Amélia ou les Deux jumeaux espagnols, drame en cinq actes en prose, mêlé de pantomimes, danses, combats et musique, de Delrieu, 25 messidor an 6 [13 juillet 1798].
Théâtre de la Cité-Variétés et de la Pantomime nationale.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris , chez Migneret, chez Vente, an 6 :
Amélia, ou les Deux jumeaux espagnols, drame en cinq actes, en prose, mêlé de pantomimes, danses, combats et musique ; Représentée pour la première fois sur le Théâtre de la Cité-Variétés et de la Pantomime nationale, le 26 Messidor an 6 de la République Française ; Par E. J. B. Delrieu, Auteur du Jaloux malgré lui à la Comédie Française.
. . . . Quid non mortalia pectora cogis,
Auri sacra fames ? . . . . . . . .
L'épigraphe est une citation de Virgile, Énéide, chant 3, vers 57-58 : « À quoi ne pousses-tu pas le cœur des hommes, exécrable appétit de l'or ? ».
Courrier des spectacles, n° 508 du 26 messidor an 6 [14 juillet 1798], p. 3 :
Théâtre de la. Cité-Variétés, et de la Pantomime nationale.
Amélia, ou les Deux Jumeaux Espagnols, pièce en cinq actes et à grand spectacle, donnée hier à ce théâtre, a eu un très-médiocre succès ; les premiers actes ont été écoutés assez favorablement, mais le cinquième a excité les murmures presque universels. Cet ouvrage est entièrement tiré du roman de Louvet intitulé : Emilie de Varmont, ou le Divorce nécessaire. Cette pièce étant extrêmement surchargée d’évènemens compliqués les uns sur les autres, nous en remettons à demain l’analyse.
Courrier des spectacles, n° 509 du 27 messidor an 6 [15 juillet 1798], p. 2-3 :
[L'article tient les promesses de la veille : pour analyser la pièce, il faut d'abord longuement mettre en place les personnages et leurs relations., ce que le critique appelle « l'avant-scène », histoires d'amour et « soif des richesses ». L'intrigue débute quand Amélia, ayant échappé à la noyade, tombe aux mains de dom Juan, un libertin qui ne songe qu'à la séduire. Les coups de théâtre se multiplient, et c'est après bien des péripéties que la pauvre jeune fille peut épouser le jumeau de dom Juan. Bien sûr, il a fallu tuer le scélérat dom Pizarre, dissiper un soupçon de jalousie, échapper à des enlèvements avant de découvrir qui sont vraiment les divers personnages, souvent pris pour ce qu'ils ne sont pas. Le mariage entre Amélia et Alonzo, le frère jumeau de don Juan, mais « d'un naturel tout-à-fait opposé ». Après avoir longuement dénoué les fils d'une intrigue confuse, le critique peut porter le jugement attendu : trop d'événements, à la succession trop rapide : l'auteur a voulu suivre le roman source de trop près, sans tenir compte de la différence entre le roman et le théâtre « où il faut plus de vraisemblance » : tant d'événements ne peuvent tenir « dans l’espace de vingt-quatre heures ». La soumission au roman est si poussée que le dialogue de la pièce « est souvent copié littéralement ». Par contre, l'interprétation est bonne, avec deux rôles mis en avant, dont les interprètes font preuve de sensibilité et d'intelligence.]
Théâtre de la Cité-Variétés, et de la Pantomime nationale.
Nous avons dit dans notre numéro d’hier que la pièce d'Amélia, ou les Deux Jumeaux Espagnols, étoit très-surchargée d’évènemens, nos lecteurs vont en juger par l’analyse suivante :
Dom Pizarre, jeune homme d’un caractère ambitieux et féroce, a déjà forcé une de ses sœurs à prendre le parti de s’enterrer dans un cloître. La soif des richesses ferme son cœur à tous sentimens d’honneur et d'amitié, il est prêt à contraindre Amélia de suivre l’exemple de sa sœur, quand Dom-Pèdre, homme délicat et généreux, touché du sort déplorable d’Amélia, s’est offert à l’épouser, malgré l’amour qu’il ressentoit, pour Eléonore. Dom Pizarre n’a consenti à cet hymen, qu’aux conditions que Dom Pèdre reconnoîtroit avoir reçu, en avancemens de succession, la somme de 600 mille livres, et qu’Amélia vivroit éloignée dans une terre étrangère, s’engageant par écrit à une obligation de 200 mille livres, si elle manquoit à sa promesse ; Les conditions de Pizarre ont été acceptées par Dom Pedre, et le soir même ils ont dù partir pour les isles, quand Pizarre, informé de leur embarquement, a fait mettre le feu au vaisseau qui portoit Amélia et son époux. Cette femme intéressante, en voulant échapper aux flammes, est tombée dans la mer ; une barque étoit toute prête à la sauver, mais le cruel Pizarre l’a repoussée avec violence enfin après avoir lutté long-tems contre les flots, elle gagne le rivage et est recueillie par Dom Juan qui la transporte dans son château. Telle est l’avant-scène.
