Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.
Parade.
Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome II, p. 373-375 :
PARADE ; espéce de farce originairement préparée pour amuser le peuple,& qui souvent fait rire, pour un moment, la meilleure compagnie. Ce Spectacle tient également des anciennes. Comédies nommées Platariæ, composées de simples Dialogues presque sans action, & de celles dont les Personnages étoient pris dans le bas peuple, dont les Scènes se passoient dans les cabarets, & qui, pour cette raison, furent nommées Tabernariæ. Les Personnages ordinaires des Parades d'aujourd'hui,sont le bon-homme Cassandre, père, Tuteur ou Amant suranné d'Isabelle : le vrai caractere de la charmante Isabelle est d'être également foible, fausse & précieuse ; celui du beau Léandre, son Amant, est d'allier le ton grivois d'un Soldat, à la fatuité d'un Petit-Maître : un Pierrot, quelquefois un Arlequin & un Moucheur de chandelle, achèvent de remplir tous les rôles de la Parade, dont le vrai ton est le plus bas Comique. La Parade est ancienne en France ; elle est née des moralités, des mystères & des facéties que les Eleves de la Bazoche, les Confrères de la Passîon, & la Troupe du Prince des Sots, jouoient dans les carrefours, dans les marchés, & souvent même dans les cérémonies les plus augustes, telles que les Entrées & le Couronnement de nos Rois. La Parade subsistoit encore sur le Théâtre François, du tems de la minorité de Louis le Grand ; & lorsque Scaron, dans son Roman Comique, fait le portrait du vieux Comédien la Rancune, & de Mademoiselle de la Caverne, il donne une idée du jeu ridicule des Acteurs , & du ton plattement bouffon de la plupart des petites Pièces de ce tems. Quelques Acteurs célèbres, & plusieurs personnes pleines d'esprit, s'amusent encore quelquefois à composer des petites Pièces dans ce même goût. A force d'imagination & de gaieté, elles saisissent ce ton ridicule ; c'est en Philosophes, qu'elles ont travaillé à connoître les mœurs & la tournure de l'esprit du peuple ; c'est avec vivacité, qu'elles les peignent. Malgré le ton qu'il faut toujours affecter dans ces Parades, l'invention y décele souvent les talens de l'Auteur ; une fine plaisanterie se fait sentir au milieu des équivoques & des quolibets ; & les grâces parent toujours de quelques fleurs le langage de Thalie, & le ridicule déguisement sous lequel elles s'amusent à l'envelopper.
On pourroit reprocher, avec raison, aux Italiens, & beaucoup plus encore aux Anglois, d'avoir conservé dans les meilleures Comédies trop de scènes de Parades ; on y voit souvent régner la licence grossière & révoltante des anciennes Comédies , nommées Tabernariæ. On peut s'étonner que le vrai caractère de la bonne Comédie n'ait été si long-tems imité, que dans ce qu'elle a de plus désagréable. Le génie perça cependant quelquefois dans ces siecles,dont il nous reste si peu d'Ouvrages dignes d'estime : la Farce de Pathelin feroit honneur à Molière. Nous avons peu de Comédies qui rassemblent des peintures plus vraies, plus d'imagination & de gaieté. Quelques Auteurs attribuent cette Pïéce à Jean de Meun ; mais Jean de Meun cite lui-même des passages de Pathelin dans sa continuation du Roman de la Rose ; & d'ailleurs nous avons des raisons bien fortes, pour rendre cette Pièce à Guillaume de Loris.
On accorderoit sans peine à Guillaume de Loris, inventeur du Roman de la Rose, le titre de Pere de l'Eloquence Françoise, que son continuateur obtint sous le Regne de Philippe-le-Bel. On reconnoît dans les premiers Chants de ce Poème, l'imagination la plus belle & la plus riante, une plus grande connoissance des Anciens, un beau choix dans les traits qu'il en imite ; mais dès que Jean de Meun prend la plume, de foibles allégories, des dissertations frivoles, appésantissent l'Ouvrage : le mauvais ton de l'Ecole qui dominoit alors, reparoît : un goût juste & éclairé ne peut y reconnoître l'Auteur de la Farce de Pathelin, & la rend à Guillaume de Loris. Quel abus ne fait-on pas tous les jours de la facilité qu'on trouve à rassembler quelques Dialogues, sous le nom de Comédie ? Souvent sans intervention, & toujours sans intérêt, ces espéces de Parades ne renferment qu'une fausse métaphysique, un jargon précieux, des Caricatures, ou de petites esquisses mal dessinées, des mœurs & des ridicules;quelquefois même on y voit régner une licence gressière [sic] ; les jeux de Thalie n'y sont plus animés par une critique fine & judicieuse ; ils sont deshonorés par les traits les plus odieux de la Satyre.
Références :
Guillaume de Loris ou Jean de Meun, la Farce de Pathelin, farce proche de la parade, et qui ferait honneur à Molière. L’attribution de l'œuvre fait l’objet d’une assez longue discussion.
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