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Péripétie

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Péripétie.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome II, p. 402-404 :

PÉRIPÉTIE. Dans le Poëme Dramatique, c'est ce qu'on appelle ordinairement le dénouement ; c'est la dernière partie de la Pièce, où le nœud le débrouille, & l'action se termine. Ce mot est cornposé de deux mots Grecs, dont l'un signifie tomber, & l'autre autour . La Péripétie est proprement le changement de condition, soit heureuse ou malheureuse, qui arrive au principal Personnage d'un Drame, & qui résulte de quelque reconnoissance ou autre incident, qui donne un nouveau tour à l'action. Ainsi la Péripétie est la même chose que la catastrophe, à moins qu'on ne dise que celle-ci dépend de l'autre, comme un effet dépend de sa cause ou de son occasion. La Péripétie est quelquefois fondée sur un ressouvenir ou une reconnoissance, comme dans l'Œdipe Roi, où un Député envoyé de Corinthe, pour offrir la couronne à Œdipe, lui apprend qu'il n'est point fils de Polybe & de Mérope ; par-là Œdipe commence à découvrir que Laïus, qu'il avoit tué, étoit son pere , & qu'il a épousé Jocaste sa propre mere, ce qui le jette dans le dernier désespoir. Aristote appelle cette sorte de dénouement une double Péripétie. Les qualités que doit avoir la Péripétie, sont d'être probables & nécessaires ; pour cela elle doit être une suite nécessaire, ou au moins l'effet des actions précédentes, & encore mieux naître du sujet même de la Pièce, & par conséquent ne point venir d'une cause étrangère, &, pour ainsi parler, collatérale. Quelquefois la Péripétie se fait sans reconnoissance, comme dans l'Antigone de Sophocle, où le changement dans la fortune de Créon, est produit par sa seule opiniâtreté. La Péripétie peut aussi venir d'un simple changement de volonté. Cette dernière sorte de dénouement, quoiqu'elle demande moins d'art, comme l'observe Drydens, peut cependant être telle, qu'il en résulte de grandes beautés ; tel est le dénouement du Cinna de Corneille, où Auguste signale sa clémence, malgré toutes les rairons qu'il a de punir & de se venger. Corneille avoue que l'agnition, c'est-à-dire, ce que nous nommons reconnoissance, est un grand ornement dans les Tragédies ; une grande ressource pour la Péripétie ; & c'est aussi le sentiment d'Aristote ; mais il ajoute qu’elle a ses inconvéniens. Les Italiens l'affectent dans la plûpart de leurs Poëmes, & perdent quelquefois, par l'attachement qu'ils y ont, beaucoup d'occasions de sentimens pathétiques , qui auroient des beautés plus considérables. Nous pourrions dire la même chose de presque tous nos Dramatiques modernes, depuis Corneille & Racine. Il est étonnant, sur-tout, que dans les Pièces de ce dernier, les Péripéties ne soient jamais l'effet d'une reconnoissance  ; en sont-elles moins belles & moins intéressantes ?

Références :

Pièces :

Corneille, Cinna : le dénouement de la pièce, fondé sur la décision d’Auguste, est un exemple de dénouement réussi, même s’il repose sur la seule volonté d’Auguste.

Racine n’a employé un dénouement fondé sur une reconnaissance dans aucune de ses tragédies.

Sophocle, Antigone, cinquième épisode : c’est l’opiniâtreté de Créon qui provoque son changement de fortune.

Sophocle, Œdipe-Roi, troisième épisode : une péripétie fondée sur une reconnaissance, quand Œdipe, à l’arrivée du messager venu de Corinthe, découvre la vérité sur sa naissance et commence à comprendre qu’il a tué son père et épousé sa mère.

Critique littéraire :

Aristote, Poétique, chapitre 11, voit dans la reconnaissance un moyen de faire un dénouement, moyen auquel il reconnaît des inconvénients.

Corneille, Discours de la tragédie et des moyens de la traiter, selon le vraisemblable ou le nécessaire (1660), reconnaît dans la reconnaissance (l’agnition) un grand moyen de faire un dénouement, mais il en reconnaît aussi les inconvénients.

Dryden, poète et dramaturge anglais (1631-1700), auteur d’un Essai sur la poésie dramatique, considère que le dénouement fondé sur un simple changement de volonté du héros peut produire de grandes beautés, mais qu’il demande moins d’art.

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