Dom Juan, jeune homme libertin et impétueux, n’a pu voir Amélia, sans concevoir l’espoir criminel de la séduire ; il lui a déclaré sa passion, et touche au moment de jouir de ses exécrables projets, quand Amélia est enlevée par Antonio, valet de Dom Pizarre. Celui-ci a donné ordre à son domestique de la précipiter dans la mer ; Antonio, au moment de consommer ce cruel sacrifice, se laisse attendrir par les prières et par les pleurs de cette infortunée ; il lui donne les moyens de se sauver, et fait accroire à Dom Pizarre que sa sœur n’existe plus. Amélia, après avoir long-tems erré dans des lieux inconnus, arrive à la cabane d’un pauvre curé nommé Pascal ; elle lui demande instamment l’hospitalité, et lui offre même d’être sa servante, mais le bon et honnête curé ne peut consentir à ce qu’Amélia se charge du grossier tracas du ménage, il la prie seulement de l’aider dans les détails les moins fatigans ; Juliette est le nom qu’il lui donne. Cependant le pauvre Pascal n’est pas insensible aux charmes de Juliette, il dévore son amour : un autre plus heureux que lui a fait la plus vive impression sur le cœur d’Amélia, c’est Alonzo, frère de Dom-Juan, et ami de collège de Pascal, qu’il vient souvent visiter dans son presbytère. Alonzo ressemble parfaitement à son frère Don Juan, mais il est d’un naturel tout-à-fait opposé. A sa première vue, Amélia s’est d’abord évanouie , croyant reconnoître son lâche séducteur, mais la douceur, la timidité et l’honnêteté d’Alonzo ont bientôt dissipé' ses craintes.
Pascal s’apperçoit de l’amour mutuel d’Alonzo et d’Amélia, et pour rendre à son cœur la paix et la tranquillité, il se résout à éloigner de lui Amélia, et à la faire recevoir au château d’Eléonore, sœur d’Alonzo et de Dom Juan. Il écrit à cet effet une lettre à Eléonore, et la supplie de donner l’hospitalité à l'infortunée chargée de sa lettre. Amélia arrive au château d’Eléonore, qui la reçoit avec l’accueil le plus gracieux.
Il est nécessaire d’avertir ici que depuis la malheureuse aventure arrivée à Dom Pedre et à son épouse ; celui-ci la croyant engloutie par les flots a déjà formé de nouveaux nœuds avec Eléonore sa premiere maîtresse ; mais poursuivi par le scélérat Pizarre, il a été plongé dans un cachot, d’où il n’est sorti qu’au moment de l'arrivée d’Amélia au château d’Eléonore. Quel coup affreux pour Amélia, elle reconnoît dans son époux celui de sa bienfaitrice ; bientôt celui-ci l’assure que la nouvelle de sa mort lui avoit été confirmée, il se jette à ses genoux ; Eléonore survient et le trouve dans cette posture, mouvemens secrets de jalousie ; cependant Dom Pizarre ne sera satisfait que lorsqu'il pourra calculer ses trésors, fruit de la mort d’Amélia, il parvient à découvrir sa nouvelle retraite, bien résolu de sacrifier sa sœur à son infâme cupidité. De son coté, Dom Juan n’a pas renoncé à son criminel projet, il tente pareillement d’enlever Amélia à Alonzo, et arrive au château, et profitant de sa parfaite ressemblance avec son frère, il ne tarde pas à la conduire dans sa voiture ; mais bientôt il y est attaqué lui-même par Dom Pizarre ; combat entre les deux ravisseurs. Dom Pedre et Alonzo vont secourir Amélia et la ramènent au château. Dom Pizarre est tué sur le champ de bataille, alors Antonio son valet vient découvrir que Dom Pedre est le frère d’Amélia, et Alonzo est uni à sa maîtresse.
Tel est le fonds de cet ouvrage, dont les événemens se suivent avec beaucoup trop de rapidité ; l’auteur a voulu suivre d’un bout à l’autre le roman d’Amélie de Varmont ; mais les événemens qui peuvent se présenter dans un roman, ne sont pas susceptibles d’être offerts sur la scène, où il faut plus de vraisemblance, et il n’est aucunement dans l’ordre nature! des choses que tous les faits de cette pièce puissent se passer dans l’espace de vingt-quatre heures. De plus le dialogue est souvent copié littéralement dans Amélie de Varmont.
Cette pièce a étè jouée avec ensemble par les différens artistes de ce théâtre ; la cit. Truchy et le cit. Faur ont sur-tout rempli les rôles d’Amélia et d’Antonio avec sensibilité et intelligence.
La base César donne une liste de neuf représentations, toutes au Palais des Variétés, du 13 au 30 juillet 1798.
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