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Albert de Wobourg

Albert de Wobourg, mélodrame en trois actes, à grand spectacle, de Milcent, musique de François-Charlemagne Lefebvre, 15 nivose an 11 [5 janvier 1803].

Théâtre de la Porte Saint-Martin

Almanach des Muses 1804 (erreur : Albert de Vhobourg, au lieu de Wobourg).

Albert de Wobourg a droit à un article deux jours de suite dans le Courrier des spectacles, mais c’est pour constater l’échec de ce mélodrame. Le premier article insiste surtout sur la médiocrité du spectacle offert tant par la pièce que par les acteurs et sur la grande insuffisance du style, dont les maladresses prêtent à rire. L’article du lendemain revient sur la chute de la pièce, que rien ne pouvait sauver, et pas sa musique en tout cas. Le critique dénonce les fausses promesses des affiches annonçant un spectacle bien plus spectaculaire que ce qui a été donné, avant de parler du sujet de la pièce, qui n’est pas nouveau : il a déjà été traité sous le titre d’Agnès Bernau [Agnès Bernau : pièce héroïque, en quatre actes et en vers libres, représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre Italien, le 22 juin 1785, Jean-Baptiste Gabriel Marie de Milcent : la collection Marandet de l’université de Warwick possède la brochure et la propose sur Internet]. Le nouvel auteur s’écarte toutefois de la vérité de l’histoire en évitant à son héroïne d’être jetée dans le Danube. Le résumé de l’intrigue la montre conforme à ce qu’on attend d’un mélodrame, jusqu’à la fin optimiste qui ne déroge pas à la règle du genre. L’article s’achève sur deux remarques sévères. D’abord, l’affirmation de l’inconsistance des caractères des personnages (aucun de ceux qui sont cités n’échappe au reproche). Et la réutilisation du ballet final, importé d’un mélodrame qui a échoué, et dont le critique suggère qu’il n’a pas fini de migrer d’un mélodrame à l’autre : «  Il n’y aura pas de raison pour que cela finisse. »

Courrier des spectacles, n° 2132 du 16 nivôse an 11 [6 janvier 1803], p. 2 :

Théâtre de la Porte Saint-Martin.

Première représentation d’Alberg, comte de Whobourg.

Il est donc décidé qu’il n’y aura rien de bon à ce théâtre en nouveautés ? Jusqu’ici les mélodrames, comme les opéra et les petites comédies, n’ont réussi qu’imparfaitement, et la curiosité, d’abord stimulée par le désir de voir une belle salle, s’est bientôt rallentie, parce que les ouvrages y étaient de la dernière foiblesse. D’où cela provient-il ? Le comité chargé de recevoir les pièces est, dit-on, composé de littérateurs estimés. Nous aimons à croire qu’il y en a plusieurs, mais nous pensons qu’ils sont plus capables de juger une bonne comédie qu’un mélodrame, où le public habitué à ces sortes de spectacles cherche moins la vraisemblance que des effets extraordinaires. La faute en est-elle aux acteurs ? Il est vrai qu’il manque dans les représentations cet ensemble si nécessaire au succès et que pour un bon acteur il s’en trouve deux mauvais. Foiblesse dans les ouvrages, foiblesse dans l’exécution, voilà ce qui précipite la chûte d’un théâtre ; et d’ailleurs, il faut le dire, le genre du mélodrame, qui affecte un style ambitieux et gigantesque, devient ridicule lorsqu’il n’est pas soutenu par ce ton imposant et noble qu’ont seuls les disciples de Melpomène. Alberg de Whobourg est en vers libres ; mais le plus souvent le style en est trivial, et a prété aux allusions malignes. Les auteurs, accoutumés à la prose, et trop fidèles à ce précepte :

Les vers sont enfans de la lyre ;
Il faut les chanter, non les lire.

ne savoient pas assez faire disparoitre les taches du style, et même quelquefois s’appuyoient bien innocemment sur les endroits qu’ils croyoient susceptibles de produire de l’effet, et que le public accueilloit de grands éclats de rire. Comment, par exemple, personne à la répétition, n’a-t-il senti le ridicule de ce vers que prononce Alberg :

J’accours, j’arrive en diligence.

La malignité, toujours à l’affût et toujours prête à sacrifier un ouvrage même de longue haleine à une plaisanterie, n’a pas laissé échapper l’occasion.

Comment a-t-on pu entendre, sans engager l’auteur à la changer, cette expression trois fois répétée dans la même scène :

Je vous rends votre main.    .    .    .    .    .

Que l’on juge de l’effet qui l’a suivie, en se figurant que l’actrice avoit alors la main tendue vers son époux comme pour attendre son arrêt, et qu’elle la retiroit du moment que celui ci la lui avoit rendue. Que l’on juge des ris du parterre lorsqu’elle répondoit:

Vous me rendez ma main .    .    .    .    .    .

Mille autres expressions de la même force, et diverses situations manquées ont totalement indisposé les plus chauds partisans de la piece, qui cependant pour la forme ont demandé l’auteur. Il a cru devoir garder l’anonyme. Nous reviendrons demain sur cet ouvrage.

F. J. B. P. G***.          

Courrier des spectacles, n° 2133 du 17 nivôse an 11 [7 janvier 1803], p. 2 :

Théâtre de la Porte Saint-Martin.

