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Vraisemblance

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Vraisemblance.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome III, p. 404-406 :

VRAISEMBLANCE. A l'égard des événemens, comme à l'égard des caractères, il y a deux sortes de vraisemblables ; l'un ordinaire, simple; l'autre extraordinaire, singulier, tel que celui des aventures de roman, qui sont à la vérité possibles, mais qui n'arrivent jamais. Le singulier dans les caractères est excellent sur le Théâtre ; mais pour les événemens, c'est autre chose. Le singulier, du moins le singulier romanesque, ne convient pas bien à la Tragédie ; c'est qu'elle vise plus au cœur qu'à l'esprit ; elle aime mieux toucher par les caractères & par les sentimens qu'ils produisent, que surprendre par des aventures imprévues ; & ces aventures mêmes auroient le défaut à l'égard de l'esprit, de l'avertir trop de la fiction. Y a-t-il rien sur la Scène de plus étonnant, de plus propre à exciter la curiosité, que Timocrate, qui est en même tems à la tête des deux armées ennemies, & qui est nommé pour combattre contre lui-même ? Mais c'eut-là du romanesque tout pur, & qui se donne trop pour ce qu'il est. Un trait, non pas tout-à-fait de cette espèce, mais un peu hardi, unique dans la Pièce, placé à propos, ne laisseroit pas de réussir. Mais pour l'ordinaire il faut des événemens simples, qui produisent des sentimens vifs. Il est même très-agréable d'y ménager des surprises ; mais elles doivent naître de la disposition des Personnages , plutôt que de la bisarrerie des aventures.

Il y a beaucoup de choses où l'imagination des Poëtes & des Peintres peut se donner carrière ; car il ne faut pas toujours la resserrer dans la raison étroite & rigoureuse :

        Pictoribus atque Poëtis
Quidlibet audendi semper fuit æqua potestas.

Mais il ne leur est jamais permis de violer la vraisemblance, & de nous présenter des choses incompatibles, d'accoupler les oiseaux avec les serpens, & les tigres avec les agneaux.

Sed non ut placidis coeant immitie, non ut
Serpentes avibus geminentur , tigribus agnï. Hor. [p. 404-406]

Références :

Horace, Art poétique, vers 9-10 : Peintres et poètes ont toujours eu le droit de tout oser (liberté de la création en art).

Horace, Art poétique, vers 12-13 : « Mais il ne va pas jusqu’à permettre l’alliance de la douceur et de la brutalité, l’association des serpents et des oiseaux, des tigres et de moutons » (mais cette liberté ne doit pas aller au-delà de la vraisemblance).

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