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Zoroastre, ou Arlequin magicien

Zoroastre, ou Arlequin magicien, canevas italien en deux actes, de Lazzari, 13 vendémiaire an 2 [4 octobre 1793].

Théâtre des Variétés Amusantes.

Titre :

Zoroastre, ou Arlequin magicien

Genre

canevas italien

Nombre d'actes :

2

Vers / prose

en prose

Musique :

non

Date de création :

13 vendémiaire an 2 [4 octobre 1793]

Théâtre :

Théâtre des Variétés Amusantes

Auteur(s) des paroles :

Lazzari

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1794, volume 2 (février 1794), p. 310-316 :

[Un long résumé dans lequel on se perd un peu, une intrigue qui utilise des moyens magiques pour permettre à Arlequin de se sortir d’une situation difficile et épouser celle qu’il aime. Curieusement, le résumé est interrompu par une anecdote sans rapport clair avec la pièce : est-ce le moyen de faire comprendre que le canevas développé dans la pièce n’a guère de sens ? « Pourquoi avons-nous coupé notre canevas pour rapporter cette anecdote ? Afin qu'on la puisse coudre à un autre canevas, & même à quelque piece ; car, soit dit entre nous, on ne dédaigne pas d'en faire figurer quelquefois qui sont bien moins plaisantes : revenons à notre sujet. ». Une fois l’intrigue résumée, le critique donne son opinion, et elle est à la fois sévère et indulgente. La pièce a bien des défauts : le canevas « offre des longueurs, des scenes mal filées, on n'y parle pas toujours un françois bien épuré, on n'y dit pas toujours des choses bien délicates ». Mais c’est un canevas, une improvisation, dont on ne peut attendre en matière d’esprit et d’élégance ce qu’on trouve dans une pièce écrite : si un canevas « n'attaque pas les mœurs, s'il amuse, on peut dire qu'il est bien, puisque son auteur a rempli son but ». Le dernier paragraphe est consacré à Lazzari, l’Arlequin du théâtre, qui est comparé au grand Dominique : Lazzari est un Arlequin complet, qui n’a pas de rival à Paris, tant il pratique un art difficile (« sauts, culbutes, tours d’adresse, de force, &c. »), dans lequel on ne peut réussir sans un entraînement commencé dès l’enfance.]

THÉATRE DES VARIÉTÉS AMUSANTES.

Zoroastre, canevas italien en deux actes; par M. Lazzarri.

Cassandre & Octave ouvrent la scene ; il faut qu'elle le soit par quelqu'un, & le premier propose à ce jeune homme d'aller à la maison de campagne du docteur dont on veut lui faire épouser la fille. Octave refuse, sous prétexte que son pere est malade. Alors Cassandre lui apprend qu'il est amoureux de Smaradine ; je suis encore assez jeune, dit-il, pour excuser cette ridicule passion, il me faut nécessairement une femme qui m'apprête mon petit souper, et me fasse mille autres petites choses dont on a besoin dans un ménage.

Après cette confidence, Cassandre se retire.. Quand on a appris en secret à quelqu'un qu'on veut faire une sottise, & que ce quelqu'un ne l’a pas blâmée, il semble qu'elle ne doit l’être de personne. Mais à coup sûr elle le sera fortement par Arlequin, qui aime Smaradine, aussi n'apprend-il pas sans fureur que le vieux Cassandre veut l'épouser. Heureusement Octave, son maître, a quelque empire sur lui, & il lui persuade d'employer, avant d'en venir à des voies de fait, tous les moyens de douceur.

Cependant Arlequin est d'une complexion très-jalouse, & il est bien à craindre qu'il ne termine par la parole qu'il a donnée, d'agir avec prudence. Cassandre persiste dans son dessein d'épouser Smaradine ; Arlequin se désespere, la colere l'emporte, un fusil lui tombe sous la main, il tire sur .Cassandre, heureusement il le manque. Octave accourt au bruit qu'a fait la détonnation de l'arme-à-feu. Il veut savoir ce qui vient de se passer, & Arlequin lui apprend que c'est lui qui a tué Cassandre, & que ce pauvre diable est allé se faire enterrer. Que deviendra Arlequin après une pareille crânerie ? Si Cassandre le retrouve, il ne manquera pas de le faire punir; il faut donc qu'il fuie, c'est l'avis d’Octave, & Arlequin le suit, à condition qu'Octave dira à la chere Smaradine que son cher Arlequin n'a été exposé à' s'expatrier que par amour pour elle.

