Alceste, opéra de Gluck, remis au théâtre le 1er juillet 1797.
Théâtre des Arts (Opéra)
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				 Titre : 
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				 Alceste 
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				 Genre 
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				 opéra 
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				 Nombre d'actes : 
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				 Vers / prose 
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				 en vers 
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				 Musique : 
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				 oui 
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				 Date de création : 
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				 reprise le 1er juillet 1797 
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				 Théâtre : 
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				 Théâtre des Arts (Opéra) 
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				 Auteur(s) des paroles : 
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				 Compositeur(s) : 
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				 Gluck 
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				 Chorégraphes) : 
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L’opéra de Gluck, régulièrement joué à l’Opéra jusqu’au 12 juin 1792, a été repris le premier juillet 1797, avec des modifications dans le livret et de nouvelles décorations.
 
Le Courrier des spectacles, ou Journal des théâtres, n° 177, 14 messidor an 5 (dimanche 2 juillet 1797), p. 2 :
[Problème de place de presse : pas question de se mêler au public, d’autant que la pièce n’est pas nouvelle, et qu’elle a subi un traitement qui ne l’embellit pas.]
Théâtre des Arts.
Nous ne rendrons pas compte de l’opéra d’Alceste, donné hier à ce théâtre, n’ayant pu nous procurer notre entrée ordinaire, et n’ayant pas voulu nous mettre dans la foule pour voir une pièce ancienne, que nous savons être étrangement défigurée.                 L. P.
 
Le rédacteur du journal a scrupuleusement tenu sa parole de ne pas dire ce qu’il pensait d’Alceste. Le surlendemain 4 juillet, il s’est contenté de publier une lettre d’un abonné rendant compte de la représentation. C’est tout un art de ne pas se dédire.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 3e année, 1797, tome II, p. 275-283 :
[C’est A. L. Millin lui-même, le rédacteur de la revue qui signe ce long article sur la reprise de l’Alceste de Gluck, absent depuis cinq ans de la scène de l’Opéra. Il commence par longuement regretter qu’on ait osé porter atteinte au livret pour le mettre en harmonie avec les idées nouvelles et faire disparaître les emblèmes de la royauté. Outre l’absurdité d’une telle attitude, il en montre par un exemple longuement développé les dégâts sur l’accord entre les mots et la musique. Il aborde ensuite la question des décorations, dont il reconnaît la nécessité pour « des hommes que le défaut d'instruction empêche de trouver du plaisir aux beautés réelles d'un ouvrage sans ces moyens auxiliaires ». Il leur reproche « de ne pas convenir aux temps et aux lieux ». Même si celles du deuxième acte comportent de belles idées, elles sont anachroniques et empruntées à des registres architecturaux trop éloignées de la Thessalie antique (l’architecture mozarabe...). Quant à « l'entrée et la sortie d'Alceste aux enfers », elles sont trop peu imposantes : le renvoi aux grands modèles antiques aurait dû fournir des éléments de décor et de pantomime plus puissants. De plus, « Les ornemens sont trop prodigués », et l’architecture de Pæstum ou de certains monuments siciliens aurait dû inciter à plus de modération. Les éléments suivants sont mieux traités : costumes « plus exacts », ballets (« les marches ») « du plus bel effet », grâce notamment à l’excellence des artistes, chanteurs et acteurs « consommés », sauf « la citoyenne Maillard », qui « force beaucoup trop sa voix », et qui devrait s’inspirer de la créatrice du rôle. Dernière notation : la sévérité envers le théâtre de l’Opéra est justifié par son importance : «  il doit ne rien offrir que de parfait ».]
On vient de remettre au théâtre des Arts l'opéra d’Alceste. Cet ouvrage étoit attendu avec impatience et à cause de sa célébrité, et à cause de la pompe du spectacle dont on savoit que la représentation devoit être accompagnée.
On a paru regretter, en général, qu'on se fût permis de toucher au poëme et de vouloir asservir la mythologie aux /idées révolutionnaires : on a fait d'Admète un héros qui a sauvé la patrie, et le premier acte, au lieu dé se passer dans le palais d'Admète, en Thessalie, se passe dans un camp. Alors Alcefte et ses enfans y deviennent déplacés; car ce n'étoit pas l'usage, dans les temps héroïques, que les guerriers fussent suivis, dans leurs expéditions, par leurs épouses et leurs enfans en bas-âge.
