Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.
Mimes.
Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome II, p. 236-238 :
MIMES ; en Latin Mimi ; c'est un nom commun à une certaine espéce de Poësie Dramatique, aux Auteurs qui la composoient, & aux Acteurs qui la jouoient. Ce mot vient du Grec μιμεκομαι, imiter ; ce n'est pas à dire que les Mimes soient les seules Pièces qui représentent les actions des hommes, mais parce qu'elles les imitent d'une manière plus détaillée & plus expresse. Plutarque distingue deux sortes de Pièces Mimiques : les unes décentes ; le sujet en étoit honnête, aussi-bien que la manière ; & elles approchoient assez de la Comédie. Les autres, obscènes & indécentes ; les bouffonneries & les obscénités les plus grossières en faisoient le caractère. Sophron de Syracuse, qui vivoit du tems de Xerxès, passa pour l’inventeur des Mimes décentes & sémées de leçons de morale. Platon prenoit beaucoup de plaisir à lire les Mimes de cet Auteur. Mais à peine le Théâtre Grec fut-il formé, que l'on ne songea plus qu'à divertir le peuple par des Farces, & par des Acteurs qui, en les jouant, représentoient, pour ainsi dire, le vice à découvert. C'est par ce moyen, qu'on rendit les intermèdes des Pièces de Théâtre agréables au Peuple Grec. Les Mimes plurent également aux Romains, & formaient la quatrième espéce de leurs Comédies : les Acteurs s'y distinguoient par une imitation licencieuse des mœurs du tems, comme on le voit par ce Vers d'Ovide :
Scribere si sas est imitantes turpia Mimos.
Ils y jouoient sans chaussure ; ce qui faisoit quelquefois nommer cette Comédie Déchaussée ; au lieu que dans les trois autres, les Acteurs portoient pour chaussure le brodequin comme le Tragique se fervoit de cothurne. Ils avoient la tête rasée, ainso que nos Bouffons l'ont dans les Pièces Comiques ; leur habit étoit de morceaux de différentes couleurs, comme celui de nos Arlequins. On appelloit cet habit panniculus cintumculus. Ils paroissoient aussi quelquefois sous des habits magnifiques & des robes de pourpre ; mais c'étoit pour mieux faire rire le peuple, par le contraste d'une robe de Sénateur, avec la tête rasée & les souliers plats. C'est ainsi qu'Arlequin, sur notre Théâtre, revêt quelquefois l'habit de Gentilhomme. Ils joignoient à cet ajustement la licence des paroles & toutes sortes de postures ridicules. Enfin, on ne peut leur reprocher aucune négligence sur tout ce qui pouvoit tendre à amuser la populace. Les applaudissemens qu'on donnoit aux Piéces de Plaute & de Térence, n'empêchoient point les honnêtes-gens de voir avec plaisir les Farces Mimiques, quand elles étoient sémèes de traits d'esprit, & représentées avec décence. Cicéron, écrivant à Trébatius, qui étoit en Angleterre avec César, lui dit : « si vous êtes plus long-temps absent sans rien faire, je crains pour vous les Mimes de Leberius. » Cependant Publius Syrus lui enleva les applaudissemens de la Scène, & le fit retirer à Pouzol, où il se consola de sa disgrace par l’inconstance des choses humaines, dont il fait une leçon à. son Compétiteur dans ce beau Vers :
Cecidi ego : cadet qui sequitur ; laus est publica.
Il nous reste de Publius Syrus des Sentences si graves & si judicieuses, qu'on auroit peine à croire qu'elles ont été extraites des Mimes qu’il donna sur la Scène : on les prendroit pour des maximes moulées sur le soc1, & même sur le cothurne.
1. Socque.
Références :
Pièces :
Decimus Laberius (devenu ici Leberius), poète latin du premier siècle de notre ère, auteur de mimes, rival de Publius Syrus.
Publius Syrus (premier siècle avant notre ère), auteur de pièces mimiques, dont on a conservé un recueil de sentences extraites de ses pièces. Il aurait remporté une joute contre son rival Labérius, appelé ici Leberius.
Sophron de Syracuse serait le premier à proposer des mimes contenant des leçons de morale.
Critique littéraire :
Platon est réputé être un grand amateur des mimes de Sophron de Syracuse.
Plutarque distingue deux sortes de « pièces mimiques », celles qui sont décentes, et celles qui sont obscènes. Est-ce dans les Propos de table ?
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