Octave trouve bientôt l'occasion de s'acquitter de cette commission auprès de Smaradine, car elle vient avec sa maîtresse, qui, profitant de cette occasion, se raccommode avec Octave, qu'elle boudoit depuis la scène de jalousie qu'elle avoit eu quelques instans auparavant avec lui.

Alors le théatre change, & nous représente l’entrée de la grotte habitée par le grand Zoroastre. Arlequin, qui s'est égaré, la prend pour une auberge, & veut y entrer. Le magicien se montre tout-à-coup, & lui demande où il va, & pourquoi il est venu s'égarer dans la forêt. Arlequin répond par un mensonge ; mais mentir à un sorcier, n'est-ce pas peine perdue ? Zoroastre devine tout, & apprend à Arlequin, qui veut savoir à son tour à qui il a à faire, qu'il est ce célebre Zoroastre, médecin grec, dont la science profonde a fait de si grandes découvertes. C'est par elle qu'il a acquis la toute-puissance, & qu'il possede toutes les richesses du monde. Oh ! oh ! dit Arlequin, ceci change la these ; mais comment se fait-il qu'avec tant d'argent vous n'ayez pas sacrifié deux sous pour vous faire raser ?

Avant d'apprendre à nos lecteurs ce que répond le grand Zoroastre, nous leur raconterons une anecdote que cette observation nous rappelle. Un bravissimò d'Italie, dont les talens étoient infiniment plus brillans que son costume, fut recommandé il y a quelque tems à un négociant dé Paris par un de ses correspondans ultramontains. Le virtuoso se présenta & fut retenu à dîner. Au dessert on le pria de chanter pour enchanter la compagnie ; il se rendit au désir de ses hâtes, & quand il eut fini, tout le monde commença d'admirer & de lui faire compliment. La fumée des louanges fut un peu forte, & enivra notre artiste. Ha monsiou, ha madama, ha madamigella, s'écria-t-il en se rengorgeant & saluant de tous les côtés, vous êtes bien bons, ma ça n'est pas pour dire, je fais de ma voix tout ce que je veux. En prononçant ces derniers mots, il s'inclina si profondément qu'il acheva de déchirer le derriere de sa pauvre culotte noire. Oh! mon Dieu! dit alors avec les accens de la douleur & de l'ingénuité une jeune personne qui s'en apperçut : Papa, le sìgnor dit qu'il fait de sa voix tout ce qu'il veut ; pourquoi n'en a-t-il pas fait une culotte ? Le signor fut déconcerté ; le papa & la compagnie firent tout ce qu'ils purent pour ne pas rire, la jeune personne ne comprit rien à tout cela : mais nous, pourquoi avons-nous coupé notre canevas pour rapporter cette anecdote ? Afin qu'on la puisse coudre à un autre canevas, & même à quelque piece ; car, soit dit entre nous, on ne dédaigne pas d'en faire figurer quelquefois qui sont bien moins plaisantes : revenons à notre sujet.

Zoroastre répond à Arlequin qu'il ne conserve une si grande barbe que pour prouver son antiquité. Tes malheurs & ceux d'Octave, ajoute-t-il, m'ont inspiré de la pitié : tiens, prends cette tabatiere. Lorsque vous désirerez quoi que ce puisse être, vous prendrez une prise de la poudre qu'elle renferme, & aussitôt vos souhaits seront comblés. Le médecin grec demande ensuite à Arlequin s'il veut se rendre auprès d'Octave, par air ou par eau. Arlequin répond qu'il préféreroit que ce fût par vin, & sur-tout par vin de Bourgogne. Quatre diables paroissent ; Arlequin monte à cheval sur une corde, pique des deux & dans les airs s'envole, en trouvant singulier que des démons aient fur le front la marque des maris.