On nous assuroit avant-hier que la pièce d’Albert, comte de Whobourg, étoit d’abord destinée pour le grand opéra. La musique auroit pu pallier les défauts du style, mais non sauver ceux de la contexture du poëme. La chûte auroit donc été plus terrible encore à un plus grand théâtre.

Cet ouvrage cependant pourra se relever un peu à celui-ci et se traîner tant bien que mal durant quelques représentations ; n’a-t-il pas pour plaire à quelques curieux des décorations belles et pompeuses, des costumes brillans et des combats ? Mais cette derniere partie n’est pas la mieux exécutée. D’ailleurs il n’y en a véritablement qu’un seul, qui se termine trop vite pour produire un grand effet. Que deviennent donc les promesses fastueuses de l’affiche ? Elle annonçoit des combats, il n’y en a qu’un ; des marches et évolutions, il n’y en a point, à moins qu’on ne donne ce nom à des entrées ou sorties de soldats ; elle annonçoit des tournois, on n’en a point donné, et suivant l’intention de l’auteur if ne devoit point y en avoir. C’est ce qui a occasionné la demande plaisante faite à l’acteur qui se presentoit pour annoncer que l’auteur desiroit garder l’anonyme. On lui cria du parterre : L’auteur des tournois ! et il ne sçut véritablement que répondre, mais ce n’étoit point sa faute : on devoit accuser ceux qui font rédiger des affiches si pompeuses et en même-tems si mensongères. Promettez moins et tenez davantage, et le public loin de murmurer de ce qu’il a été trompé dans son espoir, vous saura gré de lui donner plus qu’il n’attendoit.

Disons quelque chose sur le sujet de cette production que nous croyons avoir déjà été traité en drame et en vers, sous le titre d’Agnès Bernau. L’aventure de cette Agnès est vraie, si 1’on en croit l’histoire, elle fut condamnée à périr pour avoir épousé le fils du duc de Bavière et fut précipitée du haut du pont dans le Danube, à Ratisbonne. Les Allemands en ont fait une tragédie qui fut représentée à Munich lors de la prise de cette ville par les Français sous le général Moreau. L’auteur d’Albert de Whobourg a puisé le même fonds, mais 1’a traite différemment, et n’a pas cru que pour se conformer à l’histoire, il dût faire jetter son héroïne dans le Danube.

Albert, fils d’Ernest, duc de Bavière, envoyé par son père à Augsbourg, y a épousé secrettement Agnès Bernau, fille d’un simple particulier. Attiré à Ratisbonne pour assister à un tournoi qu'y fait donner le Duc par le conseil de Gondelfin, grand chancelier de Bavière et ennemi d’Albert, il y amène incognito son épouse. Il se présente pour combattre, on lui ferme la barrière ; il insiste, Ernest le dégrade devant toute sa cour. Albert irrité rallie ses partisans, et se réfugie à Whobourg. Son père l’y poursuit à la tète de son armée, mais avant de donner l’assaut il envoie le chevalier Torrring pour tenter de ramener au devoir un fils rebelle. Torring est sur le point de réussir dans cette négociation, lorsqu’un parti d’ennemis est surpris jusques dans l’appartement d’Agnès qu’il vouloit enlever. Torring est brave, il craint qu’Albert ne le soupçonne, mais celui-ci lui rend justice et attribue cet attentat à Gondelfin.

Cependant l’assaut qui a suivi a mis le château au pouvoir d’Ernest. Agnès est arrêtée, on lui fait son procès : le Chancelier opine pour la mort, mais le Du peut faire grace. Agnès et Albert aime mieux mourir que d’être séparés. Dans cet instant l’écuyer d’Albert accourt avec ses amis qu’il a ralliés, et le jeune prince défiant Gondolfin délivre son pays d ece ministre barbare ; puis déposant son épée aux pieds du Duc son père, il obtient son pardon et la main d’Agnès.

Les caractères ne sont point soutenus. Gondelfin s’annonce comme un grand scélérat au premier acte, et ne fait presque plus rien. Le rôle de Torring se borne à trois scènes. Ce sont les meilleures de l’ouvrage. Ernest est un de ces mille et un pères de théâtre nuls et peu intéressans. Albert et Agnès n’ont que quelques lueurs de fermeté.

Un ballet termine la piece : quel [sic] a été notre surprise de voir malgré la foiblesse de l’exécution, que c’étoit le même que celui d’Ecberg ? Or, on l’a retranché d’Ecberg parce qu’on prévoyoit que le ballet iroit plus loin que la pièce, et on l’a mis à la fin d’Albert de Whobourg. Mais cette derniere pièce n’ayant pas réussi, il faudra encore le transporter à la fin d’un nouveau mélodrame, et s’il est encore mauvais, ainsi de suite. Il n’y aura pas de raison pour que cela finisse.

– Dans l’article d’hier, ligne 31me, au lieu de :Les auteurs, il faut lire : Les acteurs.

F. J. B. P. G***.          

La pièce est signalée dans le Dictionnaire universel du Théâtre de J. Goizet, tome 1, p. 55 (elle n’aurait pas été imprimée) et dans le Catalogue général des œuvres dramatiques et lyriques de la SACD de 1863 (sous la forme Albert de Whobourg, annoncé en 5 actes).

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