On a évité, avec soin, de laisser prononcer le nom de roi : cependant la douleur du peuple, qui perd dans Admète non-seulement un jeune guerrier aimable et valeureux, mais encore son roi, dont l'administration est douce et bienfaisante, acquiert, par ce double sentiment, un plus grand caractère. Ce culte des Thessaliens pour leur roi ne peut pas être plus dangereux à présenter que le culte que les Grecs rendoient à Jupiter, et vouloir soumettre l'histoire héroïque aux changemens arrivés dans notre système politique, me semble une idée aussi ridicule que si, au lieu d'offrir pour la conservation d'Admète un sacrifice à Apollon, on faisoit un pélerinage-à Saint-Jacques de Compostelle.
Le poëme n'est sans doute pas un chef-d'œuvre, et le changement de quelques vers insignifians, remplacés par d'autres qui le sont aussi, ne saurait paraître un sacrilége : cela est vrai ; mais ce poëme est consacré ; il a été adopté par l'immortel Gluck, et il a adapté sa sublime musique aux vers qui le composent ; il ne l'a pas fait sans observer la relation de l'harmonie des sons avec l'harmonie des mots ; telle note doit répondre à telle syllabe ; et intervertir l'ordre des vers, changer les mots, remplacer les terminaisons masculines par des féminines, et les féminines par des masculines, c'est détruire l'effet qu'il s'est proposé.
Ainsi, le grand-prêtre invoquant Apollon, disoit :
Dieu puissant! écartes du trône
De la mort le glaive effrayant :
Perces d'un rayon éclatant
Le voile affreux qui l'environne.
Aujourd'hui il dit:
 Dieu puissant ! écartes d'Admète
De la mort le glaive effrayant :
Rends à la patrie inquiète
Le bras chéri qui la défend.
En considérant ces changemens sous le rapport de la poésie, ils ne sont pas heureux.
Ecartes du trône fait image, parce qu'on voit que le trône lui-même sera frappé dans la personne d'Admète, et que c'est un malheur pour le peuple comme pour sa famille ; écartes d'Admète, au contraire, est d'une simplicité trop prosaïque.
Apollon perçant d'un rayon éclatant le voile affreux de la mort qui déjà environne Admète, est de même une image puisée dans les idées mythologiques des Grecs, cette source féconde de grandes idées poétiques ; rends à la patrie inquiète le bras chéri qui la défend, ajoute à l'extrême innocence du premier vers, qui n'est un peu annobli que par le second, qui a été conservé :
De la mort le glaive effrayant :
et cela toujours parce que l'idée de la mort qui d'un glaive effrayant menace les jours d'un héros, est une image grande et poétique encore fournie par la mythologie.
Voilà pour la poésie : voyons actuellement ce que la musique a perdu à ce changement.
La musique de ce premier vers :
Dieu puissant! écartes du trône
a quelque chose de solemnel et de sublime.
Les sons soutenus sur le mot trône, qui est harmonieux, produisent un grand effet, et ces mêmes sons, longs et soutenus sur le mot Admète, dont la désinence est tombante, maigre et sans harmonie, sont déplacés plutôt qu'imposans.
Certes la musique, faite pour exprimer celle idée, le voile AFFREUX qui l'environne, ne peut convenir à celle-ci : le bras CHÉRI qui la défend ; chéri n'a jamais dû pouvoir être chanté sur le même air qu'affreux.
Je pourrais multiplier mes citations ; celle-ci suffit pour faire voir l'extrême inconvénient qu'il y a à toucher à des ouvrages consacrés par l'admiration publique. Je ne nommerai point, par respect, l'homme-de lettres estimable qui s'est laissé entraîner à cette sophistication d'un des chefs-d'œuvres de la scène lyrique ; il est auteur de poésies qui plaisent à tous les gens de goût, et le peu de succès qu'il a obtenu dans un travail qui paraît d'abord si simple, suffit pour éclairer ceux qui seroient tentés de l'imiter .
