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Jongleurs

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Jongleurs.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome II, p. 125-127 :

JONGLEURS. Joueurs d'instrumens qui, dans la naissance de notre Poésie, se joignoient aux Troubadours, aux Poëtes Provençaux, & couroient avec eux les Provinces. L'Histoire du Théâtre François nous apprend qu'on nommoit ainsi des especes de Bateleurs, qui étoient connus dès le onzième siecle. Le terme de Jongleur paroît être une corruption du mot Latin Joculator, en François Joueur. Il est fait mention des Jongleurs dès le tems de l'Empereur Henri II, qui mourut en 1056. Comme ils jouoient de differens inslrumens, ils s'associerent avec les Trouveurs & les Chanteurs, pour exécuter les ouvrages des premiers; & ainsi, de compagnie, ils s'introduisirent dans les Palais des Rois & des Princes, & en tirèrent de magnifiques présens. Quelque tems après la mort de Jeanne, première du nom, Reine de Naples & de Sicile, & Comtesse de Provence, arrivée en 1382, tous ceux de la profession des Trouveurs & des Jongleurs se séparerent en deux différentes espéces d'Acteurs ; les uns, sous l'ancien nom de Jongleurs, joignirent aux instrumens le chant ou le récit des Vers ; les autres prirent simplement le nom de Joueurs, en Latin Joculatores, ainsi qu'ils sont nommés par les Ordonnances. Tous les Jeux de ceux-ci consistoient en gesticulations, tours de passe-passe, &c. ou par eux-mêmes, ou par des singes qu'ils portoient, ou eu quelque mauvais récits du plus bas Burlesque. Mais leurs excès ridicules & extravagans les firent tellement mépriser, que pour signifier alors une chose mauvaise, folle, vaine & fausse, on l'appelloit jonglerie ; & Philippe- Auguste, dès la première année de son Règne, les chassa de sa Cour & les bannit de ses Etats. Quelques-uns néanmoins qui se réformerent, s'y établirent, & y furent tolérés dans la suite du Règne de ce Prince, & des Rois ses successeurs, comme on le voit par un tarif fait par S. Louis pour régler les droits de péage dûs à l'entrée de Paris sous le Petit-Châtelet. L'un de ces articles porte, que les Jongleurs seroient quittes de tout péage en faisant le récit d'un couplet de chanson devant le Péager. Un autre porte, « que le Marchand qui apporteroit un singe pour le vendre, payeroit quatre deniers, que si le singe appartenoit à un homme qui l'eût acheté pour son plaisir, il ne donnerait rien ; & que s'il étoit à un Joueur, il joueroit devant le Péager ; & que par ce jeu il seroit quitte du péage tant du singe que de tout ce qu'il auroit acheté pour son usage. » C'est de-là que vient cet ancien proverbe, payer en monnoie de sînge, en gambades. Tous prirent dans la suite le nom de Jongleurs, comme le plus ancien ; & les femmes qui se mêloient de ce métier, celui de jongleresses. Ils se retiroient à Paris dans une seule rue, qui avoit pris le nom de rue des Jongleurs, & qui est aujourd'hui celle de S. Julien des Ménestriers. On y alloit louer ceux que l'on jugeoit à propos, pour s'en servir dans les fêtes ou assemblées de plaisirs, Par une Ordonnance de Guillaume de Clermont, Prévôt de Paris, du 1 4 Septembre 1395, il fut défendu aux Jongleurs de rien dire, représenter, ou chanter, soit dans les places publiques, soit ailleurs, qui pût causer quelque scandale, à peine d'amende & de deux mois de prison au pain & à l'eau. Depuis ce tems il n'en est plus parlé ; c'est que dans la suite les Acteurs s'étant adonnés à faire des tours surprenans, avec des épées ou autres armes, &c, on les appella Batalores, en François Bateleurs ; & qu'enfin ces jeux devinrent le partage des Danseurs de corde & des Sauteurs.

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