Anna, ou les Deux Chaumieres, opéra-comique en un acte, paroles de M. Sewrin, musique de M. Solié ; 20 février 1808.
Théâtre de l'Opéra-Comique.
-
Titre :
|
Anna, ou les deux chaumières
|
Genre
|
opéra comique (comédie mêlée de chants)
|
Nombre d'actes :
|
1
|
Vers / prose ?
|
en prose, avec des couplets en vers
|
Musique :
|
oui
|
Date de création :
|
20 février 1808
|
Théâtre :
|
Théâtre de l’Opéra-Comique
|
Auteur(s) des paroles :
|
Sewrin
|
Compositeur(s) :
|
Solié
|
Almanach des Muses 1809.
Un vieillard persécuté, qui cache son grand nom et ses chagrins dans une chaumiere, où il amene avec lui sa jolie fille nommée Anna ; un jeune seigneur, amant d'Anna, qui vient aussi cacher son grand nom et son amour dans une autre chaumiere ; le jeune homme fou de la jolie fille, quoiqu'il la croie une paysanne ; le vieillard qui refuse l'amant, parce qu'il le croit un paysan ; le propriétaire des deux chaumieres qui vient donner congé à ses locataires, parce qu'il va, dit-il, vendre ces masures avec le château dont elles dépendent, et l'amant se déterminant à tout acheter ; enfin le mariage du couple amoureux, après que les habitants des deux chaumieres se sont fait connaître l'un à l'autre sous leurs véritables noms : tel est le fond de cet opéra que le parterre a traité avec une rigueur qu'il est rarement fâché d'exercer.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Madame Cavanagh, 1808 :
Anna, ou les Deux chaumières, comédie en un acte et en prose, mêlée de chants ; Paroles de M. Sewrin, Musique de M. Solié. Représentée, pour la première fois, par les Comédiens ordinaires de S. M. l'Empereur et Roi, sur le Théatre de l'Opéra Comique, rue Feydeau, le Samedi 20 Février 1808.
Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 13e année, 1808, tome II, p. 192 :
[Compte rendu minimaliste d’une pièce qui n’a pas séduit le critique. On saura seulement qu’elle manquait d’invention, et que la faiblesse du « poème » a entraîné celle de la musique.]
THÉÂTRE DE L’OPERA COMIQUE.
Anna, ou les deux Chaumières, opéra en un acte, joué le 20 février.
Deux chaumières voisines sont habitées par des seigneurs déguisés. L'un est poursuivi on ne sait par qui, ni pour quoi ; l'autre est amoureux de la fille du voisin. La grâce du vieux et le mariage du jeune terminent cette pièce dont l'invention n'a pas coûté de grands efforts.
La musique est de M. Solié ; elle se ressent de la foiblesse du poème qui est de M. Sewrin. Juliet a été fort comique dans le rôle d'un vieux propriétaire avare. Chenard et Julien jouoient les autres rôles avec mesdames Gontier et Paul-Michu.
L'Esprit des journaux français et étrangers, 1808, tome IV, avril 1808, p. 280-285 :
[Un bien long compte rendu, pour une pièce qui n’a pas réussi. Le résumé de l’intrigue ne brille pas par sa neutralité : le critique ne se prive pas pour montrer combien la pièce, « petit drame pastoral », était mal construite (un long épisode dînatoire, puis un récit des faits antérieurs fait à celui qui les a vécus :une exposition bien maladroite). L’exposition faite au milieu de la pièce donne d’ailleurs la clef du dénouement. Le critique n’apprécie pas non plus le rebondissement qui permet d’allonger la pièce, qui finit par un joli tour de passe-passe : le pauvre redevient riche et tout s’arrange. Tout cela étant clair même pour « les moins clairvoyans », « Nos lecteurs devinent le reste ». L’accueil du public a été à la hauteur de la déception causée par « un dénouement opéré par un passeport et une gazette », moyens en effet assez faciles. Le critique se fait un plaisir d’évoquer les sifflets, puis la difficile interprétation du « couplet de compliment », où l’actrice appelait le public à l’indulgence. Rien à dire de la musique (ce n’est pas bon signe), des acteurs qui ont fait ce qu’ils ont pu (et certains pouvaient même faire rire). Dernière dénonciation, celle des « amis des auteurs » qui avaient mobilisé beaucoup de monde. Mais il serait imprudent de faire un deuxième essai !]
Anna, ou les deux Chaumières, comédie en un acte, mêlée de chant.
Cette pièce est un petit drame pastoral, d'une telle innocence, que le parterre, à ce qu'il nous semble, aurait dû la laisser tomber tout doucement ; mais il était apparemment mal disposé, et la chûte a été bruyante. Voici le fait :
On voyait deux chaumières sur le théâtre, l'une habitée par un vieux métayer avec sa fille et une vieille servante ; l'autre par un jeune faiseur de paniers, sans servante ni domestique. Le jeune homme, nommé Georges, était amoureux de la jeune fille nommée Anna. Il a fait de jolis cadeaux à la fille et au père, une corbeille pleine de fruits et un fort joli bouquet; il a été chercher de l'eau dans une cruche pour la vieille, et, en récompense, il a baisé la main d'Anna. Mais bientôt on nous a appris que Raymond, c'est le nom du métayer, était un grand seigneur toujours très-fier, quoique ruiné et disgracié, qui ne donnerait jamais à un paysan la main de sa fille ; et nous n'avons pu en douter, lorsqu'en effet nous avons vu Raymond déjeûner avec les fruits donnés par Georges et avec l'eau fraîche apportée par ce bon jeune homme, sans l'inviter à se mettre à table, quoique Georges, au même moment, déjeûnât tout seul dans son coin. Il s'en dédommageait, il est vrai, en avalant de grands verres de vin qui valaient bien de l'eau fraîche ; mais cela n'a point empêché que tout le parterre ne trouvât le seigneur Raymond fort mal élevé.