Dès le commencement du second acte Arlequin apprend à Octave tout ce qui lui est arrivé ; on essaie la poudre, & Octave éclate de rite, ainsi qu'Arlequin l'avoit secretement désiré. Son maître se retira fort satisfait. Pour lui, il veut tenter une plus grande expérience, il veut savoir si sa maîtresse lui est fidelle : expérience délicate & dangereuse, qui lui donnera sans doute du chagrin, s'il se montre aussi jaloux dans le seconde acte qu'il l'a été dans le premier. Les diables lui servent de valets-de-chambre ; il est bientôt travesti en baron, & bientót aussi il a séduit Smaradine. il se découvre, il veut encore s'en aller. Qui lui auroit dit qu'une maîtresse, pour laquelle il a tant fait, se comporteroit de la sorte ? Mais il ne faut s'étonner de rien, & la philosophie d'Arlequin lui fait aussi-tôt oublier cette mésaventure.

Il y parvient d'autant plus facilement, qu'il s'occupe à favoriser les amours d'Octave, & à faire des espiégleries à son rival Cassandre ; c'est pour cela qu'ayant été surpris par celui-ci auprès Smaradine ; il se cache dans une caisse, où le vieillard amoureux va le chercher & ne le trouve pas. Au moment où il se retire avec le garde, Arlequin souleve le couvercle de la caisse, & se montre à Cassandre étonné, qui court vers lui, rouvre la caisse & n'y trouve qu'un squelette hideux.

Arlequin veut bien permettre qu'on le prenne, & on le conduit en prison. A peine y est il, qu'il attire Cassandre auprès des barreaux de la fenêtre de son cachot, & que la prison, tournant sur un pivot, enferme le vieillard, le garde, & rend la liberté à Arlequin. Ce perfide, pour faire avaler à Cassandre le calice jusqu'à la lie, appelle Octave, Béatrix, Smaradine, & ces demoiselles sont bien & duement .enlevées.

Le fils du docteur survient, raconte tout cela à Cassandre, qu'il fait délivrer ; on court après les ravisseurs, qui se laissent arrêter ; on les traduit devant les juges : Arlequin est interrogé le premier ; & comme il est atteint & convaincu de sortilege & de magie, le tribunal le condamne à être brûlé vif. Arlequin s'en moque, n'a-t-il pas sa poudre merveilleuse ?

Il en prend une prise, ses chaînes se brisent, Cassandre & le fils du docteur sont pétrifiés, Béatrix & Octave sont unis devant ces statues, & en présence des juges sur lesquels, sans doute, un sort a été jetté ; Arlequin donne sa main à Smaradine, & la table autour de laquelle les juges étoient assis tourne avec eux, lance des jets de flamme, des nuages de fumée, & ce dénouement de feu termine la piece.

Ce canevas a le défaut de tous les canevas ; il offre des longueurs, des scenes mal filées, on n'y parle pas toujours un françois bien épuré, on n'y dit pas toujours des choses bien délicates ; mais c'est un canevas, & on ne doit jamais perdre de vue que les acteurs improvisent. Or , un artiste qui pourroit improviser avec autant d'esprit & d'élégance qu'un auteur en mettroit dans un bon ouvrage, préféreroit de le faire cet ouvrage, & ne se borneroit pas à improviser. Il ne faut donc pas être trop exigeant à la représentation d'un canevas, & s'il n'attaque pas les mœurs, s'il amuse, on peut dire qu'il est bien, puisque son auteur a rempli son but.

M. Lazzarri, qui est inépuisable dans ce genre d'ouvrages, & qui peut déjà beaucoup ajouter au scénario de l'ancien théatre italien, joue avec le plus grand agrément dans ces canevas les rôles d'Arlequin. On le voit avec d'autant plus de plaisir, qu'il fait, comme le célebre Dominique, tous les sauts, culbutes, tours d'adresse, de force, &c., qu'il les emploie fort à propos dans ces pieces, & qu'ils y produisent tout l'effet qu'il peut en attendre, parce qu'il y excelle, & qu'il est le seul Arlequin à Paris qui se soit adonné à ce genre souvent très-surprenant. II est à présumer même qu'il jouira exclusivement pendant long-tems de cette prérogative, car on ne peut guere se flatter de réussir dans ces sortes d'exercice, si on ne les a commencés dès la plus tendre jeunesse, ou du moins s'ils ne sont pas le fruit d'une pratique longue & pénible.

La base César ne connaît aucun Zoroastre qui soit une arlequinade, et qui ait été joué en 1793...

André Tissier, les Spectacles à Paris pendant la Révolution, tome 2 (2002), p. 279 et p. 484, connaît 18 représentations de cette comédie en deux actes sur le théâtre de Lazzari, à partir du 14 vendémiaire an 2 [5 octobre 1793].

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