Exode

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Exode.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome I, p. 458-460 :

EXODE. L'Exode, chez les Grecs, étoit avec le Prologue, l'Episode & le Chœur, une des parties de quantité de la Tragédie : on appelloit Exode tout ce qui étoit dit entre les chants du Chœur. Chez les Latins, c'étoit un Poëme plus ou moins châtié, accompagné de chants & de danses, & porté sur le Théâtre de Rome pour servir de divertissement après la Tragédie. Les plaisanteries grossières s'étant changées en art sur le Théâtre des Romains, on joua l'Atellane, comme on joue aujourd'hui la Piéce Comique à la suite de la Piéce sérieuse. Le mot Exode, Exodia, signifie Issues. Ce nom lui fut donné à l'imitation des Grecs , qui nommaient Exodion le dernier chant après la Piéce finie. L'Acteur étoit appelle Exodiarius, l’Exodiaire; il entroit sur le Théâtre à la fin des Piéces sérieuses, pour dissiper la tristesse & les larmes qu'excitent les passions de la Tragédie ; & il jouoit cependant la Piéce Comique avec le même masque & les mêmes habits qu'il avoit eus dans la Piéce sérieuse. Mais ce qui caractérisoit particulièrement l'Exode, étoit la licence & la liberté qu'on avoit dans cette Piéce d'y jouer, sous le masque, jusqu'aux Empereurs même. Cette liberté , qui permettoit de tout dire dans les Bacchanales, cette audace de l'ancienne Comédie Grecque, se trouvoit ainsi dans les Exodes ; non-seulement les Exodiaires y contrefaifoient en ridicule, mais ils y représentoient hardiment les vices, les débauches & les crimes des Empereurs, sans que ceux ci osassent ni les empêcher, ni les en punir. Ce fut le seul dédommagement que les Empereurs laisserent aux Romains après leur avoir ravi leur liberté.

Une Dame de condition, nommée Mallona, fut accusée d'adultere par l’ordre de Tibere, parce qu'elle n'avoit pas voulu répondre à ses desseins honteux. Elle se priva elle-même de la vie après lui avoir reproché son infamie : ce reproche ne manqua pas d'être relevé dans l'Exode qui fut chantée à la fin d'une Piéce Atellane.

On sait que Néron, entr'autres crimes, avoit empoisonné son pere & fait noyer sa mere ; le Comédien Datus chanta, en Grec, à la fin d'une Piéce Atellane, adieu mon pere, adieu ma mere ; mais en chantant adieu mon pere, il représenta par ses gestes une personne qui boit ; & en chantant adieu ma mere, il imita une personne qui se débat dans l'eau, & qui se noye : ensuite il ajouta : Pluton vous conduit à la mort, en représentant aussi par ses gestes le Sénat, que ce Prince avoit menacé d'exterminer. Dans ces sortes d'Exodes ou de Satyres, on inséroit encore souvent des couplets de chansons répandus dans le Public, dont on faisoit une nouvelle application aux circonstances du tems. L' Acteur commençoit le premiers Vers du Vaudeville connu, & tous les Spectateurs en chantoient la suite sur le même ton. Quelquefois on redemandoit, dans une seconde représentation, l’Exode qui avoit déja été chantée ; & on la faisoit rejouer, sur-tout dans les Provinces où l'on n'en pouvoit pas toujours avoir de nouvelles.

Les Exodes se jouerent à Rome plus de 350 ans, sans avoir souffert qu'une légère interruption de quelques années.

Si quelque chose ressembloit à l'Exode des Anciens, ce seroient certaines Piéces de la Comédie Italienne, où l'on ne .se propose d'autre but, que d'exciter à rire, par des traits d'une imagination bisarre, & dans lesquelles la décence, le bon goût & les régles du Théâtre, sont également violés.

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