Agnès de Châtillon, ou le Siége de S. Jean d'Acre, opéra héroïque à grand spectacle, en trois actes, en vers, par M. Planterre, musique de M. de Loise, 12 mai 1792.
Théâtre de Louvois
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Titre :
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Agnès de Châtillon, ou le Siège de Saint-Jean d’Acre
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Genre
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opéra héroïque à grand spectacle
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose
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en vers
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Musique :
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oui
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Date de création :
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12 mai 1792
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Théâtre :
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Théâtre de la rue de Louvois
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Auteur(s) des paroles :
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M. Planterre
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Compositeur(s) :
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M. de Loise
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Almanach des Muses 1793
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Froullé, 1792 :
Agnès de Châtillon, ou le siége de Saint-Jean d'Acre. Opéra héroïque à grand spectacle, en trois actes et en vers ; Représentée pour la première fois sur le Théâtre de la rue de Louvois, le 12 Mai 1792. Par M. Planterre. Musique de M. de Loise.
Mercure universel, tome 15, n° 441 du lundi 14 mai 1792, p. 223 :
[Le critique attribue le succès d'Agnès de Châtillon à « un spectacle très-pompeux ». Le résumé de l'intrigue dépayse le lecteur dans les temps et lieux des croisades, sous le règne d'un roi de France appelé Philippe (c'est Philippe Auguste). L'héroïne est en proie aux poursuites galantes de « deux frères Sarrazins » qui l'enferment dans une tour. Un désaccord entre les deux frères suscite un combat entre eux, mais les Français arrivent, abattent le mur et la délivre. Le critique ne cache pas que le « poëme », proche de « tous les sujets de chevalerie possibles », a « bien des défauts » dont il nous épargne la liste. Ce qui a plu au public, c'est la débauche de décoration (décors et surtout costumes, « d'une grande vérité », costumes reflétant les « recherches profondes et utiles » d'un des acteurs du théâtre de la rue de Richelieu. Le jugement porté sur la musique est également positif : quelques morceaux sont mis en valeur, et elle est dans l'ensemble « d'un bon style et agréablement dessinée ». Les auteurs ont été nommés, et le compositeur a paru (mais son nom est un peu déformé : de Loise devient Bois de Lyon). Et un acteur, dont le nom n'est pas donné est également mis en avant.]
Théâtre de Louvois.
Agnès de Châtillon, opéra héroïque en trois actes, donné samedi pour la première fois, a réussi à la faveur d'un spectacle très-pompeux.
La scène se passe à Ptolémaïs. L’époque est le tems des croisades , sous le règne de Philippe, roi de France. Agnès de Châtillon, captive, est au pouvoir des Turcs ; ses charmes ont séduit les deux frères Sarrazins et gouverneurs de la ville, leurs vœux sont réjettés : Châtillon vient au nom du roi proposer un [sic] trêve, à condition que les femmes que l’on conservoit en ôtage seront rendues. La proposition est acceptée, toutes sont restituées, à l’exception d’Agnès, qui ne peut revoir son époux ; elle est enfermée dans une tour ; elle gémit : un des deux Turcs vient pour la décéder [sic] à le suivre dans des défilés qui correspondent à la prison. Elle résiste, l'autre frère embrasse sa défense, reproche à son frère sa mauvaise foi ; ils mettent le sabre à la main ; on entend du bruit, ce sont les Français qui ont abattu des pans de murailles, ils pénétrent dans le cachot ; le roi Philippe livre le traitre à ses remords, rend Agnès à son époux, et prend sous sa protection le loyal turc dont la bravoure a sauvé les jours d’Agnès.
Nous pourrions relever bien des défauts dans ce poëme, qui a une teinte de ressemblance avec tous les sujets de chevalerie possibles. Mais le public a été séduit par la beauté du spectacle, la magnificence des décorations, la pompe de la représentation, et sur-tout par la richesse des costumes : ils sont d’une grande vérité, et font beaucoup d'honneur à M. Boucher, acteur du théâtre de la rue de Richelieu, qui, dans cette partie essentielle de l’art dramatique, a fait des recherches profondes et utiles.
La musique offre de très-beaux morceaux. L’air de danse, le chœur et la finale du premier acte méritent d'être distingués. La musique est en général d'un bon style, et agréablement dessinée.
Le public a demandé les auteurs. M. Planterre est celui du poëme ; M. Bois de Lyon, celui de la musique : ce dernier a paru.
L'acteur chargé du rôle d'Anselme, y a mis de la couleur et de la phisionomie.
Mercure Français, n° 23 du samedi 9 juin 1792, p. 54 :
[Le critique ne trouve pas grand chose de bon dans la production théâtrale du moment, et il n’a à rendre compte que d’une pièce, un opéra comique dont il vante la mise en scène, les décorations, les costumes; la musique même. Mais le sujet n’est pas très original ni très intéressant. Si le compositeur n’est pas nommé (« un amateur de Lyon »), le parolier est cité : c’est un comédien. Rien par contre sur l’interprétation.]
