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Machine

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Machine.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome II, p. 143-145 :

MACHINE, en Poëme Dramatique, se dit de l'artifice par lequel le Poëte introduit sur la Scène quelque Divinité, Génie, ou autre Etre surnaturel, pour faire réussir quelque dessein important, ou surmonter quelque difficulté supérieure au pouvoir des hommes. Ces Machines, parmi les Anciens, étoient les Dieux, les Génies bons ou malfaisans, les Ombres, &c. Shakespear, & nos Modernes François, avant Corneille, employaient encore la dernière de ces ressources. Elles ont tiré ce nom des Machines ou Inventions qu'on a mises en usage pour les faire apparoir [sic] sur la Scène, & les en retirer d'une manière qui imite le merveilleux. Quoique cette même raison ne subsiste plus pour le Poème Epique, on est cependant convenu de donner le nom de Machines aux Etres surnaturels qu'on y introduit. Ce mot marque, & dans le Dramatique & dans l'Epopée, l'intervention ou le ministère de quelque Divinité ; mais comme les occasions qui peuvent, dans l'une & l'autre, amener les Machines, ou les rendre nécessaires, ne sont pas les mêmes, les régles qu'on y doit suivre sont aussî différentes. Les anciens Poëtes Dramatiques n'admettoient jamais aucune Machine sur le Théâtre, que la présence du Dieu ne fût absolument nécessaire; & ils étoient sifflés, lorsque, par leur faute, ils étoient réduits à cette nécessité, suivant ce principe fondé dans la nature, que le dénouement d'une Pièce doit naître du fond même de la Fable, & non d'une Machine étrangère, que le Génie le plus stérile peut amener pour se tirer tout-à-coup d’embarras, comme dans Médée, qui se dérobe à la vengeance de Cléon, en fendant les airs sur un char traîné par des Dragons aîlés. Horace paroît un peu moins sévere, & se contente de dire que les Dieux ne doivent jamais paroître sur la Scène, à moins que le nœud ne soit digne de leur présence : Nec Deus intersit , nisi dignus vindice nodus incident. Mais au fond, le mot dignus emporte une nécessité absolue. Outre les Dieux, les Anciens introduisoient des Ombres, comme dans les Perses d'Eschyle , où l'Ombre de Darius paroît. A leur imitation, Shakespear en a mis dans Hamlet & dans Macbet : on en trouve aussi dans les Pièces de Hardy: la Statue du Festin de Pierre, le Mercure & le Jupiter dans l'Amphitrion de Molière, sont aussi des Machines, & comme des restes de l'ancien goût, dont on ne s'accommoderoit pas aujourd'hui. Aussi Racine, dans son Iphigénie, a-t-il imaginé l'Episode d'Eriphile, pour ne pas souiller la Scène par le meurtre d'une personne aussi aimable & aussi vertueuse qu'il falloit représenter lphigénie, & encore parce qu'il ne pouvoir dénouer sa Tragédie par le secours d'une Déesse & d'une métamorphose, qui auroit bien pu trouver créance dans l'antiquité, mais qui seroit trop incroyable & trop absurde parmi nous. On a relégué les Machines à l'Opéra ; & c'est bien là leur place. Horace propose trois sortes de Machines à introduire sur le Théâtre : la première est un Dieu visiblement présent devant les Acteurs ; & c'est de celle-là qu'il donne la régle dont nous avons déjà parlé. La seconde espéce comprend les Machines plus incroyables & plus extraordinaires, comme la métamorphose de Progné en hirondelle, celle de Cadmus en serpent. Il ne les exclut, ni ne les condamne absolument ; mais il veut qu'on les mette en récits, & non pas en action. La troisieme espece est absolument absurde ; & il la rejette totalement ; l'exemple qu'il en donne, c'est un enfant qu'on retireroit tout vivant du monstre qui l'auroit dévoré. Les deux premiers genres sont reçus indifféremment dans l'Epopée & dans la Distinction d'Horace, qui ne regarde que le Théâtre ; la différence entre ce qui se passe sur la Scène, & à la vue des Spectateurs, d'avec ce qu'on suppose s'achever derrière le rideau, n'ayant lieu que dans le Poème Dramatique. On convient que les anciens Poètes ont pu faire intervenir les Divinités dans l'Epopée ; mais les Modernes ont-ils le même privilège ? C'est une question qu'on trouvera examinée au mot Merveilleux.

Si l'on est forcé de se servir de Machines, dit Aristote dans sa Poétique, il faut que ce soit toujours hors de l'action de la Tragédie, soit pour expliquer les choses qui sont arrivées auparavant, & qu'il ne seroit pas possible que l'homme sache, soit pour avertir de celles qui arriveront ensuite, & dont il est nécessaire qu'on soit instruit. Il faut absolument que dans tous les incidens qui composent la Fable, il n'arrive jamais rien sans raison. Ce qui est sans raison doit se trouver hors de la Tragédie.

Références :

Pièces :

Thomas Corneille, le Festin de Pierre,  : présence de la statue du Commandeur.

Eschyle, les Perses,  : apparition de l’ombre de Darius.

Euripide, Médée : emploi d’une machine au dénouement, le char sur lequel elle monte au ciel, ce qui la fait échapper à la vengeance de Cléon.

Hardy (Alexandre, vers 1570-1632) : présence d’ombres dans ses pièces.

Molière, Amphitryon : présence des dieux Mercure et Mercure.

Racine, Iphigénie : l’invention du personnage d’Eriphile permet à Racine de dénouer sa pièce sans intervention surnaturelle.

Shakespeare, apparition d’une ombre dans Hamlet et dans Macbeth.

Critique littéraire :

Aristote limite l’emploi des machines à des choses qui se passent hors de l’action de la tragédie (soit avant, soit pour préparer ce qui se passera après).

Horace, Art poétique, vers 191-192 : acceptation restreinte de la présence des machines sur la scène.

Horace, Art poétique, propose trois types de machines, un dieu présent parmi les acteurs (vers 191), les métamorphoses (qu’on ne peut montrer qu’à travers un récit, vers 187), mais aussi ce qu’il explique seulement par un exemple, et qui est impossible (un enfant retiré vivant du corps d’un monstre, vers 338-340).

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