Zélie et Terville, ou Chimère et Réalité

Zélie et Terville, ou Chimère et Réalité, opéra en un acte, paroles d’Etienne Aignan, musique de Blangini, 17 nivôse an 11 [7 janvier 1803].

Théâtre Feydeau.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an 11 (1803) :

CHIMÈRE ET RÉALITÉ. OPÉRA-COMIQUE, EN UN ACTE ET, EN VERS ; représenté, pour la première fois, sur le Théâtre Feydeau, le 17 Nivôse an XI. Paroles de Mr *** ; musique del signor Blangini.

Perhaps the supposition is not chimerical, that the shades of the dead are permitted to revisit the scenes of mortality, and to hover round those on whom, when they possessed corporeal essence, their affections were fixed.

Théodore, A Domestic tale , t. II, p. 141.

« Peut-être n'est-ce pas une supposition chimérique, que celle qui attribue aux ombres des morts la faculté d'errer ici-bas dans les lieux qui leur étoient chers, et autour des personnes qu'ils aimoient. »

Courrier des spectacles, n° 2134 du 18 nivôse an 11 [8 janvier 1803], p. 2 :

[Comme souvent, le critique estime que le livret est le point faible de l’opéra représenté la veille, quand la musique et les interprètes sont la source du succès relatif de la pièce. Le sujet choisi est impossible : l’amour platonique ne peut provoquer que l’ennui chez les spectateurs. Le résumé de l’intrigue prend bien soin d’en montrer l’incohérence et l’invraisemblance. Le dénouement, évidemment prévisible, « a été froidement accueilli », si bien que l’acteur venu annoncer l’auteur s’est limité à donner le nom du compositeur qui méritait de travailler sur un meilleur poème. Les acteurs ont eux aussi fait ce qu’ils ont pu : ils ont rendu la pièce « avec tout le talent qu’on leur connoît »...

Le titre donné à la pièce, Julie et Terville est une erreur. Les annonces des représentations, la veille, le jour du compte rendu et le lendemain portent bien comme titre Zélie et Terville]

Théâtre Feydeau.

Première représentation de Julie et Terville ou Chimère et Amitié.

L’auteur des paroles de cet opéra auroit tort de se persuader que son ouvrage est bon parce qu’il a été plus applaudi que blâmé ; le musicien et les acteurs doivent s’en attribuer le succès. Mettre en scène l’amour platonique ! Eh ! qui ne connoit pas l’anathême prononcé contre lui par Gentil Bernard :

Jadis un sage armé d’un trait de flame,
Analysa les voluptés de l’ame :
Platon ... Mais quoi ? d’un froid mortel atteint,
L’amour a fui, son flambeau s’est éteint.
Cesse, a-t-il dit, ou choisis mieux ton guide,
A ses leçons , vois l’ennui qui préside.

Aussi l’ennui a-t-il présidé à la représentation de la pièce nouvelle. Quelquefois cependant les invraisemblances et les réminiscences ont excité les murmures, et plus souvent les morceaux de musique ont réveillé ceux que les paroles ennuyoient ; nous disons les réminiscences, parce que c’est une contre-épreuve de Defiance et Malice, sur-tout pour la manière de lier et de suivre l’intrigue.

Zélie, jeune personne retirée dans un château isolé, y vit seule et loin de la société. Son unique étude, son unique occupation, c’est un commerce langoureux avec les êtres métaphysiques, c’est l’union chimérique des ames.. Cela peut être fort amusant pour elle, mais c’étoit loin de l’être pour le spectateur. Elle a une suivante nommée Lisette. Ce nom annonce une petite personne qui se voit malgré elle enterrée dans cette solitude. Tandis qu’elle se désole de ce qu’il n’y paroit pas un seul homme, il y en a un devant ses yeux : c’est Terville, entré ans le château par une porte dérobée... Terville aime Zélie, mais il l’a jadis trouvée insensible. On attend au château un vieil Intendant. Zélie se fait entendre, que fera Terville ? il fera l’Intendant : mais le costume, mais le déguisement ? Il a pourvu tout ; dans le cabinet qui communique à la plaine sont des habits tout justement propres au déguisement. Zélie l’accepte comme Intendant, et au lieu d’aller à son travail il se rend dans le cabinet, où il entend les regrets qu’éprouve Zélie d’avoir dédaigné sou amour. Or il faut savoir que Terville, sous le costume d’Intendant, avoit déjà touché la corde délicate, et que le souvenir de son amour avoit ému le cœur de la belle platonicienne.

Il revient toujours déguisé, mais bientôt il ne peut résister à ses transports en voyant qu’il étoit aimé ; il quitte habit et perruque d’intendant, et redevient Terville lui-même.

Ce dénouement a été froidement accueilli. Cette indifférence du public a été tellement sentie, que lorsqu’on a demandé l’auteur, le cit. Elleviou est venu nommer seulement celui de la musique, le cit. Biangini ; c’est le même qui a achevé la Fausse Duègne de Della-Maria, et sa nouvelle production annonce un compositeur distingué : heureux s’il avoit travaillé sur un meilleur poëme. Le cit. Elleviou, et mesdames St-Aubin et Gavaudan étoient les seuls acteurs de cette pièce, et l’ont rendue avec tout le talent qu’on leur connoit.

F. J. B. P. G***.

L’opéra comique d’Aignan et Blangini est connu sous des titres nombreux : d’après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 190, Chimère et Réalité est aussi intitulé Chimère et Réalité ou Zélie et Terville, mais aussi Chimère et Réalité ou Terville et Zélie. Et dans le Courrier des spectacles du 8 janvier 1803, le compte rendu de la pièce donne comme titre Julie et Terville ou Chimère et Réalité, mais c’est évidemment une erreur du critique.

Nombre de représentations : 6, d’après Wild et Charlton.

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