Aucun Théâtre, depuis notre dernier Article, n’a eu de succès assez brillant pour que nous devions en entretenir nos Lecteurs ; si ce n’est peut-être celui de la rue de Louvois, où le Public va voir avec affluence Agnès de Châtillon, Opéra-Comique en trois Actes, mis avec beaucoup de pompe, d’éclat & des soins infinis de la part des Acteurs & des Entrepreneurs. Le sujet de cette Piece, sans être ni très-neuf, ni d’intérêt pressant, est assez agréable pour ajouter au plaisir que causent la beauté du Spectacle & la fidélité du costume & des décorations. La Musique offre aussi des beautés qui ont été senties ; elle est d’un Amateur de Lyon. Les paroles sont de M. Plantaire, Comédien.
Mercure Français, n° 36 du 8 septembre 1792, p. 36 :
[Annonce de la publication de la brochure.]
Agnès de Chatillon, ou le Siége de St-Jean d’Acre, Opéra héroïque à grand spectacle, en 3 Actes & en vers ; représenté pour la premiere fois sur le Théâtre de la rue de Louvois, le 12 mai 1792. Par M. Planterre, musique de M. de Loise. Prix, 25 s. A Paris, chez Froullé, Imp-Libr., quai des Augustins, N°. 39.
Esprit des journaux, françois & étrangers, juillet 1792, p. 326-330 :
[Compte rendu élogieux. Le critique commence par le directeur du théâtre qui ne ménage ni sa peine ni ses moyens pompe, costumes, décorations, tout est très beau. Pour l'intrigue, le critique reconnaît qu'il ne sait rien de cette histoire, et il ne peut que dire ce que disent les historiens. L'auteur a su inventer l'intrigue, « conduite avec beaucoup de sagesse, & qui amène de grands effets ». Suit le résumé de cette intrigue, pleine de rebondissements, et qui a un petit air de mélodrame avant l'heure. La fin en est tout à fait optimiste : les amants que tout séparait se retrouvent, et le héros français pardonne à son adversaire turc malgré sa perfidie. Le jugement porté ensuite continue sur le mode élogieux : « un spectacle riche, des évolutions militaires, & une pompe vraiment magnifique », une pièce « très-bien conduite », même si les effets l'emportent sur l'intérêt. La rencontre de rois et de peuples divers est majestueuse. La musique est jugée « souvent dramatique », ce qui est un compliment pour une musique de théâtre, « rien n'a été épargné pour la richesse, la beauté des habits & le charme des décorations ». L'énumération de tous ceux qui ont contribué à la réussite de la pièce n'oublie personne, du costumier au décorateur, et l'orchestre est abondant, comme les chœurs et les soldats des démonstrations militaires. Aucun reproche, à peine quelques réticences : c'est plutôt rare. L'article s'achève sur « la romance du troubadour ».]
THÉATRE DE LA RUE DE LOUVOIS.
Le samedi 23 mai, on a donné, pour la premiere fois, Agnès de Châtillon, drame héroïque en trois actes, paroles de M. Planterre, musique de M. Loise, de Lyon.
Nous avons dit, il y a quelque tems, que le directeur de ce spectacle ne ménageoit rien pour le rendre intéressant & digne de l'attention publique. C'est sur-tout aujourd'hui qu'il donne une preuve bien digne d'encouragement, de son zele & de son émulation. Peu d'opéras présentent une pompe plus imposante, des costumes plus riches, plus variés, & des décorations plus belles qu'Agnès de Châtillon, exécuté avec beaucoup d'intelligence, & qui a mérité le plus grand succès. Nous ne connoîssons point, dans l'histoire, de trait qui ait pu en fournir le sujet, sinon qu'en 1190, Philippe-Auguste, attaqué, comme tous les autres princes, de la fureur des croisades, s'embarqua avec Richard cœur-de-lion, roi d'Angleterre, pour aller secourir les chrétiens de la Palestine opprimés par Saladin. Ces deux monarques mirent le siege devant Acre qui étoit l'ancienne Ptolémaïs. Presque tous les chrétiens d'Orient s'étoient rassemblés devant cette place imposante : Saladin étoit embarrassé vers l'Euphrate par une guerre civile : il avoit laissé ses deux fils dans Acre, pour la défendre. Quand les deux monarques européens eurent joint leurs forces à celles des chrétiens d'Asie, on compta plus de 300000 combattans, & S. Jean d'Acre se rendit le 13 juillet 1191. Sur cette base historique, l'auteur d'Agnès de Châtillon a établi une intrigue qui est conduite avec beaucoup de sagesse, & qui amene de grands effets.
