Versicolet ou le Poëte de la rue des Lombards

Versicolet ou le Poëte de la rue des Lombards, comédie mêlée de vaudevilles,10 nivôse an 11 [31 décembre 1802].

Théâtre Montansier.

Courrier des spectacles, n° 2127 du 11 nivôse an 11 [1er janvier 1803], p. 2 :

[Versicolet est la pièce de fin d’année du Théâtre Montansier, mais le choix qui en a été fait est bien malheureux, puisque le public a boudé une pièce dont le critique doute qu’elle soit l’oeuvre d’un auteur du théâtre : « Rien de plus foible, de plus insignifiant. » La pièce n’a pas d’intrigue, et elle est censée reposer sur le talent du seul Brunet. Mais « quelques niaiseries » n’ont pas suffi au public qui a fini par siffler. Le semblant d’intrigue de la pièce en montre bien l’inconsistance (une rivalité amoureuse, un amant qui se cache dans un coffre et est découvert, une demoiselle qui choisit son amant de cœur, comme toujours, même si celui-ci est particulièrement inconsistant). L’acteur qui jouait l’amant préféré n’a même pas été capable de savoir le seul couplet qu’il devait chanter. Le dernier paragraphe de l’article tire l’amère leçon de cette chute : proposer ainsi en fin d’année une pièce aussi mauvaise, c’est faire apprendre aux acteurs inutilement leur texte, qu’ils ne joueront plus, « retarder la mise en scène » de pièces meilleures, et jouer avec la réputation du théâtre, qui risque d’être jugé sur une si mauvaise pièce.

La rue des Lombards, depuis le XVIIe siècle est réputée pour ses confiseurs, auxquels des poètes fournissent des devises amoureuses destinées à l’emballage de leurs bonbons. Cette réputation s'achève après l'Empire.]

Théâtre Montansier.

Première représentation de Versicolet, ou le Poëte de la rue des Lombards.

La circonstance seule a pu faire recevoir cet ouvrage, seule elle a pu le soutenir jusqu’à l’avant-derniere scène. Le public n’a pas voulu connoître le père de cet enfant mort-né, et sans même soupçonner qui il est, je me plais à croire qu’il n’est pas sorti de la plume d’un des auteurs qui travaillent pour ce théâtre. Rien de plus foible, de plus insignifiant. La critique avoit pourtant beau jeu ; la rue des Lombards et toutes ses devises sacrées : comme il y avoit à moissonner pour le compte de la Gaité !

En voyant annoncer Versicolet, on s’attendoit sans doute à trouver au moins l’ombre d’une légère intrigue : mais on s’est cru dispensé de cette précaution ; on s’est imaginé que Brunet seul soutiendroit la pièce, que quelques niaiseries suffiraient à un public qui quelque fois se contente de peu de chose, et on s’est trompé. L’auteur cependant n’a pas à se plaindre ; on lui a fait l’honneur de rire quelque fois et d’entendre patiemment les trois quarts de sa pièce, parce qu’on espérait toujours. Enfin la patience s’est lassée, les sifflets ont éclaté de toutes parts, et comme il ne s’est fait aucune réclamation, il est probable que les amis eux-mêmes ont mêlé leurs murmures ou leurs bâillemens à ce concert aigu qui a empêché d’entendre le dénouement, ou pour parler plus juste, la fin de cette rapsodie.

La scène se passe dans un magasin de confiseur de la rue des Lombards. Versicolet fournit à la maitresse du magasin des devises, des madrigaux, etc. ; et Jobart son substitut et son élève y conte fleurette à la fille de la maison Mlle Ameline ; il a cependant un rival préféré, c’est Diablotin. C’est bien véritablement un Diablotin ou un pauvre Diable ; il n’a que très peu de chose à dire dans la pièce, et pour comble de malheur, l’acteur chargé de cet infernal personnage ne savoit pas le seul couplet de son rôle ; ce qui pensa arrêter la pièce dès le commencement.

Outre ce rival, Jobart en a encore un dans la personne de M. Versicolet, qui, trouvant madame la Confiseuse trop difficile s’est rabattu sur la Demoiselle. Au moment où il entre, Jobart qui craint, on ne sait trop pourquoi, d’être apperçu par Diablotin en tête-à-tête avec Améline, se cache dans un coffre. Versicolet y entraîne la Demoiselle pour lui faire sa déclaration, le coffre enfonce sous Versicolet, et Jobart en sort avec quelques contusions. De-là, une explication, la maitresse vient avec Améline, qui paroit se décider pour son cher Diablotin.

Une pièce de circonstance est en général pour un théâtre une pauvre spéculation, à moins qu’elle ne joigne le piquant des rapprochemens à une intrigue gaie et agréable. Lorsqu’elle n’offre rien de saillant, la faire jouer, c’est surcharger la mémoire des acteurs de choses inutiles, c’est retarder la mise en scène de quelqu’ouvrage digne d’un plus grand succès, enfin c’est dégoûter une partie du public qui souvent juge d’après une mauvaise pièce du répertoire entier du théâtre.

F. J. B. P. G ***.          

La pièce (et son insuccès) est encore évoquée dans le Courrier des spectacles, n° 2497 du 9 nivôse an 12 [30 décembre 1803] p. 2, à l’occasion de la première de Monsieur Pistache ou le Jour de l’an :

On se rappelle qu’il y a un an, et à pareille époque, Versicolet venu tout exprès de la rue des Lombards, fut enterré à ce spectacle au bruit des sifflets. Le poëte, les devises les dragées, les diablotins, rien ne fut respecté. Cette déconfiture devoit inspirer des craintes à l’auteur qui oseroit traiter un sujet aussi sucré. Mais M. Pistache a été plus adroit et plus heureux que Versicolet, et en excitant fréquemment le rire il a désarmé la critique.

Année théâtrale, almanach pour l’an XII, p. 257 :

[Le paragraphe consacré au Théâtre Montansier, dont la saison semble avoir été peu réussie, évoque la difficulté qu’ont eu les auteurs de pièces poissardes à obtenir l’agrément du public. Parmi les pièces de ce genre, Versicolet ou le Poëte de la rue des Lombards, qui a droit à un commentaire peu flatteur :

On ne vit plus les maîtres dans ce genre [le genre poissard] : il fut abandonné à de faibles imitateurs : […] on le trouva si peu dans Versicolet ou le Poëte de la rue des Lombards, qu’on ne voulut pas en connaître l’auteur, et qu’il y eut polémique pour prouver qui ne l’était pas.

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