qu’une femme ait applaudi aux exécutions liées au coup d’Etat de fructidor an 5 :

C'est pourtant ce que fit la citoyenne Villeneuve dans une comédie en trois actes et en prose, les Véritables honnêtes gens, qui fut représentée sur le théâtre de la République. L'action commence le 17 fructidor et se termine, comme le coup d'État, le 18 au matin. L'intrigue, sans intérêt et sans rapport avec les événements de cette funeste journée, n'était qu'un cadre pour employer des scènes et des maximes politiques.

Théodore Muret, L’Histoire par le théâtre, 1789-1851, première série, la Révolution, le Consulat, l’Empire, (Paris, 1865), p. 95-96 :

Il faut avouer aussi qu'à la suite du dix-huit fructidor, le Théâtre de la République fit bien ce qu'il fallait pour s'attirer une recrudescence de la défaveur dont il était frappé. Seul il célébra cette journée de proscription, il la glorifia par une triste pièce qui avait pour titre : les Véritables honnêtes Gens. L'auteur était une citoyenne Villeneuve, femme d'un comédien. Déjà, en 1793, parmi d'autres productions du même goût, elle avait fait jouer les Crimes de la Féodalité, au théâtre des Sans-Culottes (la salle Molière, rue Saint-Martin). Sa nouvelle œuvre ne valait pas mieux par la forme que par l'intention, et sans la crainte de s'attirer une mauvaise affaire, en ce moment où les déportés étaient en route pour Sinnamari, les sifflets auraient fait bonne justice.

La base César connaît les Véritables honnêtes gens, d’auteur inconnu, joué 7 fois au théâtre français de la rue de Richelieu, du 20 octobre au 14 novembre 1797.

César enregistre parmi les auteurs du temps une citoyenne Villeneuve (1755-1828), auteur de deux pièces, le Crime de la noblesse, ou le régime féodal et le Mari coupable, dont on trouve la brochure dans la collection Marandet. Mais certains rendent à Cizos-Duplessis ce qui paraît bien lui appartenir...

(44) Les Véritables Honnêtes Gens ont cependant reparu quatre à cinq fois depuis le 29 Vendémiaire, sur le Théâtre de la République. Cela ne doit point surprendre : cela même ne décide rien pour le succès, ni pour le mérite de la Pièce. Quelqu’Ouvrage qu’on joue sur ce Théâtre, la Recette n'y dépasse presque jamais 130 liv. Il est donc assez indifférent pour l’Entreprise qu’on y donne les Véritables Honnêtes-Gens , ou le Misanthrope ; et quant aux Acteurs, ils sont également parfaits dans tout ce qu’ils jouent.

 

Le Dictionnaire historique, littéraire et bibliographique des Françaises de Fortunée Bernier Briquet (Paris, an XII – 1804), p. 338, concerne une brève notice à la pièce et à son auteur :

VILLENEUVE, a donné, au mois de brumaire an 6, au Théâtre de la République, les vrais Honnêtes-gens, comédie. C'est une pièce de circonstance. On y trouva peu d'action; mais elle renferme des scènes agréables.

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