Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.
Tirade.
Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome III, p. 277-278 :
TIRADE. Expression nouvellement, introduite dans la langue pour désigner certains lieux communs, dont nos Poëtes Dramatiques sur-tout embellissent, ou pour mieux dire, défigurent leurs Ouvrages. S'ils rencontrent par hasard dans le cours d'une Scène, les mots de misere, de vertu, de crime, de patrie, de superstition, de Prêtres, de Religion, &c, ils ont dans leurs portes-feuilles [sic] une demi douzaine de Vers faits d'avance qu'ils claquent dans ces endroits. Il n'y. a qu'un art incroyable, un grand charme de diction, & la nouveauté ou la force des idées, qui puisse faire supporter ces hors-d'œuvres. Pour juger combien ils sont déplacés, on n'a qu'à considérer l'embarras de l'Acteur dans ces endroits ; il ne sçait à qui s'adresser : à celui avec lequel il est sur la Scène ? cela seroit ridicule ; on ne fait pas de ces sortes de petits sermons à ceux qu'on entretient de sa situation : au Parterre ? on ne doit jamais lui parler.
Les Tirades, quelque belles qu'elles soient, sont donc de mauvais goût, & tout homme un peu versé dans la lecture des Anciens, les rejettera comme le lambeau de pourpre, dont Horace a dit : purpureus latè qui splendeat unus & alter assuitur pannus. Sed non erat his locus. Cela sent l'Ecolier qui fait l'amplification.
Référence :
Horace, Art poétique, vers 15-19 (avec coupure) : le passage complet est traduit ainsi dans la traduction de Fr. Richard (Paris, Garnier, 1944) : « on coud une ou deux draperies éclatantes qui brillent de loin : [ c'est le bois sacré et l'autel de Diane; ou bien un ruisseau qui court en serpentant dans les riantes campagnes; ou encore une description du Rhin, ou le tableau de l'arc-en-ciel.] C'est bien : mais tout cela n'est pas à sa place. » (le passage entre crochets a été omis dans le Dictionnaire dramatique]
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