Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.
Prologue.
Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome II, p. 485-487 :
PROLOGUE, dans la Poésie Dramatique, est un discours qui précède la Piéce, & dans lequel on introduit, tantôt un seul Acteur, & tantôt plusieurs Interlocuteurs. Ce mot vient du Grec προ devant, & λογος discours, præloquium, discours qui précède quelque chose. L'objet du Prologue chez les Anciens, & originairement, étoit d'apprendre aux Spectateurs le sujet de la Pièce qu'on alloit représenter, & à les préparer à entrer plus aisément dans l'action, & à en suivre le fil ; quelquefois aussi il contenoit l'apologie du Poète, & une réponse aux critiques qu'on avoit faites de ses Piéces précédentes. On peut s'en convaincre, par l'inspection des Prologues des Tragédies Grecques & des Comédies de Térence. Les Prologues des Pièces Angloises roulent presque toujours sur l'apologie de l'Auteur Dramatique dont on va jouer la Piéce : l'usage du Prologue est, fur le Théâtre Anglois, beaucoup plus ancien que celui de l'Epilogue. Les François ont presque entièrement banni le Prologue de leurs Piéces de Théâtre, à l'exception des Opera. On a cependant quelques Comédies avec des Prologues, telles que les Caractères de Thalie, Basile & Quiterie, Esope au Parnasse, & quelques Pièces du Théâtre Italien. Mais, en général, il n'y a que les Opéra, qui aient conservé constamment le Prologue. Le sujet du Prologue des Opéra est presque toujours détaché de la Pièce ; souvent il n'a pas avec elle la moindre ombre de liaison. La plupart des Prologues des Opéra de Quinault, sont à la louange de Louis XIV. On regarde cependant comme les meilleurs Prologues, ceux qui ont du rapport à la Pièce qu'ils précédent, quoiqu'ils n'aient pas le même sujet : tel est celui d'Amadis de Gaule. Il y a des Prologues qui, sans avoir de rapports à la Piéce, ont cependant un mérite particulier, pour la convenance qu'ils ont au tems où elle a été représentée. Tel est le Prologue d'Hésione, Opéra qui fut donné en 1700 : le sujet de ce Prologue est la célébration des Jeux Séculaires. Dans l'ancien Théâtre, on appelloit Prologue, l’Acteur qui récitoit le Prologue ; cet Acteur étoit regardé comme un des Personnages de la Pièce, où il ne paroissoit pourtant qu'avec ce caractère. Ainsi, dans l'Amphitrion de Plaute, Mercure fait le Prologue ; mais, comme il fait aussi dans la Comédie un des principaux rôles, les Critiques ont pensé que c'étoit une exception de la régle générale. Chez les Anciens , la Pièce commençoit dès le Prologue ; chez les Anglois, elle ne commence que quand le Prologue est fini. C'est pour cela, qu'au Théâtre Anglois, la toile ne se lève qu'après le Prologue ; au lieu qu'au Théâtre des Anciens elle devoit se lever auparavant. Chez les Anglois, ce n'est point un Personnage de la Piéce ; c'est l'Auteur même, qui est censé adresser la parole aux Spectateurs ; au contraire, celui que les Anciens nommoient Prologue, étoit censé parler à des personnes présentes à l'action même, & avoir au moins, pour le Prologue, un caractère Dramatique. Les Anciens distinguoient trois sortes de Prologues ; l'un, dans lequel le Poëte exposoit le sujet de la Pièce ; l'autre, où le Poëte imploroit l'indulgence du Public, ou pour son Ouvrage, ou pour lui même ; le troisieme, où il répondoit aux objections. Donat en ajoute une quatrième espèce, dans laquelle entroit quelque chose de toutes les autres, & qu'il appelle, par cette raison, Prologue mixte. Ils distinguoient encore les Prologues en deux espèces, l'une, où l'on n'introduisoit qu'un seul Personnage; l'autre, où deux Acteurs dialoguoient. On trouve de l'une & de l'autre, des exemples dans Plaute.
Références :
Pièces :
Danchet (Antoine, 1712-1748), Hésione, tragédie avec prologue (1700, musique de Campra) : le prologue a pour sujet la célébration des Jeux Séculaires (et il a été donné en 1700...).
Fagan de Lugny (Christophe-Barthélémy, 1702-1755), les Caractères de Thalie (1737) ; la pièce, qui réunit trois caractères (un par acte) comporte un prologue où l’auteur paraît seul et présente le spectacle, qui reprend des productions antérieures.
Gautier de Mondorge (Antoine, 1701-1768), Basile et Quitterie, tragi-comédie en 3 actes en vers et un prologue en prose et vers libres, 1723) : le prologue est à trois personnages, le marquis, le chevalier et le baron, et porte sur la pièce à venir.
Pesselier (Charles Etienne, 1712-1763), Esope au Parnasse, comédie en un acte, en vers (1739) : je ne lui connais pas de prologue. Par contre, on en trouve un dans la Mascarade du Parnasse, comédie en un acte et en vers, précédée d’un prologue et suivie d’un divertissement, du même auteur (1737).
Plaute écrit des prologues soit à un, soit à deux personnages.
Plaute, Amphitryon : le prologue est récité par Mercure, qui joue un des rôles importants, alors que l’usage est plutôt que l’acteur du prologue n’intervienne plus ensuite.
Quinault (Philippe, 1635-1688) : les prologues de ses opéras sont généralement à la gloire de Louis XIV.
Quinault (Philippe, 1635-1688), Amadis de Gaule, tragédie lyrique (1684) : le prologue est en rapport avec l’opéra qu’il précède, sans avoir le même sujet.
Térence : les prologues de ses comédies, comme ceux des tragédies grecques, permettent de voir les diverses espèces de prologue (information des spectateurs, apologie de l’auteur, réponse à des critiques).
Critique littéraire :
Donat (grammairien latin du 4e siècle de notre ère), Commentaire sur le théâtre de Térence, propose d’ajouter un quatrième type de prologue aux trois types admis (le sujet, la demande d’indulgence du public, la réponse aux critiques) : ce quatrième type est un mélange des trois autres types (« prologue mixte »).
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