Interrogation

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

INTERROGATION.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome II, p. 83-84 :

INTERROGATION. Figure de style, très-propre à peindre les divers mouvemens du coeur, & à les rendre plus pathétiques. Elle consiste dans les fréquentes Interrogations qu'on se fait à soi même, ou aux autres. Elle se fait souvent par exclamation, & n'en devient que plus vive & plus animée. Cette figure est du plus grand usage au Théâtre. Voyez Mithridate quand il dit :

Elle me quitte ! Et moi, dans un lâche silence,
Je semble de sa fuite approuver l'insolence :
Peu s'en faut que mon cœur, penchant de son côté,
Ne me condamne encor de trop de cruauté.
Qui suis-je ? Est-ce Monime ? Et suis-je Mithridate ?

Voyez Roxane dans Bajazet, quand elle dit :

De tout ce que je vois que faut-il que je pense ?
Tous deux à me trompers(ont-ils d'intelligence ?
Pourquoi ce changement, ce discours, ce départ ?
N'ai-je pas même, entr'eux, surpris quelque regard ?
Bajazet interdit ! Atalide étonnée !
O Ciel ! à cet affront m'auriez-vous condamnée ?
De mon aveugle amour seroit-ce là les fruits ?
Tant de jours douloureux, tant d'inquiettes nuit !
Mes brigues, mes complots, ma trahison fatale !
N'aurois-je tout tenté que pour une rivale ?

Voyez encore Phèdre quand elle s'écrie :

Que fais-je ? Où ma raison se va-t-elle égarer ?
Moi jalouse ? Et Thésée est celui que j'implore !
Mon époux est vivant ? Et moi je brûle encore ?
Pour qui ? Quel est le cœur où prétendent mes vœux ?
Chaque mot, sur mon front, fait dresser mes cheveux.

Références :

Racine, Bajazet, acte 3, scène 7, vers 1065-1074 : monologue de Roxane.

Racine, Mithridate, acte 4, scène 5, vers 1379-1383 : bel exemple d’interrogation qui reflète le trouble du personnage.

Racine, Phèdre, acte 4, scène 6, vers 1264-1268 : Phèdre montre son trouble quand elle annonce à Œnone le retour de Thésée et son amour pour Hippolyte.

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