Alceste est aujourd'hui un spectacle neuf pour la majorité des spectateurs. Les décorations, les jeux de théâtre plaisent sur-tout à des hommes que le défaut d'instruction empêche de trouver du plaisir aux beautés réelles d'un ouvrage sans ces moyens auxiliaires ; c'est ce qui produit la foule dans les petits spectacles. Alceste, sans ces vains ornemens, eût été trouvé triste, et auroit sans doute été abandonné pour l’Enfant du Bonheur ou du Malheur . Les administrateurs de l'opéra ont donc bien fait d'y ajouter ces accessoires ; d'ailleurs, le but du théâtre des Arts est de les montrer réunis.
Les décorations sont du plus grand effet ; elles n'ont qu'un défaut, c'est de n'être pas justes, de ne pas convenir aux temps et aux lieux ; le rideau qui voile, au premier acte, une partie du théâtre, seulement pour laisser le temps de changer la décoration, tombe gauchement, tandis qu'on auroit pu le faire développer naturellement et avec grâce des arbres auxquels il doit paroître suspendu.
La décoration du second acte est d'un dessin hardi ; l'idée de l'avoir éclairée par le soleil couchant est belle, puisque c'est à la fin du jour qu'Alceste doit se livrer aux ministres de la mort à la place de son époux ; mais le style de l'architecture tient un peu du Moresque par le nombre des arcades et des tours : on croit voir l’Alhambra, ou le palais des rois Maures à Grenade, la cathédrale de Burgos, ou la Giralde de Séville, plutôt qu'une ville de la Thessalie. Les colonnes massives, qui supportent le grand cintre, ne conviennent pas à la richesse du reste de l'architecture.
L'on auroit pu imaginer, pour l'entrée et la sortie d'Alceste aux enfers, quelque chose de plus imposant ; c'étoit-là l'occasion d'une pantomime bien exécutée d'une représentation de l'entrée des enfers avec les scènes différentes que Virgile et Lucien ont si bien décrites. Apollon, qui descend de la voûte, et le char de Pluton, qui sort perpendiculairement de dessous la terre, ne sont pas une invention ni bien ingénieuse, ni bien naturelle.
La troisième décoration n'offre qu'un fond nouveau ; l'avant-scène est la même qu'au second acte, ce qui doit nuire à l'illusion. L'arc de triomphe, couvert de guerriers et de citoyens, est d'un effet très-imposant ; mais en le considérant sous le rapport de l'architecture, il est trop écrasé, et rien n'est vraiment beau que ce qui est dans les proportions ; il ressemble au bel escalier des tuileries, dans lequel on auroit percé une voûte ; l'escalier est superbe, et la voûte seroit mauvaise.
Les ornemens sont trop prodigués ; le décorateur auroit pu prendre pour modèle les monumens les plus anciens d'architecture, tel que le temple de Pæstum, quelques édifices siciliens, etc., et conserver cependant son arc de triomphe, dont l'effet est très-imposant et très-beau , en lui donnant des proportions plus justes.
Les costumes sont beaucoup plus exacts que dans l'opéra d'Anacréon, et cette partie de spectacle souvent si négligée à l'opéra est mieux dirigée ; nous voudrions seulement qu'on ne mêlât pas des enseignes romaines avec des étendards thessaliens.
Les marches sont du plus bel effet ; celle qui s'exécute sur l'arc de triomphe est surprenante ; l'exercice à la massue par les suivans d'Hercule est exécuté avec une grande précision, et commande l'attention. Les citoyens Milon et Goyon y sont parfaitement secondés ; le ballet du second acte est très-gracieux ; celui qui termine la pièce n'a rien de neuf, mais on y voit paroître les citoyens Vestris et les citoyennes Gardel, Duchemin, etc. c'est-à-dire, des artistes inimitables dans ce genre.
Le citoyen Lainé a la tradition de son rôle, qu'il joue en acteur consommé, ainsi que le citoyen Adrien, qui joue celui du grand-prêtre avec infiniment de noblesse. La citoyenne Maillard force beaucoup trop sa voix ; elle passe souvent d'une intonation douce à des éclats ou à des cris concentrés qui, loin d'ajouter à l'expression, lui nuisent beaucoup. C'est au maître de musique à lui rappeler comment la célèbre Sainte-Huberti a établi ce rôle, où elle étoit admirable.
Nous sommes plus sévères pour l'opéra, parce qu'avec le secours des talens distingués en tous genres qui le composent, il doit ne rien offrir que de parfait, et justifier ainsi le titre qu'il a pris et qu'il mérite en général, de THÉÂTRE DES ARTS
A. L. M.
                                                                                                     
                                            
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