Parmi les prisonnieres qui sont au pouvoir d'Omar & d'Assan, gouverneurs d'Acre pour Saladin leur pere, est Agnès, femme de Châtillon ; officier de Philippe-Auguste. Les deux freres l'aiment ; mais l'un, Assan, veut l'attendrir en sa faveur par ses présens, ses soins & la délicatesse ; Omar, au contraire, est impérieux, altier & cruel. Anselme, confident des deux freres, mais François & attaché à Agnès & à Châtillon, cherche à rendre à Agnes la liberté. Assan fait donner une fête à cette belle captive, & c'est Anselme qui l'exécute à la tête d'une troupe de troubadours. Cependant Châtillon vient offrir une trêve aux Turcs, à condition qu'on rendra au roi françois, les prisonnieres renfermées dans Ptolémaïs. Assan y consent ; mais Omar jure de ne point laisser sortir Agnès. En effet, au second acte, lorsque Agnès veut passer la porte de la ville, on l'arrête seule au milieu des femmes qui ont obtenu leur liberté, & sous les yeux de Châtillon & du camp françois. Philippe, Richard, Frédéric Barberousse, & leurs généraux, arrivent à la tête de leurs troupes; Châtillon se plaint à ces rois de l'injure qui vient de lui être faite : la trêve est rompue de fait, & les croisés, avant d'attaquer la ville, font faire à leurs soldats un ferment qui est exécuté de la maniere la plus intéressante.
Au 3e. acte, Agnès est renfermée dans une tour, par ordre d'Omar. Anselme vient pour la sauver ; le tyran se présente, veut enlever Agnès : son frere Assan arrive pour la lui disputer. Pendant ce tems, la ville a été prise par les croisés : ils sont occupés à démolir la tour ; on entend des coups de bélier, & bientôt tout le fond de la prison s'écroule, & laisse voir les débris de la ville livrée au pillage. Les assiégeans, montés à la breche, descendent dans la prison ; Châtillon. retrouve Agnès ; Omar est fait prisonnier, & Philippe, instruit de la vertu & des sentimens d'Asan, lui rend la liberté.
Cette piece, qui offre un spectacle riche, des évolutions militaires, & une pompe vraiment magnifique, est très-bien conduite, quoique plus susceptible d'effets que d'intérêt ; mais si le cœur n'y est pas froissé, comme dans d'autres ouvrages de ce genre, les yeux y sont très agréablement captivés. Le 2e. acte, sur-tout, ainsi que le 3e. sont remplis d'effets & d'accessoires très-piquans. Le tableau de tant de rois, de François, d'Anglois, d'Allemands, de nations croisées; toutes dans leur costume, & suivant leur banniere, est majestueux. La musique est souvent dramatique : on a applaudi sur-tout un trio du premier acte, le chœur du sermnt du second, & un air très-bien chanté par Mde. Ducaire, dans le troisieme. Rien n'a été épargné pour la richesse, la beauté des habits & le charme des décorations Les costumes ont été dirigés par M. Boucher, acteur du théatre de la rue de Richelieu, dont le public a déja distingué les talens dans ce genre. Ils ont été exécutés par M. Alexandre, le même qui a travaillé aux costumes de Lucrece, & les décorations font beaucoup d'honneur au goût & au pinceau de M. Servandoni. L'orchestre de ce théatre est un des plus complets de Paris, les chœurs & les soldats sont très nombreux, très bien exercés ; en un mot, c'est un spectacle à voir, & fait pour attirer la foule. Les principaux rôles de cet opéra sont très-bien joués & chantés par Mde. Ducaire, MM. Ducaire, Valville, Jolle, Devercy & Fleuriot. Tous les autres acteurs de la troupe y paroissent.
Voici la romance du troubadour, que chante M. Fleuriot : l'air a du caractère, & l'on danse, pendant que les troubadours l'exécutent, au son du tambourin & du galoubet..
Beau Troubadour, qui va dansant
D'allure si douce & si tendre,
Tu ne vois pas, en ce moment,
Ce qu'un riral veut entreprendre.
Alerte, gentil Troubadour,
Si ta maîtresse
T'intéresse ;
Alerte, gentil Troubadour,
Un rival la poursuit d'amour.
Mais il est généreux, vraiment ;
Parois, plus rien n'ose entreprendre :
Peins-lui ton amoureux tourment.
Et sa poursuite il va suspendre.
Alerte, gentil Troubadour,
Si ta maîtresse
T'intéresse ;
Alerte, gentil Troubadour,
Par constance soumets l'Amour.
Deviens de plus en plus pressant ;
Bientôt ce. rival va se rendre ;
D'elle il s'éloigne en soupirant ;
C'est toi seul qu'elle veut entendre.
Tu vois bien, gentil Troubadour,
Que rudesse
Ne vaut souplesse ;
Tu vois bien, gentil Troubadour
Que constance a soumis l'Amour.
César donne pour date de la première le 13 mai 1792 (et non le 12). Mais c'est sans doute une erreur (le Mercure universel, entre autres, situe bien la première au 12 mai)
19 représentations jusqu'au 31 juillet 1792 ; 16 en 1793 (du 23 janvier au 6 novembre) ; 3 en mars et avril 1794. Soit 38 représentations.
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