Nous en étions là, et tous les acteurs déjeûnans avaient quitté la scène, lorsque nous avons entendu quelques coups de fouet ; on a cru d'abord que c'était un courier qui apportait le nœud de la pièce ; on se trompait, il venait en faire l'exposition. Ce courier n'était autre qu'un valet de Georges ; nous avons su de lui que ce simple nom de Georges cachait le comte Ferdinand de Wolstein ; et, pour mieux nous instruire encore, il a raconté à son maître tout ce que son maître devait savoir mieux que lui : que, six mois auparavant, le comte ayant vu Anna dans ce canton montagneux du Tyrol (car nous étions en Tyrol), en était devenu amoureux et était revenu, peu de temps après, s'établir auprès d'elle, apparemment pour éprouver sa vertu. Afin de nous laisser sur le dénouement le moins d'inquiétude possible, le bon valet a remis à son maître un portefeuille rempli de billets de banque ; le comte, en reconnaissance, lui a servi à déjeûner, lui a versé à boire, puis l'a laissé seul ; et le valet a profité du moment pour lire la gazette. Il lisait haut. La vieille servante du bonhomme Raymond s'est approchée ; elle a entendu prononcer le nom du baron de Mansberg, et ce nom l'a prodigieusement intéressée ; d'où les moins clairvoyans ont pu conclure que Raymond et le baron de Mansberg étaient une seule et même personne, et deviner que la gazette annonçait un retour complet de fortune pour le baron de Mansberg.
C'est ici que les sifflets ont commencé à se faire entendre, et ce qui a suivi n'était pas propre à les calmer. L'intrigue s'est nouée par l'arrivée d'un homme de plume nommé Hugues Babolein Griffman, propriétaire du vieux château d'où dépendaient les deux chaumières : il a signifié à Raymond qu'il vendait à la fois et les chaumières et le château, et qu'il eût à déguerpir de son domicile ; Raymond s'y est résigné d'assez mauvaise humeur ; mais Georges avait entendu tout le colloque. Raymond à peine parti, il est venu demander la préférence à Hugues Babolein Griffmann pour la vente qu'il voulait faire. Georges offrait mille florins de plus que le premier acheteur ; Babolein, n'a point hésité, et l'acte sous seing-privé a été signé sur l'heure.
La pièce, qui aurait pu finir plutôt, aurait dû finir au moins après cette vente ; mais sans doute l'auteur ne la trouvait pas encore assez longue. Il a donné à Babolein des soupçons sur la probité d'un faiseur de paniers qui prenait le nom d'un seigneur très-connu dans le pays, et qui payait comptant une acquisition de 13,000 florins. Babolein est allé chercher la justice ; la justice est venue ; Georges, arrêté et interrogé, a exhibé son passeport ; on l'a reconnu, on lui a demandé pardon, et on l'a laissé avec Raymond, à qui il a aussitôt demandé sa fille. Raymond, qui ne l'aurait pas donnée à un paysan, n'a pas voulu l'accorder au comte de Wolstein, sans être sûr que ce seigneur l'épouserait, ne fût-elle que paysanne. Cela a donné lieu à quelques lieux communs sur les préjugés qu'on ne reçoit plus aussi bien qu'autrefois ; et le comte ayant déclaré que les avantages de la naissance lui étaient indifférens, Raymond s'est nommé : Epousez donc, a-t-il dit, la fille du baron de Mansberg. Nos lecteurs devinent le reste. A ce nom de Mansberg, le valet du comte a tiré sa gazette de sa poche ; il a lu l'article qui annonçait le rétablissement du baron dans ses biens et ses dignités, et la pièce a fini au contentement de tous les personnages.
Quant au public et aux auteurs, c'est autre chose. Le public a paru très-médiocrement édifié d'un dénouement opéré par un passeport et une gazette, et la manière dont il l'a témoigné a sans doute très-mal édifié les auteurs. Le bruit des sifflets n'a été interrompu que pour écouter le couplet de compliment, chanté par Mme. Paul-Michu. L'actrice, très-intimidée, n'a pas chanté juste ; on a eu la cruauté de crier bis ; mais c'est en vain qu'elle a répété sa requête au public de protéger les deux Chaumières ; elles sont tombées, comme les murs de Jéricho, au bruit d'une harmonie moins terrible, mais plus aiguë.
Nous ne dirons rien de la musique de cet ouvrage. Les acteurs l'ont soutenu de leur mieux : Chenard et Mme. Gonthier y avaient pris des rôles ; Juliet l'a égayé un moment dans le personnage de Babolein. Mme. Paul-Michu y a mis le sentiment en œuvre. Julien, qui paraissait pour la première fois à ce théâtre, dans une pièce nouvelle, a créé son rôle (pour parler le langage du jour) avec beaucoup d'intelligence et a fort bien chanté ses couplets. Les amis des auteurs ont fait leur devoir à merveille : l'assemblée était très-nombreuse ; mais si les acteurs sont sages, ils ne hasarderont pas une seconde représentation.
G.
Ajouter un commentaire